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Economie, finances et monnaie
Le président de la BEI, Werner Hoyer, fait le bilan des activités 2013 du plus grand établissement de crédit et d’emprunt multilatéral de la planète
17-02-2014


Banque européenne d'investissementEn 2013, la Banque européenne d’investissement (BEI) a totalisé, ensemble avec le FEI, avec lequel elle constitue un groupe, 521,5 milliards d’euros de crédits empruntés sur les marchés des capitaux mondiaux, mais surtout dans l’UE (56 %), le reste de l’Europe (7 %) et l’Asie (27 %) pour financer des projets solides et durables, dont 71,7 milliards pour 400 projets rien que pour 2013. Partant de son triple A, elle est arrivée à les emprunter à des taux favorables qu’elle a répercutés sur ses clients qui viennent avant tout de l’UE, des pays susceptibles de rejoindre l’UE, des pays de l’Est de l’Europe et des pays ACP. La BEI, qui a son siège à Luxembourg, travaille avec des crédits, des garanties, du capital à risque, des instruments de partage du risque et de la consultance. Le FEI, qui a soutenu depuis vingt ans plus de 1,5 millions de PME, travaille quant à lui avec les intermédiaires financiers des 28 Etats membres, de l’AELE et des pays candidats à l’adhésion en fournissant des garanties, du capital à risque, en travaillant dans la titrisation et la microfinance.

Voilà quelques éléments de l’introduction du président de la BEI, Werner Hoyer, qui a présenté le 17 février 2014 à Luxembourg le bilan 2013 du plus grand établissement de crédit et d’emprunt multilatéral de la planète, qui par ailleurs présente le meilleur rapport entre la somme des crédits déboursés lors du dernier exercice – 75 milliards d’euros – et le nombre de ses collaborateurs – 2 124. A titre de comparaison, la Banque mondiale, qui, il est vrai, finance des projets moins importants en taille, a déboursés 23,4 milliards et  emploie 12 058 collaborateurs, et la BERD emploie 1 649 employés pour 8,9 milliards de crédits.

Une approche anticyclique

Avec son augmentation de capital en 2013 et le passage à une augmentation de 68 % des crédits accordés, la BEI "fera ce qu’elle pourra pour lutter contre la crise" jusqu’en 2015 d’abord avec son approche anticyclique, a assuré son président, qui a évoqué le retour de l’Irlande sur les marchés financiers, le retour prochain du Portugal et de l’Espagne et les premiers excédents budgétaires de la Grèce. Pour cela, il lui a néanmoins fallu augmenter son personnel de 8 %. En 2013, 230 000 PME employant plus de 2,8 millions de personnes ont bénéficié de son soutien. 18,5 milliards de crédits de la BEI et 3,4 milliards d’euros levés par le FEI ont permis de mobiliser 50 milliards d’euros en faveur de ces PME à travers 700 intermédiaires financiers.

La BEI misé sur des investissements susceptibles de favoriser la reprise dans les pays en crise. L’Irlande a reçu 208 millions sur 680 millions de crédits signés de la BEI et 40 millions d’euros du FEI pour des investissements dans les PME, le secteur de l’énergie, les infrastructures et l’éducation. Le Portugal a reçu 818 millions sur les 970 millions signés avec la BEI et les 1999 du FEI, la Grèce 1,17 milliards sur les 1,46 signés avec la BEI, y compris 57 millions du FEI en guise de garanties sous forme de lettres de crédits pour financer des opérations commerciales. Chypre aussi est allée vers ces instruments du FEI pour 8 millions et 250 millions de crédits de la part de la BEI. Les instruments de garantie pour financer ces opérations commerciales font partie des produits "taillés sur mesure" de la BEI auxquels d’autres Etats membres commencent à s’intéresser.

La BEI travaille également à des modèles qui incluent les fonds structurels non-déboursés alloués à un pays. 17,2 milliards d’euros sont allés à des projets de formation et d’innovation, 21 milliards à l’accès au financement des PME, 15,9 milliards aux infrastructures stratégiques et 19 milliards à des mesures d’efficacité énergétique en fonction des objectifs de l’UE pour 2030.

Pour la Garantie jeunes, 6 milliards sont prévus sur 7 ans entre 2014 et 2020 dans le budget de l’UE, mais en attendant, et vu que cela ne pourra être suffisant, rien qu’entre juillet et décembre 2013, 9,1 milliards d’euros ont été mobilisés par la BEI pour les jeunes, dont 4,6 milliards pour des PME dans des régions de l’UE où le chômage des jeunes dépasse les 35 %. 4,5 milliards sont allés dans des projets de formation et le financement des études. En tout, autour de 50 000 emplois ont profité de ces investissements. "Mais cela n’est pas la solution à tous ces problèmes", a insisté Werner Hoyer.

La BEI investit aussi en dehors de l’UE. Sur les 71,7 milliards de crédits accordés en 2013, 7,7 milliards ont été accordés en dehors de l’UE, dont 3,1 milliards aux pays de l’AELE et ceux susceptibles d’adhérer à l’UE, 1,8 milliards aux "voisins orientaux" et 1 milliards aux pays ACP. Dans le cas précis de la Moldavie et de l’Ukraine, "il s’agit d’un instrument de la politique extérieure de l’UE, comme l’entendent les décideurs de l’UE", a souligné Werner Hoyer, qui a été longtemps lui-même secrétaire d’Etat aux Affairer étrangères et européennes en Allemagne.

Les problèmes structurels de l’économie de l’UE

Werner Hoyer, président de la BEI, le 17 février 2014, lors de la présentation du bilan 2013 de sa banqueMais quels que soient les crédits accordés, les entreprises qui les contractent et l’UE dans son ensemble doivent être en état d’affronter la concurrence sur les marchés globaux. Or, ici, le bât blesse. La croissance de la productivité de l’UE est passée de 1,6-1,7 point entre 2000 et 2007 à moins de 0,3 point entre 2008-2012. L’investissement a reculé de 15 % dans l’UE depuis 2007, ce qui a entraîné une baisse du stock de capital qui, de son côté, réduit la croissance potentielle. La crise de l’emploi qui s’en est suivie a d’abord touché les jeunes. Et finalement, la crise de la productivité laisse l’Europe derrière ses concurrents.

Cela est également visible dans les retards que l’UE affiche en termes d’investissement public dans l’innovation, qui est de 2,3 % au Japon, de 2,8 % aux USA, mais seulement de 1,9 % dans l’UE. Depuis 2000, la BEI a prêté 139 milliards d’euros à la recherche et l’innovation. Rien qu’entre 2012 et 2013, les crédits ont augmenté de 68 % et continueront à se situer jusqu’en 2015 à ce niveau élevé, même si la part des chercheurs tarde encore à augmenter dans la population européenne, que le nombre des brevets déposés tend à décliner et que l’infrastructure numérique s’avère insuffisante sauf dans les grands centres économiques, alors que l’économie numérique est censée se décentraliser et couvrir tout le territoire de l’UE. Bref, estime Werner Hoyer, l’UE doit affronter "de sérieux défis en matière d’innovation".

Six défis

En gros, six défis attendent l’UE selon la BEI : combler les besoins en financement des entreprises, réduire le chômage, revenir à une convergence des économies de l’UE, réduire la fragmentation des marchés financiers européens, soutenir l’innovation et investir dans les infrastructures et dans des actions qui permettent de réduire les émissions de gaz de serre. Les mesures régulatrices nécessaires pour atteindre ces objectifs pourront être prises avec le redémarrage de l’économie. D’ici là, la BEI doit jouer son rôle de grande banque publique et s’insérera ensuite dans les nouveaux scénarios de l’après-crise.

La BEI n’est pas la panacée

Werner Hoyer a expliqué lors de la séance de questions-réponses que la BEI pourrait faire nettement plus si on lui soumettait plus de projets de haute qualité. Dans ce domaine, les attentes des dirigeants politiques de l’UE sont très élevées dans un contexte de rigueur budgétaire, de retenue des banques pour accorder des crédits et de frilosité du secteur privé à investir. "Certains croient que la BEI, c’est la panacée. Mais ce n’est pas le cas. Notre soutien à la croissance n’est pas négligeable, mais cela ne change rien au fait que les Etats membres ont à jouer un rôle fondamental. Ceci dit, les PME sont la colonne vertébrale de l’économie européenne, et dans ce secteur, notre contribution peut être substantielle. Reste que les prêts garantis par la BEI sont accordés par des banques locales, et qu’elle n’est pas forcément visible derrière ces prêts." Le président de la BEI a ajouté une note humoristique, en racontant qu’il était présent en marge des derniers Conseils européens pour expliquer aux chefs d’Etat et de gouvernement ce que sa banque peut faire, mais qu’il passait autant de temps à leur expliquer ce qu’elle ne peut pas faire.

Le Luxembourg, la BEI et l’échange automatique d’informations

Werner Hoyer espère par ailleurs que le Luxembourg passera à l‘échange automatique d’informations (EAI), car à terme, la situation actuelle pourrait poser "un problème sérieux » en ce qui concerne certaines activités de la banque tout en ne touchant en rien à la question de son siège à Luxembourg, qui est lui fixé par les traités. Le gouvernement luxembourgeois aurait selon lui intérêt à « agir rapidement » et se mettre en conformité avec les exigences du Global Forum ou Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales. Mais il a confiance en le fait que le nouveau gouvernement agira dans ce sens.       

La BEI au Luxembourg

La BEI n’a pas été sollicitée fortement par le gouvernement luxembourgeois ces dernières années. Néanmoins, elle participe depuis 2012 au financement du KAD2, le nouveau bâtiment du Parlement européen. Actuellement, la BEI est surtout sollicitée pour son expertise technique dans le domaine des infrastructures, notamment l’assainissement des eaux résiduaires, où le Luxembourg, sous le coup d’une amende infligée par la CJUE, doit pratiquer rapidement des investissements, et les écoles, où elle peut contribuer au choix de projets moins onéreux que ceux « pratiqués du temps où les caisses étaient pleines », comme l’a dit un expert.

La BEI est aussi présente sur la place financière avec ses activités de fonds. 22,6 millions d’euros ont ainsi été investis dans "Progress Microfinance Fund", un fonds de capital à risque dédié aux micro-entreprises européennes.

Le président Werner Hoyer, interrogé sur la qualité des liaisons ferroviaires vers Luxembourg, a qualifié tant les liaisons vers l’Allemagne que vers Bruxelles de "désastreuses", et admis que la BEI plaide "jour et nuit" pour que cela change. "Mais tant qu’aucune compagnie ferroviaire ne se déclare prête à changer les choses, nous ne pouvons rien financer."