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Environnement - Marché intérieur
Directive concessions - La Chambre des députés est unanimement opposée à toute tentative de privatisation de l’approvisionnement en eau
09-04-2013


La directive "concessions"  source: Parlement européenLe 9 avril 2013, à l’occasion d’une heure d’actualité sur "le risque d’une libéralisation et d’une privatisation du secteur de l’approvisionnement en eau", demandée par la fraction parlementaire socialiste, les groupes et sensibilités politiques représentées à la Chambre des députés ont pu développer leur point de vue sur le sujet et notamment sur l’ambiguïté née des propositions de directives européennes sur les marchés publics et les concessions.

L’unanimité des députés contre toute éventuelle privatisation

Le député socialiste Georges Engel a d’abord justifié la pertinence d’un tel débat à la Chambre. Il a rappelé que le débat était vif aux niveaux européen et local, et qu’il s’agissait également de réorienter le débat politique national qui «s’est malheureusement concentré sur le prix".

Certes, a-t-il dit, par sa proposition, le commissaire Michel Barnier poursuit la volonté de donner un cadre unique, avec des règles précises et "une certaine transparence", à l’attribution de marchés et de services.

Néanmoins, le député socialiste craint que cette directive puisse permettre aux communes de privatiser le secteur de l’approvisionnement en eau. Certes, personne n’y est forcé mais la tentation serait d’autant plus grande en période de récession et de nécessité de réduire les dettes, tant au niveau national qu’au niveau communal. Or, les sociétés privées ne sont pas capables de rendre l’approvisionnement plus efficace et moins cher. Il s’appuie sur des exemples qui l’auraient prouvé à l’étranger, mentionnant le cas de la ville de Paris qui a repris le réseau laissé jadis au secteur privé, car le prix avait très fortement augmenté. Une telle privatisation serait par ailleurs "une nouvelle perte d’autonomie des communes et du travail intercommunal". Georges Engel se rassure néanmoins en constatant qu’au niveau communal luxembourgeois, il semble y avoir une grande majorité de communes contre la libéralisation.

Le député socialiste a aussi fait mention de l’initiative citoyenne européenne Right2water qui s’oppose à ce que l’eau devienne une marchandise au même titre que le gaz, l’électricité. "L’accès à l’eau propre est pour nous un droit fondamental. L’eau doit rester dans la main publique. Nous ne voulons pas de cadre pour une privatisation qu’elle soit possible ou obligatoire», a-t-il dit.

En Allemagne, les démocrates-chrétiens de la CDU et de la CSU, alliés aux libéraux, ont récemment rejeté une motion au Bundestag contre la privatisation de l’approvisionnement en eaux. Leurs homologues luxembourgeois ont adopté une toute autre position. En effet, par l’intermédiaire du député Marc Spautz, la fraction parlementaire du CSV s’est dite elle aussi opposée à toute libéralisation et constate qu’il y a lieu de prendre garde à ce que les propositions de directive n’offrent pas une voie vers des privatisations qui "mènent à la catastrophe". Il a par ailleurs souligné dans ce contexte la nécessité de mener un débat sur la qualité de l’eau.

Ravi de pouvoir parler de politique de l’eau sans avoir à aborder la "discussion émotionnelle" de son prix, le député libéral Fernand Etgen a jugé la résistance à la privatisation de "notre ressource la plus importante" comme "tout à fait légitime". En cas de raréfaction des ressources, "ce sont les gens qui ont le moins de pouvoir d’achat qui perdent l’accès à l’eau", rappelle-t-il. Fernand Etgen a cité le préambule de la directive-cadre sur l’eau, qui stipule qu’elle est "un patrimoine qu’il faut protéger, défendre comme tel". Ainsi, elle ne devrait jamais devenir une "marchandise". Il faudrait assurer la sécurité d’approvisionnement en quantité et en qualité à un prix décent, pense-t-il. De même, il estime que la mission de la classe politique consiste à développer «une culture de l’eau" par l’information et la sensibilisation.

Le député Déi Gréng, Camille Gira, a constaté que le gouvernement envoie des "signaux divergents". Ainsi, il a entendu d’une part, le ministre de l’Intérieur, Jean-Marie  Halsdorf dire au Luxembourg qu’il n’est pas question de privatisation de l’approvisionnement en eau dans le pays. Par contre, "nous n’avons pas encore trouvé quelle est la position du gouvernement à Bruxelles", a-t-il regretté. Camille Gira a ainsi demandé au gouvernement de dire s’il va intervenir pour sortir l’eau du cadre de compétence des propositions de directives.

Pour Déi Gréng, le critère principal est la qualité de l’eau. Viennent ensuite la transparence et un prix abordable. Or, "les acteurs privés n’ont pas prouvé qu’ils pouvaient mieux gérer le réseau et rendre l’eau moins chère", dit Camille Gira. Ce dernier met également en garde contre une politique qui faciliterait la privatisation. Pour l’heure, l’organisation de l’approvisionnement en eau est "structuré et fortement segmenté". Il serait important que cette organisation reste la même et donc de ne pas créer de structure nationale  qui ouvrirait l’appétit d’une société privée et rendrait possible sa prise de pouvoir.

Le député Déi Lénk, Serge Urbany, estime que la politique du gouvernement à long terme va déjà "vers la commercialisation". La transposition de la directive-cadre sur l’eau par la loi de décembre 2008 en aurait posé les jalons. Elle aurait posé le citoyen en consommateur. L’application du principe du coût réel dans la définition du prix de l’eau serait "une précondition pour une future privatisation", pense Serge Urbany. Ce dernier signale dans ce contexte que les communes auraient été contraintes d’abandonner les prix échelonnés parce qu’ "un prix subventionné ne correspond pas à une logique commerciale". "Nous saluons la résistance au plan communal contre le prix unique, contre la politique du ministre. Le prix échelonné doit être discuté sérieusement», a-t-il encore déclaré.

Se ralliant aux déclarations des autres groupes politiques, le député ADR Gast Gybérien a jugé qu’il  y aurait lieu d’adopter une motion qui exige du gouvernement qu’il change le texte. "Le gouvernement n’a pas une position claire : Que négocie-t-il ? Dans quelle mesure s’est-il déjà engagé ?", a-t-il demandé. Gast Gybérien s’est notamment dit rassuré que la fraction CSV s’oppose à toute privatisation, alors que des récentes déclarations de l’eurodéputée CSV Astrid Lulling sur la chaîne .DOK lui en avaient fait douter.

Le ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Halsdorf ne voit pas de risque de privatisation de l’approvisionnement en eau

Le ministre de l’Intérieur, Jean-Marie Halsdorf, s’est étonné que l’on doute de la position du gouvernement. Cette dernière serait "univoque". La loi de 2008 dit clairement que l’eau relève des pouvoirs publics et que les communes doivent en assurer l’approvisionnement. Seules les activités d’entretien et de surveillance peuvent être sous-traitées, mais pas l’exploitation, selon les termes de la loi. "Il n’y a pas de discussion. L’ensemble du gouvernement est clairement contre la privatisation", a déclaré le ministre.

Par contre, Jean-Marie Halsdorf juge qu’il ne fait pas sens de chercher à retirer l’approvisionnement en eau de la directive Concessions. L’eau aurait été intégrée à cette proposition simplement pour encadrer la situation de pays comme la France qui ont déjà privatisé son approvisionnement

Camille Gira s’est dit "réellement choqué" par la prestation du ministre, lui reprochant de ne pas s’intéresser dans les détails à la directive. S’il y a lieu de sortir l’eau de son champ de compétence, c’est aussi parce que la nouvelle directive pourrait désormais rendre impossible qu’une grande ville puisse approvisionner des communes voisines, a-t-il déclaré. Jean-Marie Halsdorf lui a rétorqué qu’il "ne faut pas mal interpréter" la directive qui "ne force personne" à une privatisation.