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Agriculture, Viticulture et Développement rural - Budget de l'Union européenne
Qu’est-ce qui attend le Luxembourg avec la réforme de la Politique agricole commune (PAC) ? Le ministre Romain Schneider et les eurodéputés Astrid Lulling et Herbert Dorfmann ont informé les représentants et les professionnels du secteur
19-04-2013


Qu’est-ce qui attend le Luxembourg avec la réforme de la Politique agricole commune (PAC) ? C’était le sujet d’une réunion à laquelle le Bureau d’information du Parlement européen avait appelé le 19 avril 2013, et au cours de laquelle le ministre de l’Agriculture Romain Schneider et les eurodéputés Astrid Lulling PPE, Luxembourg) et Herbert Dorfmann (PPE, Italie) avaient convié les professionnels du secteur agricole et leurs représentants.

Les eurodéputés Astrid Lulling et Herbert Dorfmann lors de la conférence sur la PAC à Mersch, le 19 avril 2013Le débat a eu lieu à un moment où le Conseil et le Parlement européen ont décidé de leurs positions sur le dossier de la réforme de la PAC et sont entrés depuis le 11 avril dans le trilogue Commission-Parlement européen-Conseil, pour lequel une trentaine de réunions spécialisées sont prévues jusqu’en juin 2013. Pour Astrid Lulling, qui a pourfendu l’approche de la Commission qui veut atteindre le "verdissement" de l’agriculture par une nouvelle approche des paiements directs qui soumet 30 % de ces paiements à la mise en œuvre de mesures agro-environnementales, le Parlement européen est plus proche des préoccupations réelles des agriculteurs. Elle aurait préféré que le Conseil soit lui aussi allé plus loin, notamment sur la question des jachères écologiques. Le Conseil penche pour 5 % de zones d’intérêt écologique par surface arable d’une exploitation, le Parlement pour 3 %, et Astrid Lulling aimerait surtout que ce qui a déjà été réalisé dans le domaine, en termes de mesures agro-environnementales par les exploitations, soit reconnu. Au Luxembourg, 96 % des exploitations ont pris de telles mesures et devraient être honorées par la comptabilisation immédiate de ces dernières lors de l’évaluation des mesures de verdissement.

Romain Schneider a promis que les baisses du budget européen seront compensées par le budget national

Le ministre Romain Schneider, qui a évoqué tous les contacts, avec les députés nationaux, les eurodéputés et les représentants du secteur, qu’il avait eus en amont du compromis trouvé au Conseil, a ensuite donné son "appréciation nationale" des choses, en insistant sur le fait qu’il essaiera de "tirer le meilleur pour le Luxembourg de ce que veulent le Parlement européen et le Conseil chacun de son côté". "Nous sommes déjà loin de la proposition de la Commission", a-t-il estimé, avant d’aborder les questions des paiements directs, de l’organisation des marchés uniques (OCM) et du développement rural.

Le ministre de l'Agriculture, Romain Schneider lors de la conférence sur la PAC à Mersch, le 19 avril 2013L’UE n’ayant pas encore de budget pour 2014-2020, l’on ne peut actuellement qu’estimer les enjeux financiers, qui tournent pour le Luxembourg autour de 233 millions d’euros pour 7 ans, soit un peu plus de 33 millions par an. Le développement rural entre en jeu pour 100 millions d’euros, dont un quart pour des mesures environnementales. Il s’agit là d’un budget inférieur de 10 % par rapport à la période 2007-2013. Les écarts seront compensés par le budget national, comme le Premier ministre Jean-Claude Juncker s’y est engagé dans sa déclaration sur l’état de la nation dun 8 avril 2013 tout en mettant en exergue l’importance du secteur agricole. Bref, il ne devrait pas y avoir de coupes dans les revenus. Pour Romain Schneider aussi, qui est optimiste, la profession a un futur. 

Paiements directs

Les paiements uniques seront partagés entre 70 % de paiements directs en fonction des surfaces exploitées et 30 % pour des mesures de verdissement. Ils seront certes plafonnés à 300 000 euros, selon le Parlement européen, mais d’une manière ou d’une autre, ce plafonnement ne touche pas les exploitations luxembourgeoises, trop petites.  

D’autre part, l’UE cherche à aller sur la voie de la convergence externe, qui devrait être achevée autour de 2019. Le Luxembourg, qui se situe dans la moyenne européenne des paiements directs par hectare, est assez peu concerné par cette dimension.

Mais l’UE cherche aussi à aller sur la voie de la convergence interne en ce qui concerne les régions et les secteurs, ce qui veut dire qu’il faudra prévoir certaines flexibilités par la voie d’un paiement unique.        

Pour ce qui est des zones d’intérêt écologique (ZIE), le Conseil a opté pour 5 % par exploitation, ce qui le distingue fortement du Parlement européen. Mais comme le Luxembourg a d’ores et déjà en moyenne mis en œuvre des mesures qui concernent 2 % de ses surfaces arables, Romain Schneider demande à ce que ces mesures soient comptabilisées et propose que des plantes protéagineuses puissent être cultivées sur les surfaces supplémentaires des dites ZIE. Le gouvernement a ici repris une idée lancée par les jeunes agriculteurs. La Commission avait prévu que les 30 % de paiements directs seraient supprimés en cas de non-mise en œuvre  des mesures de verdissement, avec en sus une sanction équivalant à 150 % de la valeur des paiements directs. Le Conseil a réduit cette sanction à 125 %.

Comme la nouvelle PAC ne pourra pas être mise en œuvre d’ici 2014, des règles de transition ont d’ores et déjà été annoncées par la Commission et devront être discutées. Elles impliquent que le nouveau système entrera en vigueur en 2015 et 2016.

Le Luxembourg a beaucoup bataillé au Conseil pour que l’aide aux jeunes agriculteurs soit revalorisée. L’indemnité pour les jeunes agriculteurs telle qu’elle est prévue actuellement serait de 3030 euros. Le Conseil voudra ici convaincre le Parlement européen d’augmenter cette prime.

OCM uniques

Le Luxembourg est en faveur d’une régulation des droits de plantation et a donc salué le prolongement du règlement en vigueur. A partir de 2019, un nouveau régime d’autorisations sera introduit qui permettra d’augmenter les surfaces plantées d’1 % par an. Cela intéresse des pays qui ont plus de 10 000 hectares de surfaces viticoles, ce qui n’est pas le cas du Luxembourg.

Dans le secteur du lait, le régime des quotas prendra fin en avril 2015. Le Luxembourg devra donc s’adapter. Le gouvernement a déjà réuni deux tables rondes sur le sujet et continuera le dialogue avec le secteur laitier.

Développement rural

Ce volet concerne les mesures agro-environnementales et de modernisation, les zones défavorisées et le programme LEADER. Ces approches continueront. Le seul volet qui pose problème est celui des zones défavorisées, qui concernent la plupart des surfaces agraires du pays sauf la Moselle et les cantons de Luxembourg et d’Esch-sur-Alzette. 15,5 millions d’euros sont en jeu. La Commission a avancé huit critères sur base desquels les zones défavorisées seront déterminées. Pour elle, seulement 60 % des zones classées défavorisées jusque-là le seraient encore avec le nouveau système de critères. Le Luxembourg a dressé sur base de ses critères une carte qui inclut néanmoins encore 66 % des zones défavorisées antérieures. "Cette surface est plus grande que celle de la Commission, mais plus petite que celle d’avant", a dû constater Romain Schneider. Le Luxembourg exige donc aussi 10 % de flexibilité supplémentaire, à condition que ses propositions soient acceptées par la Commission. Il faudra ensuite négocier entre les intéressés au Luxembourg la répartition de ces 10 % de flexibilité. Mais comme pour d’autres éléments de la PAC en transition, rien ne changera avant 2016.

Le plan de développement rural qui sera conçu ensuite sera soumis à la Chambre des députés avant d’aller à la Commission.

La transparence sur les paiements de la PAC

Le Luxembourg n’est pas contre le fait qu’il y ait de la transparence sur les primes payées aux exploitants dans le cadre de la PAC, mais cette transparence doit profiter aux experts et parties concernées, pas au public en général, pour des raisons de protection de la sphère privée et parce que la transparence totale suscite des "jalousies sociales". "Mais le Luxembourg est très isolé sur cette question", a admis le ministre.                  

Herbert Dorfmann a développé l’idée d’une PAC plus orientée vers les marchés mondiaux où la demande en aliments augmente  

La mise en œuvre de la nouvelle PAC, qui n’affectera que très peu le Luxembourg, dépend en fin de compte d’un accord sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020, une question sur laquelle Conseil et Parlement européen sont sur "le pied de guerre", a déclaré l’eurodéputé Herbert Dorfmann, élu de la région italienne du Tyrol du Sud. Le risque que le Parlement refuse en fin de compte d’avaliser le CFP 2014-2020 est réel, si le Conseil refuse l’introduction de flexibilités budgétaires qui permettent des changements d’attribution de fonds par rubriques, sans qu’il n’y ait besoin de les reverser aux Etats membres avant de les redemander pour une rallonge.  

Pour Herbert Dorfmann, la PAC ne peut être conçue indépendamment des marchés. En 2020, ces marchés des produits agricoles ne ressembleront plus aux marchés actuels. Lui-même croit qu’ils subiront une "révolution copernicienne", dans le sens où les besoins des pays émergents, les BRICS, développeront une demande en aliments deux à trois fois supérieure à celle d’aujourd’hui. La PAC avait d’abord été conçue dans les années 50 pour assurer la sécurité de l’approvisionnement alimentaire de l’Europe. Ensuite, elle s’est transformée en instance de gestion des surplus en favorisant toutes les formes de transformation des produits.

Mais la nouvelle PAC devra se réorienter, car les marchés agricoles sont soumis à une demande qui se fait de nouveau forte.

Les exploitations qui auront un accès facile aux marchés et des produits de haute qualité à offrir pourront alors augmenter leurs revenus. Par ailleurs, elle est en train de devenir une PAC de la convergence, du champ labouré au pâturage. Reste que le secteur laitier dans les zones défavorisées – dont les régions en pente ou montagneuses – continuera à avoir des difficultés, vu les disparités de prix de revient entre les producteurs du Nord de l’UE et ceux des régions montagneuses, qui n’auront pas besoin d’un filet de sécurité passant de 22 à 28 cents, mais plutôt d’un filet de sécurité de 55 cents.    

Le député européen a donc apporté son soutien à l’idée de convergence externe et surtout interne des paiements directs, prônée par la Commission, qui implique un découplage des paiements de la production. La première convergence est un acte de solidarité à l’égard des pays baltes par exemple, la deuxième est nécessaire à cause des immenses disparités entre régions et selon la production. Certains pays, comme la France, l’Italie ou l’Espagne veulent perdurer dans le système historique, couplé à la production, de sorte qu’il y a des différences de paiements directs du simple au décuple entre un hectare où l’on cultive le riz et une surface à production laitière. S’il n’y a pas de compromis, le premier pilier sautera, pense Herbert Dorfmann.

Pour l’eurodéputé, l’exemple du Luxembourg montre à quel point l’approche du verdissement par la Commission est un non-sens. Le Luxembourg, avec 90 % au moins des exploitations qui ont pris des mesures agro-environnementales soutenues par des primes, a d’ores et déjà rempli certaines conditions écologiques, tout comme l’Autriche, avec 70 % des exploitations, mais au contraire des exploitants belges et italiens, qui n’ont été que 25 % à le faire, ou encore des Pays-Bas qui a atteint un taux de 10 %. C’est de cette situation qu’il faut partir selon Herbert Dorfmann, pays par pays, en acceptant qu’il y ait des exploitations vertes par définition.

En ce qui concerne les zones défavorisées, Herbert Dorfmann a plaidé pour la possibilité de pouvoir combiner plusieurs critères et plus de subsidiarité en matière d’attributions de primes de compensation. 

Pour ce qui est du vin, les Etats membres auront à opter pour un système de paiements directs pour la restructuration des surfaces viticoles ou pour le système de droits de plantation, mais sans pouvoir revenir sur leurs décisions. Le Parlement européen est pour que le système actuel soit maintenu jusqu’en 2030. Par ailleurs, Herbert Dorfmann trouve que le système de rachat de droits de plantation dans un pays et entre régions peut être intéressant. L’eurodéputé en a profité pour rappeler qu’il y a 300 000 hectares de droits de plantation non utilisés dans l’UE, des droits qui arriveront bientôt, faute d’être utilisés, à échéance. De l’autre côté, avec le système d’autorisations envisagé, 25 000 hectares nouveaux pourraient être utilisés par année. Bref, il faudrait 11 ans pour remplacer les droits inutilisés et en cours après leur échéance.