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Justice, liberté, sécurité et immigration
Conseil JAI – "Schengen n’est pas le problème, mais la solution", plaide le ministre de l’Immigration, Nicolas Schmit en s’opposant à la "renationalisation de Schengen" revendiquée par l’Allemagne et la France
26-04-2012


Les ministres de l’Immigration de l’UE, réunis à Luxembourg à l’occasion d’un Conseil JAI, ont discuté, bien que le sujet n’ait pas été inscrit à l’ordre du jour, des revendications exprimées par l’Allemagne et la France au sujet de la réforme de Schengen dans un courrier transmis en vue de ce Conseil une semaine auparavant. Les deux gouvernements plaidaient pour la réintroduction de contrôle aux frontières intérieures de l’espace Schengen, ce qui n’avait pas manqué de susciter une vive réaction du ministre Jean Asselborn.

"Nous connaissons le contexte et nous connaissons les arrière-pensées", a déclaré Nicolas Schmit à la presse à l’issue du Conseil, soulignant d’ailleurs qu’au sein d’un des deux gouvernements à l’origine de cette lettre, l’initiative n’était pas saluée de tous. Guy Kemp voit là, comme il l’explique dans le Tageblatt daté du 27 avril 2012, une claire allusion aux différences d’approches qu’il peut y avoir au sein de la coalition allemande.Nicolas Schmit au Conseil JAI le 26 avril 2012 (c) Conseil de l'UE

Guy Kemp rappelle le contexte. En septembre dernier, la Commission avait mis sur la table une proposition visant à réformer les accords de Schengen. Proposition sur laquelle les eurodéputés de la commission parlementaire sur les libertés civiles se sont d’ailleurs prononcés le 25 avril 2012. Il s’agissait dans ce texte de réformer les règles présidant à l’éventuelle réintroduction de contrôles aux frontières intérieures dans des circonstances exceptionnelles. La Commission propose que cette possibilité soit soumise à une décision des 27. Les ministres de l’Intérieur français, Claude Guéant, et allemand, Hans-Peter Friedrich, plaident quant à eux pour qu’une telle décision relève de la responsabilité des Etats membres.

Pour Nicolas Schmit, "une renationalisation de Schengen ne saurait être la solution". Le ministre luxembourgeois estime en effet que les décisions doivent être prises au niveau communautaire et il s’inquiète de voir les débats aller "dans la mauvaise direction". "Schengen n’est pas le problème, mais la solution", plaide Nicolas Schmit pour qui le débat est imposé par des populistes. Certes, admet Nicolas Schmit, il est dans l’intérêt de tous que les frontières extérieures de l’UE soient bien contrôlées. Et il reconnaît qu’il y a sans doute urgence à mieux contrôler ces frontières. Jean-Marie-Halsdorf plaide d’ailleurs pour renforcer le rôle de l’agence Frontex. Mais accuser Schengen d’être responsable de l’immigration illégale semble être une erreur aux yeux de Nicolas Schmit. Pour ce qui est de croire que les flux d’immigrants illégaux seront stoppés par des contrôles aux frontières intérieures, c’est, selon lui, tout aussi fallacieux. Nicolas Schmit plaide, comme on a pu l’entendre sur les ondes de 100,7 au lendemain du Conseil, pour une plus grande coopération au sein de Schengen, avec des règles claires marquant la solidarité plutôt que des règles qui donnent aux Etats membres la possibilité de faire unilatéralement ce qui sert leur agenda politique.

La présidence danoise s’est fixé comme objectif de clore les discussions sur la proposition de la Commission d’ici à juin, a indiqué pour sa part le ministre de l’Intérieur Jean-Marie Halsdorf. Si Nicolas Schmit appelle de ses vœux la conclusion de ces discussions, il prévient cependant que cela ne sera pas simple. Car il va s’agir de trouver un équilibre entre ceux qui souhaitent un renforcement du rôle des Etats dans le contrôle des frontières intérieures, et ceux qui privilégient l’approche européenne. Nicolas Schmit espère toutefois, d’ici la fin des discussions, la disparition de la scène politique de l’un ou l’autre des protagonistes. "Le débat sera ensuite plus objectif", assure-t-il, sans oublier que le président français Nicolas Sarkozy, candidat qui n’est pas donné pour favori à sa réélection, avait initié ces discussions il y a un an de cela, au moment du printemps arabe.

Les ministres ont par ailleurs eu une discussion sur l’immigration illégale, un sujet sur lequel la présidence danoise avait soumis un document stratégique. Il a notamment été question d’une procédure d’asile accélérée qui pourrait être appliquée dans des cas où le recours aux demandes d’asile est clairement abusif, a rapporté Nicolas Schmit au journaliste du Tageblatt. Il s’agit d’harmoniser ces procédures et de fixer clairement leurs modalités d’application. Un sujet qui concerne le Luxembourg au premier chef au vu de l’afflux observé ces derniers mois de demandeurs d’asile venant de Serbie et, plus récemment, d’Albanie et du Monténégro.

Autre sujet abordé, la libéralisation des visas pour la Turquie. Sur ce sujet, Nicolas Schmit a expliqué la prudence de l’UE, notamment au vu de l’expérience récente liée à l’afflux de demandeurs d’asile venant des pays ayant bénéficié d’une telle libéralisation des visas. Mais Nicolas Schmit appelle aussi à donner un signal à la Turquie. Aussi, l’UE tente de négocier cette question en mettant en balance la signature par la Turquie d’un accord de réadmission des immigrants illégaux. L’UE a besoin de la Turquie pour pouvoir agir contre l’arrivée massive d’immigrants illégaux, estime le ministre Nicolas Schmit, qui souligne que la Turquie est un pays de transit pour les immigrants illégaux arrivant d’Asie. Et c’est bien le manque de contrôle sur la frontière gréco-turque qui a contribué à la remise en question de Schengen, si l’on se souvient des discussions des Conseils JAI du mois d’octobre 2011, ou, plus récemment, de mars 2012. Nicolas Schmit espère voir émerger une solution sous présidence danoise, car il craint que le dialogue avec la Turquie ne soit pas aisé pendant la présidence chypriote qui va suivre au second semestre de 2012.