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Elections européennes - Budget de l'Union européenne - Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Discours sur l’état de l’UE : Huit mois avant les élections européennes, la Commission veut avancer sur l’Union bancaire, les nouveaux programmes 2014-2020, présenter une communication sur la dimension sociale de l’UE et défendre les valeurs de l'UE
11-09-2013


Le 11 septembre 2013, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso a tenu son dernier discours sur l'état de l'Union pour la législature 2009-2014 devant la plénière du Parlement européen. Il a expliqué aux députés européens ses projets jusqu'aux élections du Parlement européen de mai 2014. Des projets qu’il a détaillés par la suite dans une lettre adressée au président du PE, Martin Schulz.

Martin Schulz : "un été plus calme"

Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a fait, en guise d’introduction, l’éloge de la méthode communautaire qui garantit l’intérêt général de l’UE alors qu’actuellement, a-t-il estimé, les intérêts particuliers nationaux bloquent l’évolution de l’UE. Il a pourtant souligné que pour la première fois depuis longtemps, l’Europe avait connu un "été plus calme", qu’il n’y pas eu de grandes catastrophes et que le calme a aussi régné sur les marchés. Néanmoins, a-t-il estimé, il ne faut pas se laisser tromper par ce calme, car les souffrances dues à la crise et au chômage continuent à sévir, la croissance reste en berne et les entreprises peinent toujours à accéder aux crédits. Il a donc souhaité que soient abordées les questions non résolues. Martin Schulz a pourtant pu, avant de donner la parole à José Manuel Barroso, annoncer une "bonne nouvelle" : un compromis a été trouvé sur l’Union bancaire avec la Banque centrale européenne, de sorte que le vote sur un mécanisme de surveillance unique allait pouvoir intervenir le lendemain. Il a aussi souhaité que la garantie jeunesse soit rapidement mise en œuvre, car "le chômage des jeunes est la chose la plus terrible en Europe".

Des signes de reprise

José Manuel Barroso, le 11 septembre 2013 devant le PE, pour son discours sur l'état de l'Union source: PEJosé Manuel Barroso, avec dans la mire les élections européennes dans huit mois, a évoqué une UE qui pendant 5 ans n’avait jamais été plus présente dans les discussions entre citoyens. En réagissant dès le début de la crise financière, l’UE a réalisé des choses qu’elle n’aurait pas réussi à faire dans des conditions normales, a estimé le président de la Commission, qui a fait le tour des mesures prises pour stabiliser l’union économique et monétaire et l’économie européenne, en mentionnant spécialement la mobilisation de 700 milliards d’euros pour stabiliser l’économie de pays en difficultés. Il a aussi souligné que malgré les prédictions de nombreux économistes, personne n’avait quitté la zone euro, et que cette zone euro croîtra même en 2014 à 18 Etats membres. De retour de la réunion du G20, il a expliqué que plus personne n’a donné de leçons aux Européens, pas parce que la crise est terminée, mais parce que l’UE a fait preuve de sa capacité de résilience en agissant en commun, ce qui, avec les valeurs européennes, fait la force de l’UE.

Convaincre les citoyens

José Manuel Barroso a cependant admis que "nos réponses n’ont pas encore convaincu nos citoyens". Pourtant, la confiance revient chez les entrepreneurs, les crédits sont à bon marché, la croissance reprend, très lentement, l’on recrute de nouveau du personnel, et il y a des signaux que tous les efforts fournis ont été payants, y compris dans les pays à programmes : Irlande, Grèce, Portugal et Espagne. "Mais il faut rester réaliste et ne rien surestimer", pense le président de la Commission, d’autant plus que ces progrès sont dus à des personnes qui ne profitent pas encore elles-mêmes de la reprise qui se profile, dont les 26 millions de chômeurs dans l’UE. Ce qu’il appelle "les succès actuels" sont possibles, "grâce à nos efforts d’adaptation" et à "l’immense travail législatif, même si le travail du PE n’est pas encore suffisamment connu par les citoyens de l’UE".

Les urgences

Pour le président de la Commission, la chose la plus urgente est le vote sur le mécanisme de surveillance unique (MSU)dans le cadre de l’Union bancaire. Le projet de mécanisme de résolution unique (MRU) est lui aussi sur la table depuis juillet 2013. Les Etats ne devraient plus devoir payer pour les faillites des banques et il est temps de recréer une relation normale entre les banques et les PME afin que les crédits coulent de nouveau vers ces branches de l’économie.

Pour José Manuel Barroso, le niveau actuel du chômage est intenable et socialement inacceptable. Pour lutter contre le chômage, il faut arriver à articuler correctement les niveaux de compétence européen et nationaux et mettre en œuvre des décisions communes. Parmi les moyens de relancer la croissance, il a cité le recours à tous les moyens mis à disposition par le marché unique, dont aussi  le marché unique des télécoms qui sera très rapidement présenté, la mise en place des grands axes de connexion RTE-T, l’innovation à travers le R&D, les nouvelles découvertes scientifiques qui devraient être possibles en Europe, un cadre financier pluriannuel qui mise sur Erasmus +., la lutte contre le changement climatique avec l’agenda 2020. Il a aussi évoqué la présence de l’UE sur les marchés émergents, la nécessité d’exporter plus, de conclure à cette fin le traité de libre-échange avec les USA et un accord avec le Japon. Entendant le CFP 2014-2020 comme un grand programme d’investissements, il a demandé que le démarrage des programmes pour cette période soit garanti dès janvier 2014 avec le budget amendé 2014 pour lequel les Etats membres ne devraient pas causer de retards.)

Avant les élections de 2014, il faut donc travailler encore plus, pense José Manuel Barroso. La crise en Europe est structurelle, il n’y a selon lui plus de retour en arrière possible. Les gouvernements doivent aller de l’avant avec leurs réformes structurelles dans le cadre des recommandations de la Commission et savoir que s’ils ne veulent pas réformer, leurs Etats subiront la punition immédiate des marchés. Il faut de la crédibilité et de la solidité comme l’aiment les marchés.

La défense des valeurs et le renforcement de l’UE

José Manuel Barroso a cependant regretté que la crise ait "voilé tout le reste", comme par exemple les valeurs sur lesquelles l’UE est basée, des valeurs d’économie sociale de marché qu’elle doit préserver, tout comme elle doit défendre les droits des citoyens, des femmes, des minorités. L’UE doit lutter pour des traités internationaux qui préviennent la fraude fiscale, mener une aide humanitaire, veiller à la sécurité énergétique du continent, protéger efficacement ses frontières et mener une politique étrangère forte. L’attractivité politique et l’attractivité économique de l’UE sont pour le président liées. L’élargissement est un succès et si des pays comme l’Ukraine veulent s’approcher de l’UE, il ne faut pas l’en dissuader. Faisant allusion à l’été 1914, il y a presque 100 ans, quand la Première guerre mondiale a commencé, il a opiné que c’est "grâce à UE que les anciens ennemis sont maintenant assis autour d’une table", et ce "grâce à nos valeurs".

La discussion au sein de l’UE sur les compétences nationales et celles de l’UE "est une discussion qui ne sera jamais terminée", a estimé José Manuel Barroso qui est un partisan de la subsidiarité, qui veut que l’on pense en grand les grandes choses et en moins grand les choses moins importantes, et que l’UE mise avant tout sur des législations utiles et nécessaires. Il est donc d’accord pour que soit mené un débat européen sur ce qui pourrait consolider et rendre plus efficace l’UE sur base de la méthode communautaire. Parce qu’il faut renforcer la dimension sociale de l’UE, la Commission présentera par ailleurs une communication sur ce sujet le 2 octobre 2013.

Le président de la Commission penche aussi en faveur d’un mécanisme pour réagir aux violations des valeurs fondamentales de l’UE par un Etat membre et a invité les députés européens à participer à un tel débat.

Pour lui, les élections européennes s’articuleront autour du choix entre des solutions démocratiques et réfléchies et des solutions populistes. La crise n’est pas le fruit de la politique de la Commission, mais de la mauvaise gestion des finances publiques et des dysfonctionnements des marchés. L’UE n’a forcé personne à pratiquer l’austérité, mais si rien n’avait été fait, la note que les jeunes générations auraient à payer serait salée. Il a aussi contesté que l’UE ait trop de pouvoir, et expliqué qu’il était faux de la considérer comme un pouvoir extérieur, puisqu’elle est bien le résultat de décisions communes. "On ne peut pas continuer à nationaliser les succès et à européaniser les échecs", a-t-il lancé.

Le débat

Joseph Daul, prenant la parole au nom du PPE, a salué le travail de la Commission, et notamment la manière dont elle aborde le Semestre européen, où il n’y a pas, selon Joseph Daul, deux poids et deux mesures. Mais malgré les bons résultats de la politique européenne qui se profilent, les citoyens se détournent de l’UE et les populistes avancent, a constaté le chef du groupe PPE. Les élections européennes ne donneront pas seulement lieu à un débat droite-gauche, mais aussi à un débat sur "quelle Europe nous voulons".

Hannes Swoboda, le chef des sociaux-démocrates au PE, a reconnu des signes positifs, mais aussi évoqué la souffrance de ceux qui sont toujours touchés par la crise. Pourquoi le manque de confiance des citoyens dans l’UE ? Selon Hannes Swoboda, la Commission doit ici donner une réponse. Y a-t-il reprise en Grèce si 60 % de ses jeunes sont au chômage et que des enfants vont d’abord à l’école pour pouvoir y être nourris ? Les politiques d’austérité minent la solidarité entre les Etats, l’UE et les citoyens. Hannes Swoboda a prôné plus d’investissements pour pallier la crise des infrastructures qui "frappe même la riche Allemagne". Il a dressé le tableau d’une Europe où les droits fondamentaux sont mis en cause dans certains pays, comme c’est le cas de la liberté de la presse en Hongrie et au Royaume-Uni, où le racisme règne comme en Italie contre les Noirs et dans d’autres pays contre les Roms. Bref, il faut que la Commission prône des politiques de relance économique et de cohésion sociale et des politiques de défense de l’Etat de droit. Il a aussi fait part de son incompréhension pour le fait que les travaux sur l’Union bancaire n’aient plus progressé depuis six mois, que l’accord sur le CFP tarde à être mis en œuvre à cause d’un Conseil qui résiste et qui a réduit le budget 2014, ce qui est en contradiction avec l’accord.

Guy Verhofstadt, le leader des libéraux de l’ALDE, a quant à lui déclaré que la plupart des choses restent encore à faire. Pour lui, les premiers signes de reprise sont le signe que l’on est arrivé au plus bas de la récession et que commence maintenant la seconde phase de la crise : le danger d’un "hiver japonais" avec une croissance faible et un chômage élevé sur des décennies. Comment éviter cet hiver et que deux décades ne soient perdues pour l’Europe comme ce fut le cas pour le Japon, demande-t-il. Il veut de grandes réformes comme celle de l’Union bancaire qui doit être plus qu’un mécanisme de surveillance unique. Il faut pour lui un "vrai gouvernement européen avec une trésorerie importante et commune pour mieux pouvoir investir". Pour lui, il faut très vite, avant les élections européennes, faire passer la proposition sur le mécanisme de résolution unique par un vote et négocier tout de suite avec le Conseil pour accélérer les choses. Il a salué dans la même veine l’Agenda numérique qui sera proposé par la commissaire Neelie Kroes et demandé à ce que le CFP soit définitivement voté afin que l’on puisse intervenir sur un budget 2014 qui n’est pas conforme.

Dans son intervention, la porte-parole des Verts européens, Rebecca Harms, s’est dite d’accord avec le président de la Commission que l’on se souvienne de 1914 et de ce qui rend la politique et la situation du continent européen enviables par rapport au reste du monde. Mais alors pourquoi ce miracle qu’est l’UE est-il si mal défendu, s’est-elle ensuite demandée. C’est que la politique anti-crise n’a pas sorti les citoyens et les Etats de la crise, mais mené à plus de souffrances. Il est pour elle insupportable que la lutte contre le changement climatique ait été mise au second rang et que la Commission ait prévu de nouvelles subventions pour les centrales fonctionnant au charbon et à l’énergie nucléaire tout en baissant en même temps les aides aux énergies renouvelables. Elle est d’avis que le traité de libre-échange avec les USA détruira des dizaines de milliers d’emplois dans l’agriculture. Le report du vote sur la directive tabac en dit aussi long sur l’orientation de la Commission, a dit encore l’eurodéputée sans trop préciser.

Voir également les réactions des eurodéputés luxembourgeois ici.