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Les ministres des Affaires étrangères de l’UE donnent leur feu vert au lancement officiel, mais limité de l’opération navale "EUNAVFOR Med" contre les passeurs en Méditerranée
22-06-2015


Le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois Jean Asselborn avec la Haute Représentante Federica Mogherini (Source : SIP)Les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont donné le 22 juin 2015 leur au lancement de l’opération navale "EUNAVFOR Med" contre les passeurs en Méditerranée, mais seulement pour sa première phase qui se concentre sur la surveillance des passeurs en haute mer, faute d’une résolution onusienne et d’un accord de la Libye. Cette décision du Conseil qui a eu lieu à Luxembourg marque ainsi le lancement officiel de cette opération pensée dans le contexte des tragédies à répétition aux portes de l’Europe et qui a pour mission "d'identifier, de capturer et d’éliminer notamment de navires "utilisés ou soupçonnés de l’être par des passeurs ou des trafiquants de migrants".

Pour rappel, cette mission avait été décidée lors du Conseil européen extraordinaire du 23 avril 2015, convoqué suite à des multiples naufrages de migrants. Les ministres des Affaires étrangères de l’UE y avaient donné leur accord lors du Conseil du 18 mai 2015.  

L’opération est divisée en trois phases :

La première phase se concentre sur "la surveillance et l’évaluation des réseaux de passeurs et de traite d’êtres humains", indique un communiqué publié par le Conseil. La deuxième phase prévoit "la recherche et, si nécessaire, la saisie de navires suspects", tandis que la troisième phase devrait permettre "l'élimination" (en anglais "disposal") des "navires et des actifs connexes, de préférence avant utilisation, et d'appréhender les trafiquants et les contrebandiers". Toutes ces phases seront menées en "pleine conformité avec le droit international, dont le droit humanitaire et des réfugiés ainsi que les droits humains", lit-on.

La première phase, bornée donc à la collecte de renseignements, devrait durer quelques mois et c’est à son issue uniquement qu’une décision sera prise au Conseil sur la nécessité de passer aux étapes suivantes. "Le Conseil évaluera quand aller au-delà de cette première étape, en tenant compte d'un mandat de l'ONU et du consentement des États côtiers concernés, et les phases ultérieures seront menées en conséquence", peut-on ainsi lire dans le communiqué du Conseil. La première phase n’autorisera d’ailleurs pas l’opération de l’UE à patrouiller dans les eaux territoriales des Etats tiers, notamment la Libye.

Pour rappel, selon la décision officielle publiée au Journal officiel, la troisième phase prévoit des "mesures nécessaires à l'encontre d'un navire ou d'une embarcation" de trafiquants, "y compris en les éliminant ou en les mettant hors d'usage, sur le territoire dudit État, dans les conditions prévues par ladite résolution" du Conseil de sécurité "ou ledit accord" avec l’Etat côtier, tandis que la deuxième phase est restreinte à la "haute mer ou dans les eaux territoriales et les eaux intérieures de l'État côtier".

Concrètement, le siège de l'EUNAVFOR Med se trouve à Rome, le commandement de l’opération ayant été confié au contre-amiral Enrico Credendino qui sera assisté en mer par le contre-amiral Andrea Gueglio. Les coûts de l'opération sont estimés à 11,82 millions d’euros pour une phase de démarrage de deux mois et un mandat initial de 12 mois. Une douzaine d’Etats membres participent actuellement à la mission, dont moins d’une dizaine contribuent en termes matériels. Pour ce qui est des moyens déployés sur le terrain, à ce stade, cinq navires de guerres seront épaulés par deux sous-marins, trois avions patrouilleurs maritimes, trois hélicoptères et deux drones, qui arriveront sur zone "dans les jours à venir", a assuré un haut responsable européen à des journalistes.

En attente d’une résolution du Conseil de sécurité de l’ONU et d’un consentement de la Libye

Le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois Jean Asselborn avec Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l'ONU (Source : SIP)Dans son communiqué, le Conseil évite les termes "destruction" ou "neutralisation" de navires, qui avaient été très critiqués, notamment par l’ONU et la Libye, craignant pour la sécurité des réfugiés et celle des pêcheurs libyens qui risqueraient d’être "confondus" avec des trafiquants.

"Je vous le dis clairement, les cibles ne sont pas les migrants, mais ceux qui gagnent de l'argent sur leurs vies et, trop souvent, sur leurs morts", a déclaré la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires étrangères, Federica Mogherini, lors d’une conférence de presse, tout en se disant "impressionnée" par l’unanimité au sein du Conseil et la vitesse de la mise en œuvre de l’opération. "Cette première phase de l'opération commencera à être mise en œuvre dans les jours à venir, à savoir un recueil d'informations et des patrouilles en haute mer pour aider à la détection de réseaux de passeurs", a-t-elle expliqué.

Le passage à la deuxième et la troisième phase se fera "après évaluation des conditions", indique le communiqué, évoquant notamment "le consentement des Etats côtiers concernés", à savoir la Libye en premier lieu, ainsi qu’un "mandat de l’ONU". Pour mémoire, Federica Mogherini cherche depuis deux mois à avoir le soutien de l’ONU pour cette opération via une résolution du Conseil de sécurité, alors que son secrétaire général Ban Ki-moon s’est montré assez sceptique. L’UE espère pouvoir "aller de l'avant", selon les mots de Federica Mogherini, une fois qu’un gouvernement d’unité nationale aura été formé en Libye où deux gouvernements rivalisent. En attendant, "nous pouvons faire quelque chose en haute mer", a-t-elle fait valoir.

Lors d’une conférence de presse à l’issue du Conseil, Federica Mogherini a énuméré les Etats qui participent à l’opération EUNAVFOR Med : Allemagne, Belgique, Espagne, Finlande, France, Italie, Grèce, Hongrie, Lituanie, Luxembourg, Pays-Bas, Royaume-Uni, Slovénie et Suède.

Discussion sur la coopération avec l’ONU

Les ministres de l’UE ont par ailleurs une discussion approfondie sur la coopération de l’UE  avec les Nations unies, en présence du secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon. Les échanges de vues ont notamment porté sur les efforts conjoints déployés pour lutter contre les crises en Ukraine, au Yémen et en Libye, mais aussi sur le programme de développement pour l’après-2015, indique un communiqué du Ministère des Affaires étrangères luxembourgeois. À l’issue de la discussion, les ministres ont adopté les priorités de l’Union européenne pour la 70e session de l’Assemblée générale des Nations unies qui se tiendra à partir de septembre 2015.

Echange sur la dimension extérieure de la politique de l’énergie

Les ministres ont ensuite eu un échange des vues sur la dimension extérieure de la politique énergétique, en présence du commissaire Maros Sefcovic, vice-président de la Commission chargé de l’Union de l’énergie, présentée par la Commission en février 2015 pour améliorer sa sécurité d’approvisionnement et sa sécurité énergétique et réduire sa dépendance énergétique.

Dans ce contexte, ils ont notamment abordé le renforcement de l’orientation stratégique par un engagement régulier à haut niveau, l’établissement d’une coopération en matière d’énergie et de dialogues avec les pays producteurs et de transit ainsi que le soutien des efforts visant à encourager l’architecture globale pour l’énergie et les initiatives multilatérales, a indiqué le Ministère luxembourgeois.

Les sanctions économiques contre la Russie prolongées jusqu’au 31 décembre 2016

Le Conseil a décidé de prolonger de six mois les sanctions économiques à l’encontre de la Russie, adoptées le 31 juillet 2014 et renforcées le 8 septembre 2014, jusqu’au 31 décembre 2016, indique un communiqué. Cette décision fait suite à un accord pris lors du Conseil européen de mars 2015 selon lequel la durée des sanctions devrait être "liée à la mise en œuvre intégrale des accords de Minsk, étant entendu que celle-ci n'est prévue que pour le 31 décembre 2015".

Débat stratégique sur les relations de l’UE avec l’Asie

Le Conseil a eu un débat stratégique sur les relations de l’UE avec l’Asie. Les ministres ont adopté des conclusions sur ses relations avec l’Association des nations de l'Asie du Sud-Est (ASEAN), qui regroupe dix pays, ainsi que des conclusions sur la mise en œuvre de sa stratégie de l’Asie centrale, adoptée en 2007. Selon ces conclusions, l’UE veut renforcer ses relations avec les cinq Etats de l’Asie centrale, à savoir le Kazakhstan, la République kirghize, le Tadjikistan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan, notamment en matière de commerce, d’énergie, de sécurité et de stabilité, vu les "changements de la situation géopolitique dans la région" et "l’importance stratégique" de la région. Le texte souligne que les objectifs de la stratégie de 2007 "restent pertinents".

Les ministres ont par ailleurs eu un échange sur leurs relations avec la Chine, en amont du 17e  sommet avec la Chine prévue le 29 juin 2015. Ces sommets annuels ont lieu depuis 1998, le dernier sommet s’est tenu en 2013 à Beijing.

Selon les conclusions, les ministres ont souligné l’importance d’améliorer la connectivité en Asie et d’assurer la compatibilité entre les réseaux de transports européens et asiatiques.   

D’autres points

Le Conseil a adopté des conclusions sur les élections prévues cette année au Myanmar ainsi que des conclusions sur le Liban. Les ministres ont encore adopté des conclusions sur le Burundi, dans lesquelles ils dénoncent "l'impasse politique au Burundi" et menacent de sanctions ciblées les responsables "d'actes de violences et de répression" ou ceux qui y "entraveraient la recherche d'une solution politique".

Les ministres ont également discuté de la crise politique en Macédoine – des conclusions à ce sujet seront adoptées lors du Conseil des Affaires générales le 23 juin 2015, indiquent les conclusions.

Les ministres ont également adopté le rapport annuel de l’UE sur les droits de l’homme et la démocratie qui compte environ 400 pages, indique un communiqué.