Le 29 février 2012, le député Ben Fayot s’inquiétait, dans une question parlementaire qu’il a adressée au ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, de l’attractivité du site de Luxembourg pour les fonctionnaires européens.
"Il me revient que les fonctionnaires européens travaillant sur le site de Luxembourg se plaignent de la perte de leur pouvoir d'achat par rapport à leurs pairs affectés à Bruxelles. Cette disparité du pouvoir d'achat n'est pas sans avoir de conséquences négatives sur la politique du siège de notre pays. Elle n'encourage pas de jeunes fonctionnaires à choisir Luxembourg comme lieu d'affectation en début de carrière", explique le député socialiste en introduction à sa question parlementaire.
Il rappelle que, s’il a été considéré, dans les premières décennies du fonctionnement des institutions européennes, qu'il y avait parité de pouvoir d'achat entre Bruxelles et Luxembourg, il est apparu au cours de la première décennie du nouveau millénaire que cette parité a disparu au détriment de Luxembourg. Ben Fayot cite ainsi une étude de 2006 qui indiquait pour cette année-là un indice de parité de pouvoir d'achat pour Luxembourg de 105,8 par rapport à 100 pour Bruxelles. D'autres indications de 2010 montrent que cet indice a augmenté à 107,7 pour Luxembourg, poursuit le député socialiste qui ne perd pas non plus de vue que le prix des logements est nettement supérieur à Luxembourg qu’à Bruxelles, de sorte que les organisations syndicales proposent une indemnité de logement pour redresser la parité de pouvoir d'achat. Ben Fayot relève aussi que les agents contractuels de l'UE à Luxembourg ont un niveau de rémunération aux grades inférieurs qui se situe au niveau du salaire minimum luxembourgeois, un point sur lequel les syndicats avaient attiré l’attention d’Europaforum.lu en 2009 déjà.
"Comment le gouvernement luxembourgeois entend se situer dans la discussion qui s'engage autour d'un coefficient correcteur pour les fonctionnaires européens à Luxembourg ? Quelles mesures concrètes compte-t-il proposer pour assurer l'attractivité du siège de Luxembourg eu égard à la situation des rémunérations de la fonction publique européenne ? Le gouvernement trouve-t-il un appui à la Commission européenne dans ses efforts pour maintenir à Luxembourg non seulement des services techniques de la Commission, mais aussi des services politiquement importants assurant des perspectives de carrière a de jeunes fonctionnaires européens ?
Telles étaient les questions adressées à Jean Asselborn, dont la réponse a été communiquée le 29 mars 2012.
Pour le ministre, la question parlementaire de Ben Fayot "pose le problème de l'attractivité du Luxembourg en tant que siège d'instances internationales aujourd'hui". Aussi, il entreprend de répondre dans un premier temps de façon assez générale en constatant que, "dans l'ensemble, les efforts entrepris par les autorités luxembourgeoises ont porté leurs fruits".
"Au premier janvier 2012, une quinzaine d'instances internationales, presque toutes à vocation européenne et quelque 12 000 fonctionnaires internationaux, dont de nombreux Luxembourgeois, sont implantés au Luxembourg", souligne le ministre qui dresse une longue liste de ces entités. "Il s'agit du Secrétariat Général du Parlement européen, de la Commission européenne avec des entités administratives issues de huit Directions générales, d'Eurostat, de l'Office des Publications et du Centre de Traduction, des réunions du Conseil de l'Union européenne durant les mois d'avril, juin et octobre, de la Curia de l'UE composée de la Cour de Justice, du Tribunal et du Tribunal de la Fonction publique, de la Cour des comptes de l'UE, de la Banque européenne d'Investissement et du Fonds européen d'Investissement, de la European Financial Stability Facility (EFSF), des deux Ecoles Européennes, de la Cour de l'Association européenne de libre-échange, d'Eurocontrol, de la NAMSA, de l'institut en charge d'appliquer l'Accord partiel élargi sur les itinéraires culturels (Conseil de l'Europe) et parmi les Fédérations sportives européennes, la Ligue européenne de natation, l'European Tennis Table Union et la Confédération européenne de Volley-ball".
"Leur présence à Luxembourg est importante à plus d'un titre", commente Jean Asselborn qui y voit "une marque de confiance et d'estime de la part de la Communauté internationale" en faveur du Luxembourg, mais aussi, au vu du nombre de fonctionnaires internationaux à Luxembourg et de l'ampleur des budgets de fonctionnement à disposition des instances respectives, "un atout déterminant pour notre tissu social et économique".
"Le Luxembourg s'est, très tôt, doté des instruments pour faciliter, voire, inciter l'implantation d'instances internationales sur son territoire", rappelle le ministre qui cite notamment le Fonds d'urbanisation et d'aménagement du Kirchberg et le Comité de Coordination pour l'installation d'institutions et d'organismes européens.
Pour Jean Asselborn, si le Luxembourg a su préserver et développer sa position en tant que siège notamment d'institutions et instances de l'UE jusqu'à aujourd'hui, et il cite pour preuve la décision très récente des pays de la zone euro d'implanter le mécanisme européen de stabilité au Luxembourg, "il n'en demeure pas moins que ces instances rencontrent, à l'instar de beaucoup de pays de notre continent, des difficultés budgétaires importantes et cela depuis un moment déjà".
"Ainsi, les fonctionnaires européens engagés à partir de 2004 ont subi une diminution sensible de leurs revenus", reconnaît Jean Asselborn, cette année 2004 marquant l’entrée en vigueur du nouveau statut qui avait été préparé en vu du grand élargissement de l’UE.
Abondant dans le sens de Ben Fayot, Jean Asselborn souligne que depuis 1974 les fonctionnaires européens bénéficient des mêmes conditions salariales à Bruxelles qu'au Luxembourg, alors que, si la vie s'est avérée plus chère à Bruxelles en 1974 et les années suivantes, la tendance s'est inversée depuis un moment déjà, particulièrement au plan de l'immobilier.
Jean Asselborn ajoute, pour préciser le contexte actuel, que "le fonctionnariat européen fait actuellement l'objet d'une entreprise de réforme ambitieuse, tant au niveau du statut qu'à celui des salaires".
"Le Luxembourg, en tant qu'Etat membre de l'UE, participe de plein droit aux différents fora de négociation sur les questions de salaire et de statut des fonctionnaires européens et mettra tout en œuvre pour préserver l'attractivité du siège luxembourgeois", assure Jean Asselborn. Et il signale à ce titre que le Luxembourg n’a pas donné son accord à la proposition de la Commission visant à réformer le coefficient correcteur. Par ailleurs, Jean Asselborn explique que le Luxembourg offre déjà un certain nombre de mesures pour inciter les fonctionnaires internationaux à être mutés à Luxembourg, mesures qui n'existent nulle part ailleurs.
"Je crois cependant aussi que nous devrons réfléchir à une amélioration de notre attractivité, notamment en ce qui concerne les services de la Commission implantés à Luxembourg", convient-il, indiquant que cette réflexion sera conduite de concert avec les autres ministres concernés ici.
Aux yeux de Jean Asselborn, "l'amélioration la plus efficace de l'attractivité du site luxembourgeois, du moins en ce qui concerne les entités administratives de la Commission présentes à Luxembourg, réside dans une organisation plus fonctionnelle de ses entités". "Les refontes successives des Directions générales de la Commission, depuis l'accord de siège en 1965, ont conduit à un émiettement des entités administratives à cheval entre Bruxelles et Luxembourg qui pèse sur leur bon fonctionnement", constate-t-il en effet. Et il informe le député que la Commission et les autorités compétentes luxembourgeoises ont prévu "d'aborder cette question à très brève échéance, pour entamer des discussions permettant d'aboutir une meilleure répartition des services communautaires entre Bruxelles et Luxembourg, un fonctionnement efficient et une présence pérenne de ces entités à Luxembourg".