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Statut d'économie de marché de la Chine – Pour Jean Asselborn, l'enjeu est que l'UE puisse garantir des conditions égales de concurrence
03-03-2016


Lwww.chd.lue 4 février 2016, le député CSV, Laurent Mosar, avait adressé une question parlementaire au ministre des Affaires étrangères et européennes au sujet de l'octroi du "statut d'économie de marché" pour la République populaire de Chine. Suite au Conseil Affaires étrangères informel de l'UE du 2 février 2016 et à la séance du Parlement européen du 1er février 2016, consacrés à ce sujet, il voulait connaître la position du gouvernement luxembourgeois sur cette perspective qui, selon l' "Economic Policy Institute" (EPI), pourrait provoquer la perte de 3,5 millions d'emplois dans l'UE, et la baisse du PIB de 2 % dans l'UE chaque année. Tandis que la Commission européenne n'envisage, quant à elle, qu'une perte allant de 63 600 à 211 000 emplois au maximum, rappelait Laurent Mosar.

La concurrence loyale est déjà au cœur des négociations sur un accord d'investissement entre l'UE et la Chine

Dans sa réponse datée du 3 mars 2016, le ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, évoque d'abord les risques et les chances, pour l'Europe et pour le Luxembourg, d'un tel changement de statut. Il rappelle que certains membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) considèrent que le texte du protocole d'adhésion à l'OMC, lequel prévoit l'octroi automatique du statut d'économie de marché (SEM) après le 11 décembre 2016, est "sujet à interprétation", notamment de sa section 15. Etant donné que l'OMC ne définit pas de critères concernant une "économie de marché", Jean Asselborn ne peut toutefois juger si la Chine remplit toutes les conditions requises pour constituer une "économie de marché selon les critères de l'OMC", déclare-t-il en réponse à une interrogation de Laurent Mosar.

Comme la Chine conteste toute interprétation juridique qui va à l'encontre de l'attribution automatique du SEM après 2016, elle attend de ses partenaires commerciaux qu'ils adaptent leurs méthodes de calculs des droits antidumping, poursuit le ministre. Du point de vue de l'UE, l'enjeu majeur est que cette évolution "ne compromette pas la capacité de l'Union à garantir que la compétition entre les entreprises européennes et chinoises se fasse sur un pied d'égalité". C'est d'ailleurs un des objectifs communs aux deux parties dans le cadre des négociations en cours sur un accord d'investissement entre l'UE et la Chine, écrit Jean Asselborn. La conclusion de cet accord facilitera la participation de la Chine au plan d'investissement pour l'Europe de la Commission ainsi que la participation européenne aux projets chinois tels que "One-belt, one road" (une ceinture, une route) et "pourra utilement contribuer au développement mutuellement bénéfique des relations économiques bilatérales entre le Luxembourg et la Chine", fait-il remarquer.

Le ministre poursuit en considérant que les conséquences économiques de l'attribution du SEM à la Chine pourraient être "positives pour certains secteurs économiques et négatives pour d'autres". Ainsi, "les producteurs de l'Union en Chine ainsi que les producteurs et détaillants européens dont les biens sont partiellement ou intégralement fabriqués en Chine sauraient probablement tirer leur épingle du jeu". Par contre, "l'industrie sidérurgique européenne pourrait devoir faire face à un afflux important d'importations chinoises en raison des surcapacités actuelles". Jean Asselborn souligne dans ce contexte l'intérêt de disposer d'une "étude d'impact exhaustive" pour juger de cette situation jugée complexe.

D'un point de vue juridique, la décision que prendra l'UE devra respecter la compatibilité de la politique commerciale commune avec les règles de l'OMC, souligne Jean Asselborn. Le cas échéant, l'UE pourrait être amenée à amender sa législation en matière de défense commerciale.

Une "option médiane" permettant à l'UE de respecter le cadre réglementaire de l'OMC, sans se priver "des moyens pour maintenir des conditions de concurrence équitables au niveau mondial"

Interrogé par Laurent Mosar sur le sens qu'il donne à une possible "troisième voie", qui n'irriterait pas la Chine et qui protégerait tout autant les entreprises européennes contre les importations en dumping, afin de ne pas "fermer la porte à la Chine", qu'il avait évoquée dans les colonnes du "Luxemburger Wort" le 3 février 2016, Jean Asselborn explique qu'il existe trois scénarios de base.

Dans le premier cas, l'UE ne change pas sa législation antidumping et, par conséquent, la Chine ne sera pas traitée comme étant une "économie de marché". Ceci aboutira très probablement à un recours par la Chine devant les enceintes appropriées, pense Jean Asselborn.

Dans la seconde hypothèse, l'UE octroie le SEM à la Chine sans veiller à ce que l'industrie européenne puisse se développer dans des conditions équitables. Alors, "l'impact, en termes d'emplois en Europe, pourrait être significatif".

La dite "troisième voie" est une "option médiane" qui consiste, après une analyse juridique approfondie, à "retirer la Chine de la liste des économies non marchandes dans le règlement antidumping de l'UE tout en introduisant des mesures accompagnatrices par le biais, notamment, d'un renforcement des instruments dont dispose l'Union pour se défendre contre une concurrence déloyale et l'utilisation de tous les dispositifs prévus par l'OMC dans un tel contexte". Cette façon de procéder permettrait à l'UE de respecter le cadre réglementaire de l'OMC, sans qu'elle ne se prive pour autant "des moyens pour maintenir des conditions de concurrence équitables au niveau mondial".

Ces trois cas de figure présentés par le ministre sont aussi ceux retenus par la Commission européenne dans la consultation publique qu'elle a lancée le 10 février 2016. Le gouvernement se positionnera d'ailleurs en fonction de la proposition que la Commission présentera au cours des prochains mois, en tenant compte justement des résultats de cette consultation publique ainsi que d'une évaluation d'impact complète et approfondie que les services de la Commission réaliseront.

Pour la présidence néerlandaise de l'UE, des conditions égales de concurrence passent par l'absence de "coûts inutiles en CO2"

Lors du Conseil Compétitivité du 29 février 2016, en partie consacrée à la situation de la sidérurgie européenne, les ministres de l'UE ont salué le lancement de cette consultation publique  ainsi que le lancement d'une étude d'impact de l'octroi du statut d'économie de marché à la Chine. C'est ce qu'a rapporté la présidence néerlandaise, dans ses propres conclusions, dans laquelle elle estime aussi que la Commission doit rester vigilante sur les pratiques de commerce déloyales sur le marché de l'acier et sur les marchés des autres industries à haute intensité énergétique. Elle invite cette dernière à faire "plein usage et en temps utile" de la panoplie d'instruments de politique commerciale pour lutter contre le commerce déloyal et assurer des conditions égales de concurrence à l'échelle globale.

Elle invite aussi la Commission et les Etats membres à adopter "une approche pragmatique" sur les enquêtes anti -dumping pour accélérer les procédures d'au moins deux mois, "tout en respectant les principes et procédures du droit européen et sans compromettre la qualité". Elle appelle également toutes les parties impliquées dans la modernisation des instruments de défense commerciale à une approche constructive garantissant "un commerce libre mais équitable".

Par ailleurs, les conclusions de la présidence néerlandaise abordent d'autres moyens de faire face à la concurrence en jugeant important de réduire "les coûts règlementaires qui entravent la compétitivité et l'innovation, et de renforcer les conditions égales de concurrence à l'échelle globale pour l'industrie sidérurgique et les autres industries à haute intensité énergétique. Elle juge "de la plus haute importance" pour ces industries que les orientations définies par le Conseil européen en octobre 2014 pour un cadre d'action de l'UE en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030, soit mises en œuvre de façon à "empêcher les fuites de carbone et la délocalisation de la production et des emplois hors de l'UE".

Afin de créer un environnement commercial permettant à l'industrie européenne d'entrer en compétition sur les marchés mondiaux, "les installations industrielles les plus performantes" dans les secteurs exposés au risque de "fuite de carbone" ne devraient pas être sujettes à des "coûts inutiles en CO2", tandis que les incitations à l'innovation dans l'industrie devraient être maintenues. Il est également crucial que l'accord de la COP21 soit mis en œuvre de manière à ce que l'UE atteigne ses objectifs "sans que cela n'impacte négativement la compétitivité de l'industrie européenne et des conditions égales de concurrence", dit le document de la présidence néerlandaise.