Le 7 septembre 2010, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a tenu le tout premier discours sur l’état de l’Union de l’histoire de l’UE devant un Parlement européen réuni en plénière. Sa déclaration, qui se voulait surtout prospective, a été suivie d’un débat nourri notamment des réactions des présidents des principaux groupes politiques au Parlement européen. Cet exercice introduit par le nouvel accord-cadre entre Commission européenne et Parlement européen s’inscrit dans le contexte des transformations institutionnelles amorcées avec la mise en œuvre du traité de Lisbonne.
C’est par le défi qu’a représenté la crise au cours des derniers mois que le président Barroso a commencé sa déclaration, soulignant que la solidarité européenne avait été mise à l’épreuve comme jamais auparavant. Et pourtant, selon lui "nous avons réagi et nous avons résisté", l’Europe a montré qu’elle était bien présente et capable de faire preuve de leadership. Aussi, les perspectives économiques de l’UE sont-elles meilleures aujourd’hui qu’il y a un an, ce dont se réjouit José Manuel Barroso qui souligne cependant l’importance du travail qui reste à mener pour moderniser l’économie sociale de marché de l’Europe afin de la rendre plus compétitive au niveau mondial.
"C’est l’heure de vérité pour l’Europe", juge ainsi le président de la Commission européenne qui estime que "le secret de la réussite européenne réside dans son modèle communautaire" et qui appelle tous les acteurs "à faire preuve d’efforts conjoints". Il a identifié dans son discours les cinq défis sur lesquels Commission et Parlement européen vont devoir se concentrer dans les douze mois à venir.
En matière de gouvernance économique, José Manuel Barroso souligne les progrès considérables réalisés suite aux premières propositions de la Commission et à la mise en place de la task force sur la gouvernance économique. De nouvelles propositions législatives seront par ailleurs présentées le 29 septembre prochain. Il s’agira de renforcer le Pacte de stabilité et de croissance par une surveillance budgétaire accrue et une contrainte plus stricte.
Un autre problème auquel entend s’atteler José Manuel Barroso consiste à résoudre les graves déséquilibres macroéconomiques et il a donc rappelé les propositions faites par la Commission visant à détecter les bulles spéculatives, les défauts de compétitivité et d'autres facteurs de déséquilibre. Saluant le rôle constructif des gouvernements nationaux qu’il estime "prêts à accepter une surveillance plus étroite, assortie d'incitations au respect des règles, ainsi que de sanctions plus précoces", José Manuel Barroso a souligné que la Commission renforcerait son propre rôle d'arbitre indépendant et de garant du respect des nouvelles règles.
Son objectif est en effet de "faire de l'union monétaire une véritable union économique".
Pour ce qui est du secteur financier, il importe au président de la Commission européenne qu’il soit "au service de l'économie réelle". Rappelant les efforts faits en matière de transparence des banques avec la publication des tests de résistance, mais aussi les propositions de la Commission visant à protéger l’épargne des citoyens, José Manuel Barroso a annoncé la proposition qui sera faite prochainement de bannir les ventes à découvert abusives, mais aussi l’intention qu’il a de se pencher sur les contrats d'échange sur défaut, mieux connus comme "credit default swaps".
Son souci est bien de faire en sorte que les banques, et non les contribuables, aient l'obligation de financer elles-mêmes en amont leur propre risque de défaillance. José Manuel Barroso a donc plaidé en faveur d'une taxation des activités financières, un sujet sur lequel la Commission présentera des propositions cet automne.
Saluant l’accord politique conclu le 2 septembre dernier sur la supervision financière, José Manuel Barroso s’est engagé à approfondir également le volet réglementaire. Des initiatives concernant les produits dérivés, de nouvelles mesures sur les agences de notation ainsi qu'un cadre concernant la liquidation des banques et la gestion des crises bancaires seront ainsi soumis à brève échéance.
Son objectif est de boucler intégralement la réforme du secteur financier pour la fin de l'année prochaine.
"La croissance pour l'emploi, c'est notre priorité principale", a poursuivi le président de la Commission européenne qui entend se concentrer sur trois priorités, à savoir augmenter le nombre de travailleurs en activité, stimuler la compétitivité de nos entreprises et approfondir le marché unique.
Ainsi, pour ce qui est de l’emploi, rappelant les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie Europe 2020 et soulignant le fait que la plupart des compétences en matière de politique de l'emploi relèvent de la compétence des Etats membres, José Manuel Barroso a-t-il affirmé vouloir "une Union qui soit à la fois sociale et inclusive".
Le programme commun de réformes qu’il entend mettre en œuvre en collaboration avec les différents acteurs devra être axé sur les qualifications et l'emploi, ainsi que sur l'investissement dans l'apprentissage tout au long de la vie. Mais il s’agira aussi de lutter contre la pauvreté et l’exclusion en protégeant notamment les groupes vulnérables sans oublier pour autant de s’attaquer aux obstacles qui subsistent au franchissement des frontières des citoyens.
"La croissance doit reposer sur la compétitivité de nos entreprises", a ensuite déclaré le président de la Commission européenne qui a souligné l’intention de la Commission d’aider les PME à innover tout en s’attachant à limiter le poids des formalités administratives auxquelles elles sont soumises.
Dressant la liste des investissements réalisés dans l’innovation et la recherche, que ce soit dans le cadre du 7e PCRD, dans celui de l’initiative qui visera à moderniser les universités européennes, ou encore dans le soutien aux partenariats publics privés, José Manuel Barroso a insisté sur la nécessité d’un brevet européen valable dans toute l'Union européenne. "Notre proposition est sur la table" a-t-il lancé.
"L'existence d'une base industrielle florissante en Europe revêt une importance capitale pour notre avenir", a ajouté José Manuel Barroso annonçant le projet de la Commission de présenter le mois prochain une nouvelle politique industrielle.
José Manuel Barroso a alors appelé à approfondir de toute urgence le marché intérieur qui constitue certes "le plus grand atout de l'Europe", mais qui n’est pas assez exploité selon lui. Sur la base du rapport rédigé par Mario Monti, qui identifie 150 chaînons manquants et goulets d'étranglement qui entravent le fonctionnement du marché intérieur, la Commission présentera le mois prochain le "Single Market Act", une proposition législative que José Manuel Barroso annonce d’ores et déjà comme "globale et ambitieuse".
Le président de la Commission a insisté notamment sur le secteur de l’énergie dans le cadre duquel il entend faire ce qui a été réalisé pour la téléphonie mobile : donner aux consommateurs un vrai choix, sur un marché européen unique. Un plan d'action dans le domaine de l'énergie, un train de mesures relatif aux infrastructures énergétiques, ainsi qu'un plan d’action pour l’efficience énergétique seront donc présentés l’année prochaine.
Sans perdre de vue l’enjeu de la sécurité de l’approvisionnement énergétique ainsi que l’importance du secteur agricole pour relever le défi de la sécurité alimentaire mondiale, José Manuel Barroso a insisté aussi sur la mise en œuvre du paquet Climat et énergie. Son objectif est d’atteindre d'ici 2020 la barre des trois millions d'emplois verts, tout en misant aussi sur une croissance «intelligente» dans le cadre de laquelle la stratégie numérique pour l'Europe jouera un rôle essentiel.
"L'une des dimensions fondamentales de notre projet européen est la construction d'un espace de liberté, de sécurité et de justice", a ensuite déclaré José Manuel Barroso, s’engageant à ne ménager aucun effort afin de mettre en œuvre le plan d'action du programme de Stockholm.
"Les immigrants légaux trouveront dans l'Europe un espace dans lequel les valeurs humaines sont respectées et protégées", a assuré le président de la Commission tout en annonçant une répression énergique de l'exploitation des immigrants clandestins au sein de l'Europe et à ses frontières. La Commission fera de nouvelles propositions sur le contrôle des frontières extérieures, tandis qu’une stratégie de sécurité intérieure visant à faire face aux menaces du terrorisme et de la criminalité organisée sera présentée.
José Manuel Barroso, pour qui "tout Européen doit respecter la loi et les gouvernements doivent respecter les droits de l'homme, y compris ceux des minorités", juge que "le racisme et la xénophobie n'ont pas leur place en Europe" et il a exhorté enfin "à ne pas réveiller les fantômes de notre passé".
Le président de la Commission a annoncé qu’il soutiendrait pour la période qui suivra 2013 "un ambitieux budget pour l’Europe". Le débat sur la question sera lancé le mois prochain, lorsque la Commission présentera ses premières pistes de réflexion et ouvrira un débat que José Manuel Barroso veut "sans tabous".
Insistant sur la valeur ajoutée offerte par l’Europe, José Manuel Barroso estime que "la qualité des dépenses doit être notre critère d'action à tous" et il appelle donc à "mettre nos moyens en commun pour servir nos priorités politiques". Il s’agit en effet à ses yeux de voir le budget européen et les budgets nationaux sous un même angle.
"Les interconnexions énergétiques, la recherche développement et l'aide au développement sont des exemples évidents de secteurs où un euro dépensé au niveau européen produit plus qu'un euro dépensé au niveau national" a plaidé le président de la Commission européenne en expliquant que "la mise en commun de ressources au niveau européen permet aux États membres de réduire leurs coûts, d'éviter la redondance des efforts et d'obtenir un meilleur retour sur investissement".
José Manuel Barroso a par ailleurs appelé à étudier de nouvelles sources de financement pour les grands projets d'infrastructure européens et il annoncé son intention de proposer la création d'emprunts obligataires européens pour le financement de projets ("EU project bonds") en collaboration avec la Banque européenne d'investissement. Et c’est sans compter sa volonté de développer aussi davantage de partenariats public-privé.
Pour ce qui est de la question des ressources propres, José Manuel Barroso, partant du constat que "le système actuel est sollicité à l'extrême", a appelé à "un système plus juste et plus efficace". Conscient des difficultés qui s’annoncent dans les discussions qui vont s’ensuivre, le président de la Commission s’est étonné cependant que certains rejettent déjà, avant même de les connaître, les idées que la Commission entend présenter en ce sens.
José Manuel Barroso a plaidé aussi pour que l’on envisage un cadre budgétaire à 10 ans, assorti d'un réexamen de la dimension financière après cinq ans. Cette option qu’il appelle "cinq plus cinq" rendrait possible une planification à plus long terme qui serait plus clairement liée à la durée des mandats de la Commission et du Parlement.
Enfin, le président de la Commission s’est engagé à "éliminer toutes les poches d'inefficience" et à continuer à améliorer la gestion financière des services administratifs dépendant de la Commission européenne.
José Manuel Barroso s’est dit "impatient" de voir l’Europe être un acteur mondial tenant dans les affaires internationales un rôle à la hauteur de son poids économique.
A ses yeux, l’UE est forte d’une transition pacifique et réussie vers une Union européenne dont les dimensions ont doublé et qui négocie de nouvelles adhésions, forte d’une monnaie solide et d’un partenariat étroit avec ses voisins. José Manuel Barroso en conclut que "si nous agissons fermement, nous n'avons rien à craindre du 21e siècle". Il entend donc présenter avec Catherine Ashton une "vision de la manière dont nous pouvons optimiser le rôle de l'Europe dans le monde", jugeant que le Service européen pour l'action extérieure "nous offre les moyens de répondre à nos aspirations".
"Pour être efficaces sur la scène internationale, nous avons besoin du poids de l'Union européenne" a bien insisté José Manuel Barroso en évoquant le souvenir douloureux de Copenhague où "nous n’avons pas œuvré dans notre intérêt en ne parlant pas d'une seule voix". Aussi, lors des sommets cruciaux avec des partenaires stratégiques prévus dans les prochains mois, il prévient que "la réalisation de nos objectifs dépendra de notre capacité à fixer un calendrier commun présentant un intérêt européen clairement défini". G20 et cycle de Doha étaient clairement à l’esprit d’un José Manuel Barroso soucieux d’obtenir des résultats concrets sans oublier pour autant de stipuler son intention d’affecter un milliard d’euros supplémentaire en faveur des Objectifs du millénaire pour le développement.
"Nos valeurs ne sont pas négociables", a plaidé avec fermeté José Manuel Barroso qui, dénonçant la condamnation à mort par lapidation de Sakineh Mohammadi Ashtiani, a condamné des pratiques qui relève selon lui "d’une barbarie indicible". Mais il a aussi rappelé que ces valeurs impliquent de la part de l’UE d’aider ceux qui sont en crise et il a donc appelé à la constitution d’un "dispositif européen de réaction aux situations de crise".
Enfin, s’il note un progrès sur la voie d'une politique étrangère commune, José Manuel Barroso a aussi fait le constat que "sans politique de défense commune, nous ne posséderons pas, dans le monde, l'influence dont nous avons besoin". Et il se dit convaincu que le moment est venu de s'atteler à ce défi.