Le 18 novembre 2016, le député Marc Baum (déi Lénk) adressait au ministre des Affaires étrangères et européennes, Jean Asselborn, une série de questions portant sur l'Accord sur le commerce des services (ACS, sigle anglais: TiSA), qui est en négociation depuis 2012 et vise à libéraliser le commerce international des services. Actuellement, l'Union européenne participe à ces négociations avec 22 autres pays qui représentent au total 2/3 du PIB mondial.
Le député relevait dans sa question parlementaire que ces négociations sont dans leur phase finale et pourraient être clôturées avant la fin de l'année 2016. Il observait aussi "les négociations sur le TiSA sont caractérisées par un manque de transparence manifeste, peu de détails des pourparlers étant connus". Il faisait toutefois état d’une "fuite majeure intervenue sur des documents datant de juin 2016" montrant que "le champ d'application de l'accord est très vaste, couvrant entre autres les transports, l'énergie, la vente au détail, le commerce électronique, le courrier express, les télécommunications, les banques, la santé et l'éducation privée, touchant ainsi pratiquement tous les aspects de la vie et de la société".
Marc Baum se faisait l’écho dans sa question parlementaire des préoccupations qu’ont fait naître ces documents parmi les acteurs de la société civile quant aux possibles conséquences de TiSA, notamment sur la faculté des administrations à différents niveaux à réguler dans l'intérêt public. Il citait notamment Sharon Burrow, secrétaire générale de la Confédération Syndicale Internationale (CSI, qui a déclaré après analyse : "L'Accord sur le commerce des services est un poison pour la démocratie. S'il est adopté, les droits des travailleurs seraient érodés, les entreprises auraient leur mot à dire dans les prises de décisions économiques et une nouvelle vague de privatisations déferlerait".
Europaforum.lu reprend ici en intégralité les questions assorties des réponses apportées par le ministre Jean Asselborn le 22 décembre 2016.
Non, les pourparlers sur le TISA ne seront pas conclus d'ici la fin de l'année 2016.
Tout d'abord et conformément à sa position consistant à demander un maximum de transparence dans de telles négociations, le gouvernement soutient pleinement les efforts de communication et d'information déployés par la Commission européenne et qui visent à recueillir les avis et commentaires de la société civile, des entreprises et des associations industrielles de tous les États membres. En outre, la Commission européenne publie et rend par-là accessible au grand public, sur le site web de la Direction Générale Commerce (http://ec.europa.eu/trade/policv/in-focus/tisa/), l'ensemble des propositions de texte et offres que l'UE soumet dans le cadre des négociations sur le TiSA. La Commission y met également à disposition du public des rapports sur chaque tour de négociation qui a lieu. Par ailleurs, le Parlement européen est informé régulièrement des résultats de chaque tour de négociations et reçoit systématiquement l’ensemble des documents de négociation. Ceci étant dit, l'UE peut certes encourager mais ne peut pas engager les autres participants aux pourparlers sur le TiSA de faire preuve d'une transparence accrue en publiant leurs papiers de position respectifs.
Force est de constater que la Commission européenne a commandité une étude d'impact exhaustive sur le potentiel économique, social et environnemental du TiSA. Le rapport intermédiaire de ladite étude, portant notamment sur le volet quantitatif, vient d'être publié. Ces premiers résultats quantitatifs seront ensuite complétés par une analyse plus qualitative des effets potentiels d'un futur accord TiSA. Le gouvernement étudiera avec soin le rapport intermédiaire de même que les résultats finaux du rapport global avant de prendre sa décision sur l'opportunité de compléter cette évaluation d'impact par une initiative spécifique à l'économie luxembourgeoise.
Les engagements en matière de traitement national suivent une approche de liste négative alors que ceux en matière d'accès au marché sont énumérés selon le principe d'une liste positivé (tel que préconisé par l'Accord généralisé sur le commerce des services AGCS / GATS).
Le TiSA ne se distingue pas des autres accords de libre-échange que l'UE a conclus à ce stade dans ce sens qu'aucun de ces accords ne peut contraindre les gouvernements à privatiser ou à déréglementer un service public, que ce soit au niveau national ou local. De même, les services fournis dans l'exercice de l'autorité publique sont exclus du champ de négociation. Par conséquent, le droit des Etats de légiférer dans l'intérêt public n'est aucunement remis en cause dans le cadre d'un éventuel accord TiSA. Cet accord reconnaît le droit des Parties à l'accord à réglementer la fourniture de services et à introduire de nouvelles réglementations afin de répondre à des objectifs de politique nationale. Enfin, les standards sociaux, les normes environnementales et la protection des données continueront à être réglés par la législation nationale.
Si la sous-question de l'honorable député se réfère à des cours d'arbitrages privées, il y a lieu de préciser que le TiSA reprend les principales dispositions de l'accord GATS et, par conséquent, il ne traitera pas de la protection des investissements ou d'un mécanisme de règlement des différends entre des investisseurs et des Etats qui puisse remettre en question des décisions prises pas des gouvernements dans l'intérêt public.
Il est vrai que l'initiative de lancer les négociations sur le TiSA a été prise face à la situation de blocages qui entourent les négociations multilatérales à l'Organisation Mondiale du Commerce (CMC). Toutefois, le TiSA ne constituera en aucun cas une alternative à ces pourparlers mais permettra de compléter les efforts déployés au niveau multilatéral à l'OMC. Ainsi, les propositions de texte sur le TiSA prévoient notamment une clause d'adhésion permettant à tout Membre intéressé de l'OMC (qu'il soit industrialisé ou en développement) de s'y joindre. De même, et étant donné que l'architecture du TiSA se fonde sur le GATS, le TiSA pourrait être étendu à l'ensemble de l'OMC à partir du moment où un nombre suffisant de membres de l'OMC participent à ces négociations. L'Union européenne a par ailleurs présenté, au début des négociations, des propositions concrètes en vue d'une telle multilatéralisation future du TiSA.