Simon Petermann, professeur émérite de l’Université de Liège, a situé son intervention aux Rencontres européennes dans le prolongement de celle de Matthias Dembinski, puisque c’est dans le processus de paix israélo-palestinien et le printemps arabe que des instruments de la politique étrangère de l’UE comme le service européen d’action extérieure (SEAE), la politique européenne de voisinage et l’Union pour la Méditerranée sont mis à l’épreuve.
En tout cas, l’arabellion ou le printemps arabe ont surpris tout le monde en Europe, pense Simon Petermann. Surtout que celle-ci avait parié sur la stabilité de régimes arabes qu’elle considérait comme le meilleur rempart contre l’islamisme et le terrorisme, partant de l’idée que l’islam et la démocratie ne seraient guère compatibles. Et le 11 septembre 2001 aurait selon le professeur liégeois renforcé les convictions européennes à cet égard. De sorte que le printemps arabe ne résulte pas de la politique régionale de l’UE, mais de la révolte des peuples de la région contre des régimes corrompus et liberticides.
D’un autre côté, constate Simon Petermann, l’UE est "entravée" par le droit international, et sa politique de voisinage traduit sa volonté d’éviter un interventionnisme trop marqué et de miser plus sur le dialogue politique. Mais cette manière de faire n’a pas apporté de résultats spectaculaires et l’UE a selon lui "beaucoup de mal à se positionner".
L’UE n’a ainsi pas immédiatement réagi de manière positive à ce qui se passait en Tunisie. Certains acteurs auraient même tenté d’aider à juguler le processus avant de changer de position. En Libye, l’intervention d’une coalition a montré les divisions, notamment avec l’Allemagne. Au centre de l’UE, le SEAE, avec Lady Ashton à sa tête, est une création récente qui émane du traité de Lisbonne et qui ne se met que très lentement en route et ne se distingue pas par ses ouvertures diplomatiques. Dans un tel contexte, de grands Etats membres cherchent logiquement à se réapproprier la politique étrangère.
Y a-t-il des visions de politique étrangère dans l’UE ? Au Sud de la Méditerranée, pense Simon Petermann, l’UE, avec son Union pour la Méditerranée, cherche à renforcer les institutions démocratiques, à favoriser l’émergence d’une société civile et de favoriser les échanges économiques. Il est question de valeurs, et les aides sont conditionnelles. Mais il n’est pas sûr pour Simon Petermann que cette approche soit appréciée, car les pays qui se trouvent dans un processus de grands changements ont besoin d’autres choses : relancer leurs économies, récupérer les avoirs des dictatures qui sont tombées, bénéficier de nouveaux régimes migratoires, établir la démocratie, etc.
Et puis, selon Simon Petermann, l’UE est en retrait sur la question du processus de paix au Proche Orient et la création d’un Etat palestinien dans les frontières de 1967. Barack Obama lui avait demandé de jouer un rôle. Or, elle n’a pris aucune initiative majeure, car il existe au sein de l’UE un désaccord sur la politique israélienne. La feuille de route du Quartette (ONU, UE, USA et Russie) prévoyait la création d’un Etat palestinien en 2005. Rien de tel n’a été réalisé jusqu’en 2011. Entretemps, l’UE se retranche derrière les Etats-Unis. Elle montre ouvertement ses divergences au sein des Nations Unies. Le cadre intergouvernemental, le principe des souverainetés nationales reprennent le dessus et les difficultés s’aggravent, de sorte que l’UE comme addition des Etats nationaux devient impuissante.