Le Comité économique et social (CES) a accueilli le 30 mars 2015 la deuxième réunion du "dialogue social annuel sur le semestre européen", cycle annuel de concertation régulière entre le gouvernement et les partenaires sociaux représentatifs sur le plan national portant sur le semestre européen.
A cette occasion, le gouvernement a présenté une note de cadrage concernant le programme national de réforme et le programme de stabilité et de croissance qui devra être soumise d’ici la fin du mois d’avril à la Commission européenne. Un document qui avait été préalablement soumis au patronat et aux syndicats, qui n’ont pas manqué d’y réagir dans leurs contributions respectives.
Etienne Schneider, Vice Premier ministre et ministre de l’Economie, s’est attaché à présenter aux partenaires sociaux les priorités retenues par le gouvernement pour la rédaction du Programme national de réformes (PNR), sur la base de l’analyse menée par la Commission européenne dans le cadre de son paquet d’hiver.
Dans son analyse de la situation économique du Luxembourg, la Commission note que la situation économique est relativement favorable, a relevé en premier lieu Etienne Schneider, en citant notamment une croissance du PIB de 2,9 % au Luxembourg, contre 1,7 % dans l’UE, et des prévisions qui laissent espérer une croissance de 3,3 % en 2015 et même de 3,7 % de 2016 à 2018. Les finances publiques sont saines, a encore relevé le ministre en mentionnant un excédent structurel et un investissement public élevé par rapport à la moyenne européenne. Le ministre de l’Economie a relevé aussi que la Commission n’a pas identifié de déséquilibres macroéconomiques au Luxembourg. En bref, l’économie luxembourgeoise se trouve en relativement bonne santé aux yeux du gouvernement.
Pour autant, le ministre de l’Economie observe que le Luxembourg a des difficultés à renouer avec les niveaux de croissance d’avant-crise et que la croissance potentielle s’est affaissée pour atteindre 2 %. Autre défi pour le Luxembourg, la progression faible de la productivité. Le ministre aussi cité la soutenabilité à long terme des finances publiques, la cohésion sociale ou encore la lutte contre le changement climatique parmi les défis auxquels le Luxembourg doit faire face. Et il a plaidé pour une démarche partenariale concertée pour parvenir à la croissance intelligente, durable et inclusive à moyen et long terme que le gouvernement appelle de ses vœux.
Selon Etienne Schneider, pour remplir ses objectifs nationaux dans le cadre de la stratégie Europe 2020, le Luxembourg va devoir faire "des efforts importants en matière de R&D", les dépenses en R&D étant, avec 1,16 % du PIB, bien en-dessous de l’objectif de 2,3-2,6 %. Comme l’a fait remarquer Etienne Schneider, il y a eu une baisse de ces investissements avec la crise, et elle est liée notamment à un recul des investissements dans le privé.
Pour ce qui est des objectifs en matière de climat et d’énergie, Etienne Schneider indique que le Luxembourg va devoir faire des efforts importants malgré la baisse des niveaux d’émissions de gaz à effet de serre et les progrès en termes d’efficacité énergétique. En effet la part des énergies renouvelables, certes en hausse, n’est qu’à 3,6 % pour un objectif de 11 % d’ici 2020.
Enfin, le ministre a souligné que pour remplir ses objectifs en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, le Luxembourg va devoir faire des efforts importants. Car si le Luxembourg affiche un taux de risque de pauvreté et d’exclusion plus faible que la moyenne de l’UE, la progression a été forte ces dernières années, a relevé le ministre.
En matière d’éducation, Etienne Schneider est convaincu que le Luxembourg devrait pouvoir atteindre ses objectifs : c’est chose faite pour ce qui est du décrochage scolaire, et cela paraît "faisable" pour ce qui est du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur, qui est de 53,6 %, alors que le Luxembourg s’est fixé un taux ambitieux de 66 % d’ici 2020.
En matière d’emploi, le Luxembourg "se trouve sur la bonne trajectoire", estime le ministre de l’Economie qui se félicite d’un taux d’emploi en hausse et très proche de l’objectif que s’est fixé le Luxembourg. Pour l’atteindre, il conviendrait selon lui de motiver plus de femmes à aller sur le marché du travail et à favoriser un maintien plus tardif dans l’emploi.
Etienne Schneider est ensuite revenu sur les cinq recommandations que le Luxembourg s’est vu adresser en 2014 dans le cadre du semestre européen 2014. En effet, la Commission a fait le point sur les progrès réalisés dans la mise en œuvre de ces recommandations dans son paquet d’hiver présenté en février dernier.
Pour ce qui est de la première recommandation, qui consiste à préserver une situation budgétaire saine, la Commission note "certains progrès". Pour le gouvernement, les progrès sont au contraire substantiels, et Etienne Schneider n’a pas manqué de lister les mesures prises par le gouvernement, à savoir le respect des règles préventives du Pacte de stabilité et de croissance, l’adoption d’un cadre budgétaire à moyen terme, le paquet d’avenir adopté avec le budget 2015 ou encore la mise en place d’un Conseil national des finances publiques.
La deuxième recommandation de la Commission vise une réduction des dépenses liées au vieillissement. Sur ce point, la Commission note des progrès limités. Etienne Schneider a toutefois rappelé les mesures prises par le gouvernement, en soulignant que, suite à la réforme du système de pensions de 2012, les réserves de 30,4 % du PIB en 2014 permettent un financement des prestations jusqu’en 2040. Une analyse de la trajectoire financière est par ailleurs prévue tous les cinq ans, tandis qu’un groupe de pensions va être mis en place en 2016. En ce qui concerne l’assurance dépendance, Etienne Schneider a reconnu un équilibre financier fragile, mais il a aussi souligné qu’aucun déficit n’était prévu avant 2017. Et si une réforme structurelle est jugée nécessaire, le ministre a rappelé que la Chambre avait tenu un débat de consultation sur le sujet en 2014.
La Commission recommandait aussi de revoir le mode de formation des salaires et de diversifier l’économie. Sur ce point, la Commission relève aussi des progrès limités, une analyse avec laquelle le ministre n’est pas tout à fait d’accord. Au vu des taux d’inflation, la réforme du système d’indexation des salaires n’est pas à l’ordre du jour actuellement, a souligné Etienne Schneider. Quant à la diversification, la stratégie de spécialisation multisectorielle mise en œuvre commence à porter ses fruits puisque les secteurs des NTIC, de la logistique, de la biotechnologie ou encore de l’aérospatiale représentent 10 % du PIB et 7 % de l’emploi.
La Commission recommandait aussi de poursuivre les efforts pour réduire le chômage chez les jeunes et les demandeurs d’emploi peu qualifiés, un point sur lequel elle juge les progrès limités. Etienne Schneider a toutefois rappelé la mise en œuvre de la garantie pour la jeunesse, mais aussi la mise en place d’autres projets ciblant ces populations, sans compter les projets législatifs visant à réformer l’enseignement primaire et secondaire.
Enfin, en ce qui concerne la recommandation invitant le Luxembourg à prendre des mesures concrètes en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, la Commission ne note aucun progrès. Un jugement qui n’est pas juste aux yeux du ministre, qui a souligné que beaucoup a été fait, et que beaucoup de choses sont en cours. Il a ainsi cité le deuxième plan d’action de réduction des émissions de CO2, le pacte climat avec les communes, ou encore l’étude de faisabilité économique d’une réforme de la fiscalité des produits énergétiques dans le transport qui s’inscrit dans le cadre des travaux menés en vue de la réforme fiscale prévue en 2017.
Le ministre des Finances, Pierre Gramegna, s’est attaché à présenter les éléments qui vont déterminer la rédaction du programme de stabilité et de croissance (PSC).
La gouvernance des finances publiques évolue, a ainsi noté le ministre des Finances en évoquant la loi du 12 juillet 2014 transposant les exigences établies dans le TSCG, mais aussi les innovations introduites, comme la création d’un conseil national de finances publiques, ou l’établissement d’un rapport sur les dépenses fiscales. La création d’un cadre budgétaire à moyen terme, qui découle d’une obligation communautaire mais aussi de la volonté du gouvernement, est à cet égard la principale innovation aux yeux du ministre, et il a souligné la forte interaction entre cette loi, qui définit la stratégie budgétaire à moyen terme, et l’actualisation du PSC.
La situation des finances publiques évolue elle aussi, et le PSC doit en prendre acte. A cet égard, les prévisions macro-économiques du STATEC sont en cours de rédaction, ce qui pose un défi en termes de calendrier aux yeux du ministre. Pierre Gramegna a toutefois évoqué les principales hypothèses qui seront à la base du scénario en cours d’établissement, mettant l’accent sur une révision à la baisse de l’inflation, l’impact d’un euro faible, mais aussi le fait que, les négociations étant en cours à l’OCDE, un choc sur la croissance découlant du BEPS n’est pas prévu à brève échéance. Le scénario ne devrait pas prendre en compte un risque de Grexit, la situation étant "mouvante", comme l’a expliqué le ministre.
Pierre Gramegna a rappelé les objectifs du Luxembourg en termes de politique budgétaire, fixés par le programme de gouvernement, mais aussi par la loi sur la programmation financière pluriannuelle qui prévoit une trajectoire des finances publiques marquée par le respect de l’objectif budgétaire à moyen terme chaque année, sous condition de réalisation des hypothèses de croissance du STATC et de l’absence d’impact négatif lié aux discussions sur le BEPS. La loi du 12 juillet 2014 prévoit aussi que le solde au niveau de l’administration publique en termes structurels doit respecter l’OMT. Du point de vue du gouvernement, la stabilisation de la dette publique brute largement en-dessous des 30 % semble être l’objectif le plus contraignant, et le ministre a précisé qu’il entendait y parvenir en équilibrant le budget au niveau de l’administration centrale à moyen terme.
Le ministre a évoqué l’interprétation que la Commission entend désormais faire des règles de flexibilité du Pacte de stabilité et de croissance, en mettant notamment l’accent sur la nécessité d’éviter une politique budgétaire pro-cyclique quand les conditions macro-économiques sont mauvaises, sur le maintien des dépenses d’investissement, et enfin sur les réformes structurelles ayant une impact sur la soutenabilité à long terme des finances publiques. Selon Pierre Gramegna, c’est surtout de ce dernier point que le Luxembourg pourrait bénéficier dans les trois prochaines années.
Pierre Gramegna a ensuite évoqué le plan d’investissement de la Commission Juncker, en soulignant que la création du Fonds européen pour les investissements stratégiques (EFSI) était très positive. Le ministre ne perd pas de vue que, dans le cas où un accord ne pourrait être trouvé en trilogue d’ici la fin juin, le dossier reviendrait à la Présidence luxembourgeoise du Conseil. Pierre Gramegna a aussi évoqué une participation du Luxembourg à l’EFSI, y voyant une opportunité pour le Luxembourg, qui a besoin d’un haut niveau d’investissement et d’innovation pour assurer la soutenabilité de son modèle économique et social. Pierre Gramegna a souligné que l’idée d’utiliser l’investissement public pour promouvoir l’investissement privé, concept clef du Fonds, était une tradition au Luxembourg. Et le ministre n’a pas perdu de vue que le Luxembourg allait accueillir le pôle d’investissement qui va se mettre en place autour de la BEI dans ce cadre. Le gouvernement entend élaborer une stratégie d’investissement et de participation à l’EFSI, a donc annoncé Pierre Gramegna qui compte sur la collaboration du secteur privé et sur le soutien des partenaires sociaux. Il a assuré être en contact avec la BEI pour identifier les projets qui auraient le plus de chances d’être financés, évoquant notamment des projets d’infrastructures transfrontalières.
Plus largement, le ministre a réitéré l’importance accordée par le Luxembourg à l’investissement public et privé pour la croissance, en soulignant que le Luxembourg a l’intention de maintenir un niveau d’investissement public élevé au cours des prochaines années. Soucieux d’améliorer l’environnement pour l’investissement au Luxembourg, Pierre Gramegna entend mener une réflexion sur la qualité de l’investissement public et sur les freins à l’investissement privé. Le ministre a expliqué qu’il entendait mener une radiographie de la qualité des investissements, qui sera prise en compte dans la réforme budgétaire qui vise à établir un système budgétaire par programmes et objectifs.