Le 12 octobre 2009, le député Fernand Etgen et l’eurodéputé Charles Goerens (DP) ont abordé, lors d’une conférence de presse, la situation actuelle du secteur agricole et notamment du marché du lait. A cette occasion, ils ont présenté les propositions et attentes du groupe de travail "Agriculture" du DP, qui s’est réuni la semaine passée afin de déterminer des pistes de réflexions pour sortir le secteur agricole de la crise.
Selon Fernand Etgen, la production agricole n’est pas comparable à d’autres formes de production. Elle compte de nombreux producteurs, ce qui rend difficile une adaptation de l’offre aux demandes du marché. Parallèlement, les vaches "ne peuvent pas être mises au chômage technique". Pour le député libéral, "l’esprit d’entreprise" existe encore dans le secteur agricole et la "fierté de l’agriculteur", qui se caractérise par la volonté d’être son propre maître et de vivre de ses produits de qualité, fait en quelque sorte qu’il est difficile pour les agriculteurs de devoir requérir des aides d’Etat. Fernand Etgen pense que si la politique agricole européenne ne change pas de cap, le secteur va bientôt sombrer. "Chaque agriculteur perdu signifie une perte et un appauvrissement de notre culture, de notre paysage, du savoir-faire, de la qualité de nos aliments et de nos traditions", et c’est pour cette raison que le DP pense qu’il faut aider d’urgence le secteur agricole par des mesures à court terme.
Pour Fernand Etgen, les mesures gouvernementales sont un pas dans la bonne direction, mais elles ne vont pas assez loin. Certaines de ces mesures, comme le relèvement de la TVA de 9 à 10 %, ainsi que le tarif préférentiel pour l’eau utilisée dans la production agricole, font l’objet de critiques de la part du parti libéral, qui reproche au gouvernement que ce ne sont pas de vraies "mesures nationales directes". La prise en charge par l’État des cotisations sociales se limiterait en outre seulement sur la caisse de santé et l’assurance pension en négligeant d’autres volets. Le DP salue cependant des mesures comme la campagne "Sou schmaacht Lëtzebuerg", qui veut favoriser l’utilisation de produits agricoles. Enfin, le parti libéral rejette les produits de substitution et demande que "ce qui s’appelle lait, doit aussi contenir du lait".
La situation difficile ne se limiterait d’ailleurs pas seulement au secteur du lait, mais se ferait également remarquer chez les producteurs de viande et de céréales. Le consommateur paierait de plus en plus cher tandis que l’agriculteur gagnerait de moins en moins, se retrouvant finalement dans des difficultés financières. Face à ce problème, le DP propose d’introduire des carryback (reports en arrière des déficits) ou des carryforward (reports en avant des déficits) dans le domaine fiscal, ainsi que d’accorder des crédits sans intérêts aux agriculteurs, dont l’Etat prendrait en charge la garantie et éventuellement une partie du remboursement. A l’instar de l’eurodéputé vert Claude Turmes, le DP propose également un pacte entre agriculteurs et consommateurs, pour que les discounters n’aient pas de chance dans le secteur.
Après la levée du système des quotas laitiers prévue pour 2015, le DP veut une régulation du marché qui empêche une dépendance des agriculteurs par rapport aux subsides étatiques, tout en maintenant une certaine sécurité de planification capable de répondre aux fluctuations des prix.
La mise en place par la Commission européenne d’un groupe d’experts afin de prévoir des mesures à moyen et long terme pour le secteur du lait, suscite de grandes attentes dans les rangs du DP. Ainsi, Fernand Etgen espère que ce groupe sera en mesure de donner des pistes de réflexion sur la stabilité et la transparence des prix, et de présenter une feuille de route pour la reconsidération de l’agriculture. En parallèle, le député libéral s’est montré sceptique par rapport à ce groupe d’experts, qui ne peut pas prendre des mesures concrètes et dont la Commission européenne ne doit pas suivre les conclusions. "Les bureaucrates de Bruxelles sont en quelque sorte dépassés par la réalité", a-t-il estimé, "et la commissaire Fischer-Boel doit faire des propositions plus solides afin de donner plus de marges de manœuvre aux 20 Etats-membres de l’Union européenne qui réclament une nouvelle régulation du marché du lait".
En guise de conclusion, Fernand Etgen a souligné que le Conseil Agriculture du 19 octobre 2009 ne devra pas servir d’alibi ou pour faire de la politique symbolique. Pour le DP, les ministres doivent y trouver des solutions qui prennent en considération les aspects sociaux et économiques, trouvent un équilibre entre l’offre et la demande, offrent des conditions cadres correctes, et incluent l’aspect environnemental.
L’eurodéputé Charles Goerens, lui-même agriculteur, s’est ensuite interrogé sur la disparition des exploitations agricoles existant depuis des décennies et transmises de génération en génération. Les activités spécifiques, le savoir-faire et les progrès de la production du lait grâce aux investissements à grande échelle des agriculteurs, tout cela risque de disparaître si la Commission européenne n’est pas capable de réguler le secteur agricole. Charles Goerens ne pense pas qu’il n’y ait pas assez de subsides. Bien au contraire, il dit qu’il y en a assez, que leur distribution n’est pas toujours la meilleure, et que les agriculteurs n’arrivent donc pas à gérer leurs nombreux frais.
Avec un marché européen qui compte plus d’un million de producteurs, il est difficile d’adapter rapidement l’offre à la demande. "En 2005, l’offre et la demande étaient en équilibre", a expliqué Charles Goerens qui pense qu’on ne peut pas aider les agriculteurs de façon individuelle, ni au niveau des laiteries ou au niveau national. Pour l’eurodéputé, la Commission européenne doit agir dans l’intérêt des consommateurs et des producteurs, comme le stipulent d’ailleurs le traité de Rome, l’Acte unique européen, le traité d’Amsterdam, le traité de Nice et le traité de Lisbonne. "Le Conseil européen doit imposer la régulation du marché agricole à la Commission", a-t-il estimé, "et la commissaire Fischer-Boel doit prendre ses responsabilités pour équilibrer la situation". Selon Charles Goerens, les agriculteurs ne veulent pas de subsides, mais des moyens de réagir de manière flexible à la situation sur le marché.
"Toutes les mesures proposées jusqu'à présent vont dans la bonne direction, mais elles ne sont pas suffisantes", a expliqué Charles Goerens, tout en estimant que l’idée du crédit sans intérêts permettrait aux agriculteurs d’atténuer les circonstances et de payer leurs factures les plus urgentes. Néanmoins, la situation reste très sérieuse selon l’eurodéputé qui n’a pas manqué à souligner que "le comportement de la Commission est inacceptable" et que "la politique doit donner une réponse raisonnable" à la crise du secteur agricole.
Selon Charles Goerens, on pourrait par exemple concrétiser la proposition de la Commission européenne visant à permettre aux États membres de verser, à titre temporaire, des aides plafonnées à 15 000 euros par producteur, qui pourraient couvrir les intérêts des crédits de quelques années. Si, à la fin de l’année 2009, la situation n’a pas changé, l’Etat pourrait également prendre en charge les intérêts et rembourser une partie des dettes des agriculteurs.
Tout en insistant sur le fait qu’une relecture des traités de l’Union européenne permettrait de prendre davantage de mesures, Charles Goerens a souligné que le bilan de santé de la politique agricole commune ne suffit pas pour résoudre le problème. Abordant la conférence annuelle sur l’agriculture que le DP avait revendiquée avant les élections de juin 2009, Charles Goerens a souligné qu’il ne s’agit pas de se cacher derrière de telles conférences ou des groupes d’experts, mais de sauver le secteur. Et de conclure qu’il faut des mesures à moyen et à long terme parce que le marché seul ne peut pas se réguler.