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Economie, finances et monnaie
Eurogroupe – La Grèce reste au centre des préoccupations tandis que les ministres ont trouvé un accord sur la version nouvelle du traité instituant l’ESM, qui devrait entrer en vigueur en juillet 2012
23-01-2012


Le 23 janvier 2012, les ministres des Finances de la zone euro se sont réunis sous la présidence de Jean-Claude Juncker. Ils ont été ensuite rejoints par les ministres des Finances des pays de l’UE non-membres de la zone euro, toujours sous la présidence de Jean-Claude Juncker, pour discuter notamment du traité modifié établissant l’ESM, le futur mécanisme permanent de stabilité financière, ainsi que du traité Jean-Claude Juncker arrive à l'Eurogroupe du 23 janvier 2012 source: SIPinternational établissant un pacte budgétaire qui est en cours de négociations suite au Conseil européen du 9 décembre 2011. Luc Frieden, ministre des Finances, représentait le gouvernement luxembourgeois au cours de ces deux réunions.

Lors de la conférence de presse qui a clôturé cette longue journée de discussions, Jean-Claude Juncker a repris point par point les sujets abordés. Ainsi, dans un premier temps, les ministres de la zone euro ont-ils pris connaissance des trois candidatures reçues pour le poste au directoire de la BCE qui sera vacant au printemps 2012, parmi lesquelles on compte celle d’Yves Mersch, président de la BCL. La procédure de sélection va se poursuivre à l’occasion du prochain Eurogroupe, le 20 février 2012.

La Grèce, "enfant à problèmes" de l’Europe selon Luc Frieden, a été le principal sujet de discussions au sein de l’Eurogroupe

Le principal sujet des discussions fut cependant la situation de la Grèce. Si Jean-Claude Juncker a rappelé avec fermeté qu’il n’y a, au sujet de l’avenir de la Grèce au sein de la zone euro, pas la moindre divergence de vues autour de la table, les ministres n’ont pas caché que la situation est loin d’être simple.

Le gouvernement grec est en effet en pleines négociations avec ses créanciers privés, en vertu d’un accord trouvé au Conseil européen d’octobre 2011, des négociations dont le résultat conditionne en partie les suites à donner à la mise en place du second plan d’aide à la Grèce, puisqu’elles devraient permettre de rétablir la soutenabilité de la dette grecque. Parallèlement, la Grèce doit mettre en œuvre le programme d’ajustement qui conditionnait son premier plan d’aide, et les efforts qu’elle consent conditionnent eux aussi la mise en œuvre de tout nouveau plan d’aide.

"Le programme grec a dérapé"

Jean-Claude Juncker a ainsi appelé le gouvernement grec et la troïka à se mettre "d'accord dès que possible sur les principaux paramètres d'un nouveau programme d'ajustement ambitieux". "Le programme grec a dérapé" par rapport aux prévisions, a en effet admis le président de l’Eurogroupe. L'objectif est que la Grèce puisse tenir ses engagements de réduction des déficits, car selon les comptes budgétaires de 2011, les revenus publics grecs n'ont pas atteint les objectifs fixés, en dépit des efforts faits. Mais les efforts ne devront pas porter uniquement sur la partie budgétaire : le commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, a mis l'accent sur la nécessité pour Athènes d'"accélérer la mise en place de réformes structurelles pour renforcer son économie et sa croissance". Faute de quoi, le nouveau programme de 130 milliards de prêts ne pourra commencer à être versé, a-t-il prévenu.

"Nous ne demandons pas plus d’efforts à la Grèce, nous demandons que les conditions que nous avons fixées soient mises en œuvre", a précisé Luc Frieden au micro de Pierre Reyland, de RTL Radio Lëtzebuerg. "Il faut dire que la Grèce a de fait déjà beaucoup fait", reconnaît-il, précisant que le "dérapage" évoqué par Jean-Claude Juncker se réfère à ce qui aurait dû être fait, notamment en termes de privatisations, où, selon Luc Frieden "très peu a été fait".

L’Eurogroupe fait pression pour qu’un accord soit trouvé entre les autorités grecques et les créanciers privés du pays dans les prochains jours

Pour ce qui est des négociations difficiles en cours avec les créanciers privés,  Jean-Claude Juncker s’est fait le messager de l’Eurogroupe pour inviter les autorités grecques et les créanciers privés du pays à trouver un accord de principe "dans les jours qui viennent" sur la réduction de la dette du pays, et ce dans le respect des principaux paramètres fixés fin octobre 2011. Athènes doit impérativement avoir finalisé un accord d'ici le 20 mars au plus tard, date à laquelle le pays doit rembourser plus de 14 milliards d'euros de prêts.

"Il y a toujours l'espoir mais il ne faut pas non plus se fixer une date limite qui mène ensuite à des déceptions", a mis en garde le ministre belge des Finances, Steven Vanackere, en marge de l’Eurogroupe. Principale pierre d'achoppement des négociations : le taux d'intérêt qui sera accordé aux banques pour leurs nouveaux titres de dette. Les banques veulent qu'il soit le plus élevé possible : le négociateur du secteur privé, Charles Dallara, a prévenu le 22 janvier que les banques et fonds d'investissement détenteurs de dette grecque avaient atteint la limite des pertes qu'ils peuvent supporter, renvoyant la balle aux créanciers institutionnels.

Or, Jean-Claude Juncker a estimé que la contribution du secteur privé était en l'état insuffisante. Il a appelé à ce que les taux d'intérêt pour les nouvelles obligations que doivent recevoir les banques en échange des anciennes soient "clairement en dessous de 4 %", alors que le secteur privé demande au moins ce niveau. In fine, les taux devraient se situer entre 3,5 % et 4 %, a-t-il précisé.

Les pays de la zone euro n’envisagent pas d'augmenter leurs prêts à la Grèce et s'en tiennent aux 130 milliards d'euros prévus en octobre, rapporte par ailleurs le Soir dans son édition du 24 janvier. "C'est une somme déjà suffisamment élevée pour ne pas, sans arrêt, remettre de l'argent au pot, les autres Etats membres arrivent aussi aux limites de leurs capacités", a prévenu le ministre luxembourgeois des Finances, Luc Frieden, qui est cité par le quotidien belge.

"Pourquoi faisons-nous pression pour qu’il y ait un accord avec les créanciers privés ?", cette question posée par Luc Frieden sur les ondes de RTL, le ministre luxembourgeois y a lui-même répondu, expliquant que c’était entre autres parce que la Grèce avait fait la demande d’un nouveau plan d’aide et qu’il n’est selon lui pas possible "de venir une fois encore demander de l’argent sans avoir avant rempli toutes les conditions préalables". Luc Frieden estime cependant que, pour remplir les promesses qu’ils ont faites, les Grecs ont besoin de "l’aide structurelle" des autres pays. Aux yeux de Luc Frieden, la nécessité de trouver un accord vaut aussi pour les banques et les autres créanciers privés de la Grèce qui risquent sinon de ne pas récupérer l’argent qu’ils ont investis dans les obligations grecques. "Nous avons toujours dit que cet accord devait être volontaire, mais je pense que tous ceux qui sont assis autour de la table (…) ont intérêt à se voir rembourser au moins une partie de leurs obligations", juge Luc Frieden.

Le Tagesspiegel daté du 24 janvier 2012 cite lui aussi Luc Frieden qui pense "que nous sommes en bonne voie de trouver une bonne solution", quand Olli Rehn s’est dit "confiant que les négociations vont bientôt aboutir, de préférence dans le courant de cette semaine". Le ministre grec des Finances, Evangelos Venizelos, s'est contenté de déclarer au lendemain de cette réunion que son pays avait "le feu vert de l'Eurogroupe pour mettre le point final à un accord avec le secteur privé dans les prochains jours".

Espagne et Italie ont été encouragées dans leurs efforts, tandis que Belgique, Chypre et Malte restent sous surveillance

Au-delà de la situation grecque, les ministres de la zone euro se sont aussi penchés sur la situation budgétaire et financière de l’Espagne et de l’Italie, saluant les mesures annoncées par les gouvernements de ces deux pays. La bonne volonté affichée par les autorités italiennes a notamment fait l’objet des félicitations des ministres, tandis qu’Olli Rehn, qui a jugé regrettable le fait que l’Espagne n’ait apparemment pas atteint ses objectifs de déficit pour 2011, a émis l’espoir que les autorités espagnoles donneront rapidement corps aux mesures annoncées afin de parvenir à restaurer la confiance dans la soutenabilité de ses finances publiques. "Nous soutenons les efforts qu’entend mener le gouvernement espagnol", a pour sa part assuré Jean-Claude Juncker qui a mentionné les priorités affichées par le nouveau ministre des Finances de ce pays, à savoir réduire le déficit et réformer le marché du travail.

Luc Frieden, et à l'arrière-plan, le ministre grec des Finances, Evangelos Venizelos, Eurogroupe du 23 janvier 2012 source: SIP"Je dois dire qu’en entendant le Premier ministre et ministre des Finances italien hier, ainsi que le nouveau ministre des Finances espagnol, on voit peut-être plus clairement dans ces pays qu’en Grèce que des étapes plus concrètes sont déjà en route", a commenté Luc Frieden. "La Grèce reste notre enfant à problèmes, et les autres pays, comme l’Italie et l’Espagne, nous devons les surveiller de près", a résumé le ministre luxembourgeois sur les ondes de RTL.

L’Eurogroupe a aussi analysé la mise en œuvre de la procédure de déficit excessif en Belgique, à Chypre et à Malte : un suivi détaillé de l’évolution budgétaire de ces pays est jugé nécessaire, sans aller pour autant plus avant dans la procédure pour le moment.

Avancées sur le dispositif anti-crise de l’UE

Pendant l’après-midi, les ministres des Finances des vingt-sept se sont ensuite penchés sur le dispositif de "pare-feu" financier qu’il est prévu de renforcer pour mieux faire face à la crise.

L’EFSF va pourvoir bientôt profiter de ses nouveaux mécanismes de levier

Premier point, abordé encore dans la matinée, l’EFSF, dont la notation a été revue à la baisse pour le long terme par l’agence de notation Standard and Poor’s. Klaus Regling s’est voulu rassurant sur ce point, répétant ses déclarations faites aussitôt après l’annonce de S&P, constatant par ailleurs le peu d’incidence qu’avait pu avoir cette décision sur les marchés et en concluant qu’il n’avait pas été nécessaire de prendre une quelconque décision à ce sujet. En revanche, le responsable de l’EFSF a fait le point sur l’avancée des travaux en ce qui concerne la mise en place d’un effet de levier pour l’EFSF.

La première option envisagée, qui consiste à fournir des certificats de protection partielle à des obligations nouvellement émises par un Etat membre, pourrait ainsi être mise en place dès la fin du mois et Jacques Santer, ancien Premier ministre luxembourgeois qui fut aussi président de la Commission européenne, a d’ailleurs été sollicité pour faire partie du Conseil d’Administration de la structure qui s’occupera de ces assurances.

"Je n’y suis pour rien", a précisé Jean-Claude Juncker sur les ondes de 100,7, tandis que Luc Frieden a expliqué sur RTL qu’il allait s’agir là d’opérations très techniques. "C’est là une activité qui n’implique pas un important travail politique", estime le ministre des Finances, qui juge que ce sera plutôt d’un "travail économique, administratif", puisqu’il va s’agir d’y exécuter les décisions du fonds européen de stabilité.

La seconde option envisagée, celle du co-investissement, ou CIF, est elle aussi en cours de préparation et devrait être bientôt opérationnelle.

Accord sur le nouveau traité ESM

Deuxième point abordé dans l’après-midi, et qui n’est pas sans lien avec l’EFSF, puisqu’il va s’agir pour le futur ESM d’en prendre le relais et de disposer de ces nouveaux instruments, les ministres ont trouvé un accord sur les modifications à apporter au traité ESM suite aux décisions du 9 décembre 2011.

Ce nouveau traité sera adopté en février et va apporter, comme l’a indiqué Jean-Claude Juncker "des améliorations significatives" au dispositif dont l’entrée en vigueur a été avancée à juillet 2012, dès que les États-membres représentant 90 % du capital auront ratifié le traité. L’ESM pourra utiliser les nouveaux instruments mis en place pour flexibiliser l’EFSF. Par ailleurs, il sera désormais possible, en cas d’urgence, de faire usage de la majorité qualifiée pour prendre des décisions rapides. Un point sur lequel Olli Rehn a tenu à saluer les efforts faits par le gouvernement finlandais pour trouver une solution. Quant à la participation du secteur privé, le traité prévoit de s’aligner sur les pratiques en usage au FMI, ainsi que cela avait été annoncé en décembre.

Pour ce qui est du volume dont disposeront ces différents fonds à l’avenir, une discussion est prévue pour mars 2012. A ce stade, ils devraient être dotés de 500 milliards d’euros  La directrice du FMI, Christine Lagarde, avait plaidé le même jour pour augmenter la taille du futur EMS, expliquant que ce  "serait d'un grand secours". Mario Monti a pour sa part appelé de ses vœux un volume de 1000 milliards d’euros.

Un autre élément important du nouveau traité sur l’ESM est aussi qu’il sera désormais accessible seulement aux États membres qui auront ratifié le traité international instaurant un pacte budgétaire.

Le projet d’accord international qui est désormais sur la table est, selon Jean-Claude Juncker, "une bonne base pour les chefs d’État et de gouvernement"

Le projet d’accord international a d’ailleurs fait lui aussi l’objet de discussions. Le texte qui est désormais sur la table est "une bonne base pour les chefs d’État et de gouvernement" qui vont se réunir le 30 janvier prochain, a déclaré Jean-Claude Juncker qui a fait état de progrès considérables réalisés par le groupe de travail, tout en saluant une discussion "extrêmement constructive" lors de la réunion des ministres auxquels s’étaient joints pour ce sujet les représentants du Parlement européen impliqués dans les négociations.

L’objectif reste de signer cet accord début mars en vue d’une ratification rapide. Jean-Claude Juncker a rappelé rapidement quelques uns des principaux éléments de cet accord par lequel les États membres signataires s’engagent notamment à inscrire dans leur droit national une règle d’or budgétaire, ce que la Cour de Justice sera autorisée à vérifier et sur la base de quoi elle pourra éventuellement prononcer des sanctions. Jean-Claude Juncker a souligné le plein respect des traités UE et des procédures qui en découlent, insistant aussi sur le fait qu’il était ouvert à tous les États membres de l’UE. Olli Rehn a par ailleurs insisté au fil des questions posées par la presse sur l’importance qu’aurait, dans la pratique, la législation secondaire de l’UE, comme le six-pack par exemple, l’accord international représentant à ses yeux plus "un engagement profond" des États.