Le 28 mars 2012, la commission du commerce international au Parlement européen a rejeté la proposition du rapporteur de l'accord commercial anti-contrefaçon (ACTA), David Martin (S & D, UK), de porter ce texte devant la Cour de justice de l'Union européenne. Il avançait notamment le manque de soutien des autres groupes pour expliquer sa démarche. Toutefois, vingt-et-un députés se sont exprimés contre cette recommandation en renvoi, cinq pour et deux se sont abstenus.
Les eurodéputés des groupes PPE, GUE/NGL, ECR et S & D se sont prononcés en défaveur d'un tel renvoi. Bernard Lange (S & D) voit dans ce vote "le premier signe que le Parlement est prêt à rejeter l'ACTA". Il considère d'ailleurs que le texte sera " probablement enterré avant l'été". "Depuis le début, introduire les produits contrefaits et le contenu d'Internet dans le même accord était une erreur", a-t-il encore dit, comme le rapporte le service de presse du Parlement européen.
Rappelant que son groupe est "très critique" vis-à-vis d'ACTA, Helmut Scholz, du groupe Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL), met surtout en avant la volonté de ne pas retarder le processus. Porter l'ACTA auprès de la Cour de justice de l'Union européenne aurait pu faire sens. Mais il aurait fallu que ce renvoi intervienne plus tôt. Désormais, ce sont les "procédures parlementaires normales" qui doivent être enclenchées "en vue de débattre de ses particularités".
Daniel Caspary (PPE) a estimé que cette démarche était d'autant moins pertinente que l'ACTA sera de toute façon soumis à la Cour, par l'entremise de la Commission. L'intérêt du Parlement serait au contraire d'avoir "plus de flexibilité dans les mois à venir lorsqu'il tiendra ses débats politiques et évaluera si l'ACTA est l'outil adéquat pour mettre un terme aux problèmes qu'il est censé résoudre, sans en créer de nouveaux". Or, "si le Parlement soumet l'ACTA à la Cour, il ne pourra plus se prononcer sur le dossier".
Le groupe Verts/ALE, qui s'est abstenu, partage toutefois les vues du GUE/NGL. "Politiquement, nous sommes contre la saisine de la Cour pour l'ACTA, car nous pensons que l'accord doit être rejeté sans délai", a déclaré Jan Philipp Albrecht (Verts). Et pour Amelia Andersdotter, le Parlement est en mesure de définir si l'ACTA est dans l'intérêt de l'UE. "Seul un processus démocratique par le biais du Parlement européen et des parlements nationaux peut répondre à cette question, et par conséquent, nous nous félicitons de la décision prise aujourd'hui pour poursuivre ce processus", a-t-elle fait savoir.
Les libéraux (ADLE) sont les seuls à s'être exprimés favorablement à la proposition de renvoi de David Martin. L'Italien Niccolò Rinaldi a ainsi fait part de sa déception quant au résultat du vote. La saisine "aurait donné au Parlement la possibilité d'avoir des clarifications juridiques sur les inquiétudes des citoyens". "Je crains que nous n'ayons pas saisi l'occasion de formuler nos propres craintes et qu'il ne nous reste désormais que les questions présentées par la Commission", a poursuivi Niccolò Rinaldi.
Constatant que des parlementaires pensaient que sa requête était "une combine politique pour retarder la décision", David Martin (S&D) affirme au contraire avoir voulu "faire la lumière afin d'aider les députés à prendre leur décision". Toutefois, il concède que leur vote démontre qu'ils sont "prêts à se prononcer". "Il faut que nous arrêtions de débattre des procédures et que nous commencions le débat politique sur le contenu", a expliqué encore l'eurodéputé social-démocrate.
Par ailleurs, avant le vote, David Martin avait fait savoir qu'en cas de réponse négative, il retirerait sa proposition de préparer un rapport nourri de questions adressées à la Commission européenne et aux États membres de l'UE au sujet de la manière dont ils mettraient en œuvre ACTA.
Après le rejet des députés de la commission du commerce international, le calendrier prévu initialement pour le suivi d’ACTA au Parlement européen est maintenu, puisqu’aucun recours devant la CJUE ne viendra différer les débats. Ainsi, lors de la prochaine réunion de la commission, les 25 et 26 avril, David Martin présentera, à l'adresse du Parlement européen, sa recommandation sur la nécessité d'approuver - ou non - l'ACTA.
Le vote final de la commission est prévu les 29 et 30 mai. Le Parlement européen devrait se prononcer sur la question lors de sa session plénière de juin.
L'accord ACTA pourrait toutefois atterrir à la Cour de justice de l'Union européenne, mais par le biais de la Commission européenne. En effet, le 22 février 2012, le commissaire en charge du Commerce extérieur, Karel de Gucht, faisait savoir que la Commission européenne allait saisir la Cour de Justice au sujet d'ACTA. Il s'agissait notamment de vérifier si cet accord était compatible avec les droits fondamentaux et libertés fondamentales de l'Union européenne alors que les opposants au texte avancent son incompatibilité avec le droit européen.