Lors d'un Conseil "Justice et affaires intérieures" (JAI) extraordinaire qui a eu lieu le 22 septembre 2015 à Bruxelles, les ministres européens en charge de l'Intérieur ou de l'Immigration avaient adopté à la majorité qualifiée le mécanisme provisoire pour une relocalisation d'urgence de 120 000 personnes ayant besoin d'une protection internationale depuis l'Italie et la Grèce.
À ce jour, seules 5 651 personnes ont été relocalisées depuis la Grèce (4 455) et depuis l'Italie (1 196), sur les 160 000 prévus. Toutefois, depuis le dernier rapport du genre, daté du 13 juillet 2016 jusqu'au 27 septembre, 2 595 nouvelles personnes furent ainsi relocalisées, à savoir 2 242 depuis la Grèce et 353 depuis l'Italie. Pendant le même temps, 7300 personnes sont arrivées en Grèce depuis septembre pendant que 52656 arrivaient en Italie.
Selon les chiffres fournis par la Commission, la France est le pays qui a relocalisé le plus grand nombre de candidats (1 952), suivie par la Finlande (690) et les Pays-Bas (726). Le Luxembourg, qui doit à terme accueillir 751 personnes, a pour sa part, durant cette période, relocalisé 33 personnes en provenance de Grèce, ce qui porte à 104 le nombre de personnes qu'il a relocalisées en provenance de Grèce, et a procédé à ses 20 premières relocalisations en provenance d'Italie le 27 juillet 2016. Le Luxembourg est par ailleurs mentionné dans le rapport pour avoir, comme les trois Etats baltes et Malte, augmenté la régularité de ses transferts (devenus, selon ces Etats, mensuels ou bimensuels).
Le nombre de relocalisations enregistrées en septembre s'est élevé à 1 202, soit le chiffre le plus élevé atteint en un mois jusqu'ici et le double de ce qui avait été observé au cours de la période de référence précédente, se réjouit la Commission, qui se dit optimiste quant à la possibilité de de relocaliser les candidats à la relocalisation qui se trouvent encore en Grèce (30 000 environ) d'ici à la fin de 2017.
La Commission souligne toutefois le besoin d'augmenter la relocalisation de mineurs non accompagnés. Depuis juillet 2016, 46 mineurs ont été relocalisés depuis la Grèce vers six Etats membres (dont le Luxembourg).
La Commission européenne note encore que les efforts consentis par l'Italie et la Grèce, les États membres de relocalisation, les agences de l'UE et les organisations internationales se sont traduits épar un taux de relevé des empreintes digitales proche de 100 %, un renforcement de la sécurité, une forte augmentation du nombre de candidats à la relocalisation et une accélération substantielle des transferts", surtout au départ de la Grèce.
Pour ce qui est des réinstallations, la Commission européenne note également que les États membres ont continué d'accroître leurs efforts et ont, jusqu'ici, offert une voie d'entrée légale et sûre à 10 695 personnes sur les 22 504 qu'ils ont accepté d'accueillir au titre du programme du Conseil du 20 juillet 2015. En outre, 1 071 réfugiés syriens supplémentaires ont été réinstallés à partir de la Turquie entre le mois de juin et le 27 septembre, ce qui triple le nombre de personnes réinstallées et porte à 1 614 le nombre total de personnes réinstallées à partir de la Turquie au titre de la déclaration UE-Turquie mise en œuvre depuis le 4 avril 2016. Selon le document de la Commission, 46 Syriens ont été réinstallées au Luxembourg en provenance de Turquie, en 2015, en dehors du programme européen de juillet 2015, tandis que 27 ont été accueillis en provenance de Turquie au nom de l'accord UE-Turquie.
La publication de ce rapport intervenait dans un contexte particulier puisque l'avenir du principe des relocalisations que tous les Etats membres, à l'exception du Royaume-Uni, de l'Irlande et du Danemark, sont censés appliquer, avait de nouveau été fortement remis en cause au sommet de Bratislava du 16 septembre. Les Etats membres du groupe de Višegrad, à savoir la Hongrie et la Slovaquie, contestant depuis mai 2015 le mécanisme de relocalisation, ainsi que la République tchèque et la Pologne, y avaient défendu un nouveau concept, celui d'une "solidarité flexible" qui "devrait permettre aux Etats membres de décider des formes de contribution spécifiques tenant compte de leur expérience et de leur potentiel" et qui devrait aussi conduire à ce que la participation à tout mécanisme de répartition de réfugiés soit volontaire.
La chancelière allemande, Angela Merkel, avait jugé qu'il s'agissait d'une "démarche positive", tandis que cinq jours plus tard le ministre luxembourgeois des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, la rejetait.
Lors d'un débat consacré à son discours sur l'état de l'Union 2016 organisé par le Comité économique et social européen (CESE), le 22 septembre 2016, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait donné l'impression de remettre à son tour en question le programme de relocalisation, en déclarant qu'il "faudra que nous arrivions à accueillir sur nos territoires tous ceux qui fuient la guerre, la violence, la torture et le viol" mais que "si certains pays ne peuvent pas le faire, il faudra qu'ils participent davantage que d'autres à la protection des frontières extérieures".
Le 26 septembre 2016, le Premier ministre slovaque Robert Fico, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l'UE, avait ainsi pu émettre l'idée que les quotas européens de répartition des demandeurs d'asile adoptés en septembre 2015 étaient "politiquement finis", étant donné qu'ils divisaient l'UE.
Dans une interview accordée à la chaîne France 24 le lendemain, le président de la Commission Jean-Claude Juncker, avait affirmé au contraire qu'il n'avait pas annoncé la fin de la politique migratoire proposée la Commission. "Nous restons attachés à cette idée qu'il faudra y apporter (...) une réponse faite de solidarité et de cœur. J'ai dit qu'il faudrait que nous rapprochions davantage les points de vue (…) entre les pays de l'Ouest et de l'Est, en disant que les mesures ne s'imposent pas par la seule volonté de ceux qui veulent l'imposer mais que la solidarité doit venir aussi du cœur." Or, "nous savons de notre vie privée par ailleurs que les coups de cœur sont assez peu fréquents et donc que pour que l'amour naisse il faut lui donner le temps nécessaire", a-t-il ajouté.
Les déclarations faites par les commissaires Frans Timmermans et Dimitris Avramopoulos, à l'occasion de la présentation de ces rapports, sont à lire dans ce contexte, et dans l'imminence du référendum hongrois du 2 octobre 2016 dédié à la question. Dans le communiqué de presse de la Commission, le premier a salué "les efforts consentis par les États membres" et jugé que "ceux qui peuvent faire plus devraient le faire de toute urgence". "Nous ne pouvons gérer efficacement l'asile et les migrations en Europe et préserver l'Espace Schengen que si nous œuvrons tous ensemble dans un esprit de solidarité et de responsabilité», plaidait-il.
Alors qu'il déclarait dans le même communiqué que "la relocalisation est condamnée au succès", en conférence de presse, le commissaire Avramopoulos a été plus précisément interrogé sur la portée de l'idée de "solidarité flexible" et sur les différentes déclarations en amont et en aval du sommet informel de Bratislava sur "les efforts visant à élargir le consensus de l'UE en ce qui concerne la politique migratoire à long terme, y compris sur la manière d'appliquer les principes de responsabilité et de solidarité à l'avenir", déclarations qui passaient sous silence la dimension obligatoire des décisions de septembre 2015 sur les relocalisations et les réinstallations de demandeurs d'asile.
Dimitris Avramopoulos a aussi été interrogé sur les intentions de la Commission en vue d'un éventuel déclenchement des procédures d'infraction en cas de non-respect de la législation européenne par certains Etats membres et sur le sort qu'elle prévoit d'assurer aux quotas, cela notamment en allusion aux dernières déclarations du Premier ministre slovaque Robert Fico, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil.
"On n'en est pas encore là", a répondu le commissaire, "la Commission est là pour convaincre tous les Etats membres à entrer dans la logique des relocalisations". Il a renvoyé à la hausse des relocalisations en septembre et les efforts de plusieurs Etats membres, en disant que la même volonté politique qui présidait à ces actions allait faire que le nombre des relocalisations ira croissant. "Les Etats membres ont une responsabilité juridique à appliquer les décisions prises selon les dispositions des traités, et pas pour les interpréter", a-t-il dit ensuite. Il a précisé : "La législation de l'UE n'est pas optionnelle. Ce qui a été décidé doit être mis en œuvre", ajoutant que "la Commission se réservait d'engager si nécessaire les procédures juridiques appropriées.
La Commission européenne a également fait état de progrès constants dans la mise en œuvre de la déclaration UE-Turquie. "La baisse considérable et continue du nombre de personnes qui traversent de façon irrégulière la mer Égée ou qui y perdent la vie prouve que la déclaration s'est, jusqu'ici, révélée efficace", avance la Commission européenne. L'arrivée de 85 personnes par jour en moyenne depuis juin, contre plus de 1 700 arrivées quotidiennes le mois qui a précédé la mise en œuvre de la déclaration, montre "clairement qu'il est possible de briser le modèle économique des passeurs", dit-elle.
Selon ce troisième rapport, les opérations de retour se sont poursuivies, 116 personnes supplémentaires ayant fait l'objet d'un retour depuis le deuxième rapport, ce qui porte à 578 le nombre total de retours au titre de la déclaration. Par ailleurs, la Commission a continué d'accélérer l'octroi de financements. 2,239 des 3 milliards d'euros prévus pour la période 2016-2017 afin de répondre aux besoins les plus urgents des réfugiés et des communautés d'accueil en Turquie, ont déjà été alloués.
La Commission encourage par ailleurs la Turquie dans ses efforts pour "achever le plus rapidement possible la mise en œuvre de l'ensemble des sept critères en suspens de la feuille de route sur la libéralisation du régime des visas". Elle a convenu avec les autorités turques "de poursuivre le dialogue engagé et de trouver des solutions pratiques permettant de coopérer et de progresser sur la voie des changements procéduraux et législatifs qui s'imposent".
La Commission a adopté également sa troisième recommandation sur les mesures concrètes que la Grèce doit prendre pour disposer d'un système d'asile opérationnel et pouvoir reprendre, progressivement et au cas par cas, les transferts de demandeurs d'asile en provenance d'autres États membres dans le cadre du règlement de Dublin. La Commission note "des efforts constants" et une amélioration continue du système d'asile depuis l'adoption de la première recommandation en février et de la deuxième, en juin. Ces progrès consistent notamment entre autres en l'achèvement d'une campagne de pré-enregistrement à grande échelle, en un renforcement de la capacité d'accueil globale et un doublement de la capacité du service d'asile. Des progrès supplémentaires restent toutefois nécessaires, notamment en ce qui concerne les structures d'accueil, l'accès aux procédures d'asile et les structures pour demandeurs vulnérables.
La Commission a rendu également compte des contrôles temporaires effectués par l'Allemagne, l'Autriche, le Danemark, la Suède et la Norvège, en vertu de la recommandation du Conseil du 12 mai 2016, dans le cadre de l'article 29 du code frontières Schengen. Dans son rapport, la Commission ne préjuge en rien de la décision quant à la prolongation ou non de ces contrôles, qui sera prise à l'expiration, le 12 novembre, de la période de six mois indiquée dans la recommandation. Comme précisé dans la feuille de route intitulée "Revenir à l'esprit de Schengen", l'objectif de la Commission reste de lever tous les contrôles aux frontières intérieures et de revenir dès que possible au fonctionnement normal de l'espace Schengen.