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Éducation, formation et jeunesse - Emploi et politique sociale
Dans son rapport sur la Jeunesse, la Commission s’inquiète de voir apparaître "une génération perdue"
10-09-2012


La Commission européenne a publié le 10 septembre 2012 un rapport sur la jeunesse qui fait le point sur les deux premières années de mise en œuvre de la stratégie de l’UE pour la jeunesse pour 2010-2018. L’objectif de cette stratégie était de créer plus d’opportunités, tant en termes d’éducation que d’emploi, pour les jeunes et de promouvoir auprès d’eux la citoyenneté active, l’inclusion sociale et la solidarité. Ce premier rapport dresse donc un état des lieux de la jeunesse européenne entre 2010 et 2012.

Dans cet article, Europaforum.lu se penche exclusivement sur les questions d’emploi traitées dans ce rapport, un sujet majeur en cette période de crise.

Car ce qui est propre aux "jeunes", relèvent les auteurs du rapport qui prend en compte la population âgée de 15 à 29 ans, c’est qu’ils traversent une période de leur vie marquée par les transitions, qui peuvent être l’occasion de grandir et d’exceller, mais qui peuvent aussi être difficiles. La crise actuelle accentue les difficultés, de nombreux jeunes étant dans l’incapacité de trouver un travail ou de devenir indépendants. La période de transition s’est de ce fait rallongée, conduisant, confient les auteurs du rapport, au risque de voir apparaître une "génération perdue".

95,2 millions de jeunes en janvier 2011 dans l'UE

L’UE comptait en janvier 2011 95,2 millions de jeunes gens âgés de 15 à 29 ans, auxquels on peut ajouter les 22 millions de jeunes de Croatie et des cinq pays candidats que sont l’Islande, la Macédoine, le Monténégro, la Serbie et la Turquie. Ils représentent entre 15 % de la population en Italie et 23 % à Chypre. La part des jeunes dans la population européenne est en déclin depuis 25 ans, et la tendance devrait s’accentuer encore, même s’il y a certains pays qui font exception où la population jeune a augmenté entre 2000 et 2010. Le Luxembourg en est un exemple notoire, avec Chypre. Cette tendance à la baisse a pourtant été compensée dans toute l’UE (c’est évidemment le cas au Luxembourg) par l’augmentation du nombre d’immigrés qui sont globalement nettement plus jeunes que les ressortissants des Etats membres (leurs moyennes d’âge étaient respectivement de 27,5 ans et 40,6 ans en 2009).

Les auteurs du rapport soulignent le sérieux du risque d’exclusion sociale et de pauvreté auquel font face les jeunes Européens, qui sont plus menacés que le reste de la population. Et ils sont particulièrement vulnérables au moment, qui varie d’un pays à l’autre, où les jeunes quittent le domicile familial. Si la situation des enfants et des jeunes au regard du risque de pauvreté et d’exclusion sociale s’était améliorée entre 2005 et 2009, entre 2009 et 2010, leur nombre a augmenté nettement plus que pour le reste de la population. Une évolution qui est liée notamment à l’augmentation du chômage.

La transition vers la vie active se fait plus tardivement

Si, entre 2005 et 2009, la répartition entre jeunes gens suivant une formation à plein temps et ayant un emploi était stable, la situation a beaucoup changé depuis : la part des étudiants augmente, tandis que celle des jeunes travailleurs se réduit. La tendance existe depuis 2000, mais elle s’est accentuée depuis 2008. Résultat, la transition vers la vie active se fait plus tardivement, ce qui a un impact sur le taux d’activité des jeunes gens, notamment chez les 15-19 ans, ce qui est plutôt bon signe car cela signifie a priori qu’ils sont dans le système éducatif, et chez les 20-24 ans, le taux d’activité de ces jeunes à l’âge de la transition étant tombé à 61,8 % en 2011 alors qu’il était encore de 66 % en 2004.

Si l’on peut voir d’un bon œil le fait que les jeunes sont plus nombreux à se former plus longtemps, les analystes sont aussi conscients que la prolongation des études peut être en partie liée aux difficultés à trouver un emploi. En Belgique, Lituanie, Slovénie et au Portugal, les chiffres illustrent nettement ce report du moment du passage des études à l’emploi, les taux d’activité des 25-29 ans y étant très élevé tandis que celui des 20-24 ans reste en-deçà de la moyenne européenne. Le Luxembourg affiche à peu près la même tendance, avec un taux d’activité des 15-19 ans très bas, et un rapport entre taux d’activité des 20-24 ans (à peine au-dessus de 40 %) et des 25-29 ans (dépassant clairement les 80 %) allant du simple au double. En revanche, on note qu’au Danemark et aux Pays-Bas, les taux d’activité sont élevés dans les trois catégories d’âge, ce qui s’explique du fait que nombre de jeunes combinent études et travail, dans un premier temps sous forme de stages et d’apprentissage dans un système d’éducation dual, puis en travaillant à côté de leurs études.

Le nombre de jeunes gens n’étant ni étudiant, ni employé, ni stagiaire (catégorie connue sous le nom de "NEET") est en nette augmentation depuis 2008, après plusieurs années de déclin. Et ils sont particulièrement nombreux dans les familles affichant une faible intensité de travail et un faible revenu, signe que la crise financière qui est en cours n’est pas étrangère à cette évolution.

Un taux de chômage des jeunes sans précédent

Le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans est passé de 15 % en février 2008 à 22,6 % en juin 2012, un taux sans précédent. La hausse a donc atteint 50 % en quatre ans. Les derniers chiffres publiés par Eurostat sont particulièrement frappants. Le rapport sur la jeunesse se penche aussi le ratio de chômage chez les jeunes, qui permet de mesurer la proportion de jeunes chômeurs par rapport à l’ensemble de la population du même groupe (et non par rapport aux actifs comme le fait le taux de chômage). On observe que dans certains pays le chômage n’affecte qu’une petite minorité des 15-24 ans, avec des ratios en-dessous de 5 %. C’est par exemple le cas du Luxembourg, mais aussi de pays dotés d’un système d’éducation dual. Mais on voit en revanche des pays comme l’Espagne où le ratio de chômage chez les 15-24 ans atteint 18 %. La double approche taux / ratio de chômage permet d’identifier les pays dans lesquels les jeunes sont les plus affectés par le chômage, à savoir l’Espagne, la Grèce, l’Irlande, la Lettonie, le Portugal et la Slovaquie.

Parmi les jeunes sans emploi, plus de 30 % le sont depuis au moins un an. Le chômage de longue durée empire chez les jeunes actifs depuis cinq ans. Le cas de l’Espagne illustre cette envolée : en quatre ans, le taux des jeunes actifs au chômage depuis plus d’un an a été multiplié par trois pour atteindre 32,4 % en 2011. Les taux de chômage de longue durée chez les jeunes actifs sont les plus hauts en Slovaquie (54,4 %), en Bulgarie (49,8 %), en Italie (47,1 %) ou encore en Irlande (45,8 %). En Croatie et en Macédoine, ces chiffres dépassaient 50 %.

Le niveau d’études devient un facteur on ne peut plus déterminant dans ce contexte. Ainsi, on observe chez les 25-29 ans diplômés de l’enseignement supérieur un taux de chômage de 9,2 %, alors qu’il est de 11,3 % pour ceux qui sortent de l’enseignement secondaire supérieur. En revanche, il est de 24,3 % chez les jeunes issus du premier cycle du secondaire. L’écart s’est nettement creusé par rapport à 2007. Et pourtant, sur la même période, le risque de chômage a aussi augmenté pour les jeunes gens diplômés de l’enseignement supérieur, notamment dans certains pays où la crise a exacerbé la situation des diplômés "surqualifiés". En Espagne, à Chypre et en Irlande, près d’un jeune sur trois est employé pour un travail qui ne nécessite pas leurs qualifications supérieures. La question d’un décalage entre les compétences acquises et les besoins du marché de l’emploi est une question cruciale dans ce contexte, et voir qu’une majorité de jeunes sondés ont expliqué à l’occasion d’un Eurobaromètre n’avoir reçu aucune orientation pendant leur scolarité donne à réfléchir.

L’emploi temporaire et à temps partiel est plus répandu chez les jeunes, un phénomène qui s’accentue avec la crise

L’emploi temporaire est aussi bien plus répandu chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans que chez ceux qui ont entre 25 et 59 ans ; 42,5 % des jeunes qui avaient un emploi en 2011 avaient un contrat temporaire, alors qu’ils ne sont que 11 % dans ce cas chez les 25-59 ans. Et la tendance s’est accentuée, puisqu’entre 2008 et 2011, l’emploi temporaire a augmenté de 2,5 % chez les jeunes, contre 1 % pour la population en âge de travailler. Si des contrats temporaires peuvent aider des jeunes en transition à acquérir une expérience professionnelle en vue d’obtenir un emploi plus stable par la suite, ils impliquent aussi une certaine précarité de l’emploi des jeunes qui peuvent tomber dans un cycle où alternent contrats temporaires et chômage, ce qui n’est pas sans conséquence sur leur statut à l’approche de la trentaine.

De même l’emploi à temps partiel est-il plus répandu chez les 15-24 ans qu’en 2000. Près d’un jeune actif sur trois avait un emploi à temps partiel en 2011, alors que chez les 25-24 ans, cela ne concerne que 16 % des actifs. Dans certains pays la tendance est encore plus forte : le taux de jeunes travaillant à temps partiel à quasiment doublé en Irlande, tandis qu’aux Pays-Bas et au Danemark, les taux, qui étaient déjà parmi les plus élevés en 2008, ont continué d’augmenter pour atteindre 75,2 % et respectivement 62,6 %. Le travail à temps partiel reste en revanche très peu répandu en Bulgarie, en République Tchèque ou en Slovaquie, où il oscille entre 4,4 et 7,6 %. Les taux élevés de travail à temps partiel s’expliquent en partie par les formations en apprentissage, ou bien les jobs étudiants. Mais pas seulement. Ils révèlent aussi l’impossibilité pour certains jeunes de trouver un emploi à temps plein.

Que fait l’Union pour lutter contre le chômage des jeunes ?

Les mesures destinées à lutter contre le chômage des jeunes et les problèmes qui l’accompagnent sont au cœur des recommandations par pays adoptées par le Conseil en juin, souligne le rapport sur la Jeunesse.

Dans son train de mesures consacrées à l’emploi, la Commission a souligné la nécessité pour les États membres de se concentrer sur la création d’emplois et la croissance, et non sur les seules mesures d’austérité. Pour favoriser davantage la mobilité professionnelle, la Commission a l’intention d’étendre son portail pour l’emploi EURES, qui rapproche offres et demandes d’emploi par-delà les frontières.

Avant la fin de l’année, la Commission présentera une proposition de recommandation du Conseil consacrée aux "garanties pour la jeunesse", qui aura pour but de faire en sorte que, dans les quatre mois suivant sa sortie du système éducatif, tout jeune ait un emploi, suive une formation ou reprenne des études. Une mesure défendue par le ministre luxembourgeois Nicolas Schmit depuis de longs mois. En outre, la Commission va lancer une consultation des employeurs et des syndicats à propos d’un cadre de qualité pour les stages.

Par ailleurs, elle incite les États membres à tirer un meilleur parti du Fonds social européen pour soutenir la création d’emplois, et des équipes de la Commission sont aux côtés de huit États membres (la Grèce, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Portugal, la Slovaquie et l’Espagne) dans lesquels les taux de chômage des jeunes sont les plus élevés. Ces équipes ont contribué à la réorientation de fonds structurels de l’Union pour un montant total de 7,3 milliards d’euros au bénéfice de plus de 460 000 jeunes.

La Commission s’efforce aussi de supprimer les obstacles auxquels les citoyens européens sont confrontés, notamment lorsqu’ils veulent exercer leur droit à la libre circulation dans l’Union, que ce soit pour du volontariat, des études ou un travail.

Les priorités et les recommandations de la stratégie européenne en faveur de la jeunesse bénéficient du soutien du programme Jeunesse en action, qui permet le financement de possibilités de formation à l’étranger pour les jeunes, les animateurs de jeunesse et les organisations de jeunesse. Dans le droit fil de la stratégie, ce programme promeut la citoyenneté et la solidarité entre jeunes et leur permet d’acquérir des compétences grâce à l’animation, au volontariat et à la participation civique. Quelque 185 000 participants ont bénéficié du programme en 2011, contre 111 000 en 2007, l’année de son lancement.

Les initiatives prises pour stimuler l’employabilité, la mobilité dans l’éducation et la formation et la participation des jeunes bénéficient du soutien de l’actuel programme pour l’éducation et la formation tout au long de la vie, y compris ses volets Erasmus et Leonardo da Vinci. Sur la période 2012-2013, la Commission soutiendra financièrement 280 000 placements professionnels par l’intermédiaire de ces programmes destinés aux étudiants de l’enseignement professionnel ou supérieur, dans le cadre de sa campagne "We mean business".