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Marché intérieur
Pour Déi Lénk, la directive sur les concessions en matière de marchés publics présente un risque de libéralisation de l'approvisionnement en eau
13-02-2013


lenk-diderich-baum-turpelLe 13 février 2013, Déi Lénk ont tenu une conférence de presse pour prévenir des dangers d'une nouvelle étape dans la privatisation de l'eau.

Le parti de gauche voit cette menace dans la proposition de directive sur les concessions en matière de marchés publics. Adoptée par la commission du marché intérieur (IMCO) du Parlement européen le 24 janvier 2013, cette proposition a déjà fait l'objet de semblables mises en garde de la part de l'eurodéputé écologiste, Claude Turmes.

Le conseiller communal Déi Lénk de la ville de Luxembourg, Justin Turpel, doute des déclarations du Commissaire Michel Barnier selon lesquelles cette proposition n'est pas un moyen détourné de privatiser le marché de l’eau. "Il faut faire attention au vocabulaire de l'UE. Ils disent 'transparence' mais pensent 'libéralisation'. Quand ils disent 'égales', ils pensent à 'toutes les multinationales privées'." Ainsi, '"le danger est relativement grand que l'eau fasse partie [de cette directive]". La directive permettrait, dans un premier temps, aux Etats et aux communes qui en ont la "volonté politique" d'ouvrir le marché de l'eau. Dans un second temps, Justin Turpel imagine la création d'une jurisprudence par la Cour de justice de l'Union européenne qui ferait de cette possibilité une obligation.

De surcroît, dès lors que le prix est le seul critère pris en compte par la directive sur les concessions, que la qualité en serait exclue, ce nouveau développement provoquerait "directement une vague de dumping social". Or c'est "le contraire de ce à quoi nous aspirons", dit Justin Turpel, qui en conclut que cette proposition de directive doit faire l'objet d'un débat à la Chambre des députés.

L'expérience aurait démontré que la privatisation de l'approvisionnement en eau fait "fausse route", poursuit-il. L'air du temps serait plutôt, dans des grandes villes,  à la reprise des concessions jadis accordées aux opérateurs privés. Ainsi, Londres, Berlin et Paris en auraient finalement remis la gestion dans la main publique, en réaction à la hausse des prix, parallèle à une baisse de la qualité de l'eau et à la dégradation du réseau.

Citant notamment le documentaire sur les dérives de l'utilisation de l'eau à des fins commerciales "Water makes money", qui était diffusé le soir même au Carré Rotondes, Justin Turpel déplore que l'eau soit utilisée par les multinationales, soutenues par les lobbies, pour en faire un "commerce juteux" et que cette exploitation commerciale entraîne une "production archaïque et anarchique" de l’eau.

Un appel à signer l'initiative citoyenne européenne pour la protection de l'eau

C'est sous sa double casquette de syndicaliste et d'homme politique que Justin Turpel a invité les citoyens à signer l'initiative citoyenne européenne qui vient de dépasser le cap du million de signatures. Responsable de la fonction publique au sein de la FNCTTFEL, syndicat membre de la Fédération syndicale européenne des Services publics (FSESP), à l'origine de l'initiative, il rappelle que si la proposition a déjà dépassé le cap d'un million de signatures de citoyens européens, condition première pour être prise en compte par la Commission européenne, il lui manque encore d'avoir atteint le quorum nécessaire de signatures dans sept Etats membres pour être entièrement recevable. Le Luxembourg pourrait être un de ces sept Etats membres. Mais, pour l'heure, les signatures récoltées n'y représentent que la moitié des 4500 signatures nécessaires. 

Déi Lénk agissent aussi au niveau des conseils communaux de Sanem et de Differdange, où ils sont représentés, pour soutenir cette initiative citoyenne européenne qui court jusqu'en octobre 2013. Le parti y a proposé une motion, déjà adoptée à Sanem, par laquelle l'administration communale inviterait les habitants à signer cette dernière.

La privatisation à l'échelle nationale

Marc Baum, attaché parlementaire et conseiller communal Déi Lénk d'Esch-sur-Alzette, a pour sa part estimé que la libéralisation du marché de l'eau était déjà en marche au niveau national. Elle aurait été initiée à travers la transposition par la loi de 2008 de la directive-cadre sur l'eau, laquelle loi constitue en effet, à ses yeux, "un premier pas pour la libéralisation de l'eau". 

Il rappelle que la directive-cadre mettait en avant le principe de la "couverture des frais", ou principe du coût réel, dans la fixation du prix de l'eau, et qu'il avait fallu de violentes critiques à l'échelle européenne pour que ce principe ne soit pas rendu obligatoire dans la directive. Mais la transposition qui en a été faite par le ministre de l'Intérieur l'aurait érigé en "principe intouchable". De surcroît, "à côté du principe pollueur-payeur prévu par la directive, le principe utilisateur-payeur que n'évoquait pas la directive fut inséré comme deuxième ligne directrice", déplore Marc Baum. Le citoyen fut dégradé en "consommateur du produit Eau, qui doit endosser tous les frais liés à la consommation de l'eau". Or, ceci aurait eu pour conséquence une "explosion des prix". Parallèlement, la loi présentée par le ministre serait restée "muette" sur les moyens de baisser la consommation d'eau et sur l'objectif en volume à atteindre.

"Nous pensons que l'eau est un droit universel qui doit être garanti à chaque citoyen, indifféremment de sa situation sociale, de la même manière que l'école. La main publique est le garant de ce droit", a déclaré Marc Baum, qui souligne en la matière la différence qui sépare Déi Lénk du parti écologiste Déi Gréng. Alors que ces derniers sont favorables au principe du paiement par le consommateur du "prix réel" de l'eau, Déi Lénk défendent l'intervention de l'Etat et la prise en compte de critères sociaux et écologiques dans la fixation du prix de l'eau. Ainsi, chaque citoyen se verrait offrir ses 15 premiers litres de consommation quotidienne au nom du droit universel d'accès à l'eau, il paierait ensuite le prix réel pour tous les litres jusqu'à une consommation considérée comme moyenne, puis devrait payer le tarif double pour tout litre supérieur à la moyenne, jugé comme de la surconsommation. Tous les frais supplémentaires liés à la situation géographique ou à des mesures particulières de protection de l'eau seraient pris en charge par l'Etat.

Les propositions de réforme avancées par le ministre de l'Intérieur ne plaisent pas davantage à Déi Lénk. Celles-ci reposeraient sur l'intégration du principe du prix réel, que Déi Lénk jugent "contraire au droit universel d'accès à un besoin vital" pour définir un prix unifié pour tout le pays. Un tel prix serait également écologiquement improductif, puisque, constitué à 70 % de coût fixe, une moindre consommation ferait augmenter le prix de l'eau.

Ce serait "du pain bénit pour les sociétés multinationales", a poursuivi Marc Baum relayant en la matière les craintes émises par l'Administration de l'eau. "Le fait, qu'une des propositions ministérielles consiste à créer une société commerciale pour la gestion de l'ensemble du réseau montre quel esprit habite cette mesure", dit-il par ailleurs. Déi Lénk refusent d'autant plus cette orientation qu'elle constituerait une "décommunalisation" de la gestion de l'eau et en cela "une perte de souveraineté" sur la gestion des réseaux d'approvisionnement. Enfin, Déi Lénk constatent que le prix unique provoquerait une augmentation de l'eau du prix pour 89 % des habitants. "Le financement d'activités commerciales par le citoyen ainsi proposé est à refuser", concluent, entre autres, Déi Lénk.