Le 20 novembre 2012, le Parlement européen réuni en plénière débattait de la situation de la sidérurgie en Europe à l’occasion d’une question orale de l’eurodéputée Amalia Sartori (PPE) à la Commission européenne. Cette dernière a mis sur la table le 10 octobre dernier une communication sur la politique industrielle qui décline une série de mesures à prendre afin de stimuler l’industrie européenne.
Au cours du débat, l’eurodéputée luxembourgeoise Astrid Lulling, qui était intervenue au nom du groupe PPE, avait plaidé pour une politique industrielle européenne digne de ce nom.
Evoquant le "crève-cœur" qu’est pour elle la situation du site de Schifflange, où travaillent aujourd’hui 70 personnes contre 3000 encore dans les années 80’, Astrid Lulling a expliqué se rendre compte des "effets dévastateurs des fermetures de sites sidérurgiques, tant au niveau des emplois que du savoir-faire industriel européen". Dans l’UE, le nombre d'emplois dans ce secteur est passé d'un million dans les années 70 à 369 000 postes en 2012.
Certes, Astrid Lulling, consciente des contraintes auxquelles font face les décideurs économiques en ces temps de crise économique et dans un contexte de "frénésie réglementaire européenne", dit ne pas partager "l'antienne des méchants capitalistes qui ferment les usines pour nourrir des actionnaires déjà trop gras". Mais pour autant, affirme-t-elle, "il est temps pour les politiques de réagir non en formulant des promesses irréalistes, mais en s'engageant sur la voie d'une politique industrielle européenne qui soit digne de ce nom".
"Politique industrielle ne veut certainement pas dire protectionnisme ou fermeture des frontières", a rappelé l’eurodéputée qui est cependant "convaincue que l'Europe ne peut être une passoire en étant un marché ouvert à tous vents". Appelant à suivre l’exemple de "nos principaux partenaires", Astrid Lulling plaide pour que l’UE définisse des "normes minimales pour ne pas rendre exsangue une industrie qui repartira un jour, lorsque la conjoncture s'éclaircira". "Il y a quelque chose d'irrémédiable dans ce qui se passe aujourd'hui", s’inquiète-t-elle avant de conclure qu’une politique industrielle européenne "pourrait parfaitement y remédier sans remettre en cause l'impératif de compétitivité de l'industrie européenne face aux autres parties du monde".
C’est finalement le 13 décembre 2012 que les eurodéputés ont eu à se prononcer sur une résolution non législative faisant suite à ce débat. Le Parlement européen a ainsi adopté un texte proposé par les groupes PPE et S&D par 351 voix pour, 125 contre et 34 abstentions. C’est donc essentiellement avec les voix des deux principaux groupes politiques du Parlement que cet appel à soutenir le secteur sidérurgique a été adressé à la Commission européenne.
Les parlementaires réaffirment dans ce texte l’importance de l’industrie manufacturière et de la sidérurgie pour le rétablissement de l'économie européenne et ils appellent la Commission à mener une réflexion approfondie sur des initiatives à moyen ou long terme pour soutenir et garder la sidérurgie et les secteurs d'aval. La Commission est encore exhortée à accorder une plus grande importance à la politique industrielle, dans le but de restaurer la compétitivité de l'industrie européenne de l'acier sur le marché mondial, en garantissant l'équité des conditions de concurrence tout en assurant des normes élevées en matière sociale et environnementale au sein de l'Union et en œuvrant en faveur de la réciprocité avec les pays tiers.
Dans leur résolution, les eurodéputés rappellent à la Commission que, depuis l'expiration du traité CECA, elle est chargée de traiter les effets économiques et sociaux de l'évolution de la sidérurgie européenne. Aussi, l’invitent-ils à s'appuyer sur l'expérience positive de la CECA et à constituer un organe tripartite - syndicats, industrie et Commission - afin d'œuvrer au développement à venir de la sidérurgie européenne et d'anticiper en consultant et en informant les travailleurs.
La résolution demande à la Commission européenne de prendre en compte l'industrie sidérurgique dans le réexamen actuel des aides d'Etat. La Commission devrait s'assurer que les restructurations et les délocalisations des entreprises sidérurgiques soient menées dans le respect du droit de la concurrence de l'UE et devrait aussi surveiller les éventuels abus de position dominante, soulignent les députés.
Le Parlement invite par ailleurs la Commission à surveiller de près l'évolution des usines situées notamment à Florange, Liège, Rodange, Schifflange ainsi que dans d'autres pays européens, afin de sauvegarder la compétitivité de la sidérurgie européenne et son importance pour l'emploi. Les entreprises qui s'engagent dans des restructurations devraient agir de manière socialement responsable, avec un dialogue social suffisant, estiment les députés.
Les parlementaires accueillent favorablement l'initiative de la Commission d'élaborer, d'ici à juin 2013, un plan d'action européen en faveur de la sidérurgie mais souhaitent que celui-ci soit présenté le plus tôt possible.
Ils invitent également la Commission à reconsidérer sa décision de ne pas étendre, au-delà du 31 décembre 2012, le système de surveillance préalable des importations de certains produits sidérurgiques.
De plus, indiquent les parlementaires, ce plan d'action devrait inclure la mobilisation de tous les instruments disponibles, tels qu'une augmentation des dépenses de recherche, de développement et d'innovation, des investissements ciblés par la Banque européenne d'investissement, une politique active en matière de formation et une éventuelle utilisation d'autres instruments tels que le Fonds social européen et le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation.
Un tel plan d'action devrait également explorer les voies pour lutter contre les prix élevés de l'énergie et des matières premières, ou en atténuer les effets, car ils sont une menace pour la compétitivité de la sidérurgie, est-il encore souligné dans le texte adopté.
Au lendemain du vote, l’OGBL a publié un communiqué de presse saluant la résolution adoptée par le Parlement européen. La résolution du Parlement européen répond en effet en partie aux revendications exprimées par la fédération européenne IndustriAll sur la place stratégique occupée par la sidérurgie dans l’économie européenne, indique le syndicat luxembourgeois.
Le communiqué souligne notamment l’invitation à constituer un organe tripartite, sur base des expériences de la CECA, pour travailler au développement de la sidérurgie européenne. Mais les syndicalistes relèvent aussi que la résolution du Parlement invite également la Commission à contrôler les activités de restructuration actuellement en cours et à surveiller de près l’évolution future des usines situées sur divers sites de production.
L’occasion pour l’OGBL d’inviter le ministre luxembourgeois de l’Economie à remettre à la Commission l’étude réalisée par l’OGBL ainsi que l’audit sur la survie des sites de Rodange et Schifflange afin de permettre un débat public sur le sujet.