Le 12 février 2013, la Commission européenne organise à Bruxelles une table-ronde de haut niveau sur l’avenir de la sidérurgie européenne. Cette plateforme mise sur pied à l’été 2012 et conduite par les commissaires Antonio Tajani, en charge de l’Industrie, et Lasló Andor, en charge des Affaires sociales, doit adopter des recommandations pour soutenir la compétitivité du secteur de l’acier. Ces recommandations portant sur le commerce, les matières premières, les coûts de la législation, l’énergie et l’environnement, la lutte contre le changement climatique, l’emploi ou encore la recherche et le développement devraient servir à la Commission pour rédiger un plan d’actions qu’elle prévoit de mettre sur la table en juin prochain.
La table-ronde doit réunir les représentants de seize Etats membres, les deux commissaires, ainsi que des représentants de l’industrie, parmi lesquels l'association européenne Eurofer, la fédération italienne Federacciai, les entreprises Acerinox, ThyssenKrupp, Celsa Group, Salzgitter AG, ArcelorMittal, Arvedi, Ruukki, Aperam, Tenaris et Gruppo Riva. Des représentants des syndicats de l'acier seront également présents, de même que des représentants du Parlement européen, en la personne de Pervenche Berès (S&D) et d'un membre du cabinet de la présidente de la commission de l'industrie du Parlement européen, Amalia Sartori (PPE).
En marge de cette table ronde, une réunion doit mettre autour de la table les deux commissaires et les ministres en charge de l'Industrie français, Arnaud Montebourg, luxembourgeois, Étienne Schneider, et wallon, Jean-Claude Marcourt, pour une rencontre portant plus spécifiquement sur le géant de la sidérurgie ArcelorMittal. Les ministres belge, français et luxembourgeois avaient demandé fin janvier que Lakshmi Mittal vienne en personne assister à cette réunion afin de leur présenter la stratégie européenne de son groupe.
Quelques jours avant cette journée attendue, le président de la Chambre des députés, Laurent Mosar, avait joint sa voix à celles du président du Conseil Régional de Lorraine, Jean-Pierre Masseret, et du président du Parlement wallon, Patrick Dupriez, pour apporter leur soutien à la démarche de coordination transfrontalière de leurs gouvernements respectifs. "Notre plus vif souhait est que cette démarche traduise concrètement la volonté de nos exécutifs de refuser les logiques de concurrence et de développer a contrario une véritable concertation politique durablement basée sur la coopération et la solidarité", exprimaient les trois représentants dans un communiqué de presse commun. Ils sont en effet tous trois convaincus que "l’enjeu d’aujourd’hui est plus que jamais l’élévation du débat au niveau européen" et qu’il s’agit "de susciter et d’accompagner l’émergence d’une vision et d’une politique sidérurgique ambitieuse résolument européenne".
Ils s’engageaient donc pour leur part à échanger les informations sur leurs travaux parlementaires respectifs à ce sujet et à se concerter sur les suites, éventuellement conjointes, qu’il serait utile de leur donner pour que les élus des différentes assemblées puissent pleinement jouer leur rôle en intégrant leur réflexion à une échelle supra-nationale.
Ils invitaient par ailleurs la Commission en charge des Affaires économiques du Conseil Parlementaire Interrégional (CPI) à approfondir la réflexion sur l’avenir de la sidérurgie dans la Grande Région, telle qu’exprimée dans la recommandation du 2 décembre 2011 qui vise à développer une stratégie politique interrégionale, en se réunissant le plus rapidement possible et en associant exceptionnellement à cette réunion les présidents d’assemblée et les parlementaires européens des régions et états concernés.
De son côté, le groupe des Verts au Parlement européen se saisissait lui aussi du dossier, trois eurodéputés belge, français et luxembourgeois, à savoir Yannick Jadot, Philippe Lamberts et Claude Turmes, cosignant un communiqué des plus alarmistes. Les trois parlementaires membres de la commission de l’Industrie et de l’Energie au Parlement européen ont pu se procurer le document qui doit servir de base aux conclusions de la table ronde du 12 février et ils se disaient "consternés" par les recommandations que s’apprêtait à faire la Commission.
Les trois eurodéputés écologistes dénoncent l’explication qui est donnée le plus souvent des difficultés d’Arcelor, à savoir le manque de compétitivité de ses usines européennes, le coût du travail et de l’énergie ou encore le carcan de la politique climatique européenne. Selon eux, les priorités stratégiques définies par le groupe font peu de place à l’avenir de la sidérurgie européenne et à l’emploi. "La politique d’ArcelorMittal, c’est d’investir dans les secteurs les plus immédiatement rentables, d’obtenir le maximum de subventions publiques et d’exemptions fiscales en mettant les pays européens en concurrence et de s’affranchir de toutes obligations concernant les normes environnementales et sociales", accusent les parlementaires. A leurs yeux, " la sidérurgie doit construire son avenir et sa compétitivité sur la durabilité, l’innovation, la sobriété carbone et les secteurs où la demande d’acier à forte valeur ajoutée va augmenter".
Or, s’insurgent les trois parlementaires, "la réponse portée par le commissaire Tajani (…) valide la stratégie de Mittal : faciliter le racket des fonds européens sans contrepartie, casser les politiques d’innovation et de modernisation, organiser les dérèglementations sociales, environnementales et fiscales pour satisfaire l’appétit financier du groupe". Ils accusent le commissaire Tajani "d’instrumentaliser la crise de la sidérurgie pour tenter de porter un nouveau coup à la politique climatique de l’Union dont pourtant Mittal est un scandaleux bénéficiaire".
Ils appellaient par conséquent les chefs d’Etats des pays concernés à prendre leur responsabilité pour la pérennisation de la sidérurgie européenne. "Dès le 12 février, les ministres européens de l’Industrie présents à Bruxelles doivent sortir du cercle vicieux imposé par Mittal et enfin proposer des solutions à la hauteur des enjeux sociaux, énergétiques et industriels du 21e siècle pour sortir de la crise", lançaient les trois parlementaires.
Mais au matin même de cette journée attendue, le Luxemburger Wort annonçait que Lakshmi Mittal n’assisterait pas personnellement à la réunion. "Selon la porte-parole d'ArcelorMittal Liège, Sabine Liuc, il y sera représenté par le chief executive officee Flat Carbon Europe, Robrecht Himpe, l'interlocuteur habituel d'ArcelorMittal auprès des instances européennes", indiquait le quotidien luxembourgeois.
Une information confirmée vers midi sur les ondes de RTL Radio Lëtzebuerg par le Premier ministre Jean-Claude Juncker en visite officielle à Paris, où il devait s’entretenir avec le président de la République, François Hollande, et le Premier ministre Jean-Marc Ayrault.
"Il y a entre la France et le Luxembourg une solidarité de fait au niveau du bassin sidérurgique", rappelle le Premier ministre luxembourgeois qui rapporte que, bien "évidemment", il a été question à Paris de "l’avenir de la sidérurgie européenne". Un sujet sur lequel les deux gouvernements ont des échanges réguliers.
"Il eût été plus facile de dialoguer avec Lakshmi Mittal s’il s’était rendu au rendez-vous", constate Jean-Claude Juncker selon qui, "en règle générale lorsque trois gouvernements se réunissent pour parler d’une entreprise, il est quelque peu inconvenant que le principal propriétaire de cette entreprise ne soit pas présent". "Mais on le verra parce qu’on le trouvera", a-t-il aussi assuré.