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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
La Chambre de Commerce estime que le Programme de stabilité et de croissance du Luxembourg pour 2013-2016 "manque d’ambition et de réalisme"
24-05-2013


Chambre de Commerce du Luxembourg : www.cc.luLe 24 mai 2013, à quelques jours des recommandations de la Commission, la Chambre de Commerce (CCL) a rendu publique sa position à l’égard du Programme de stabilité et de croissance (PSC) et du Programme national de réformes (PNR) que le gouvernement avait présentés le 24 avril dernier. Ces programmes, élaborés dans le cadre du semestre européen, livrent, sur la base d’un ensemble d’hypothèses, la trajectoire des finances publiques pour la période 2013-2016. La Commission européenne y réagira à travers son projet de recommandations qui sera publié le 29 mai prochain. Le Conseil de l’UE examinera ce projet et arrêtera des recommandations par pays, qui seront ensuite présentées au Conseil européen pour approbation.

La Chambre de Commerce juge le nouveau cadre de la gouvernance européenne dans lequel cet exercice s’insère "complexe", "peu contraignant", "peu lisible", mais néanmoins"nécessaire". Elle est par contre moins en phase avec les analyses que le gouvernement a faites de la situation économique, et encore moins avec ses hypothèses pour 2013 et 2014-2016 et les conséquences qu’il en a tirées.

La CCL conteste les hypothèses de scénario économique  du gouvernement

Après une année 2012 marquée par une "croissance en berne", un chômage et une dette publique en hausse, le programme de stabilité retient, souligne la Chambre de Commerce, "une hypothèse de croissance de 1 % en 2013". Pour elle, cette hypothèse de croissance "est résolument optimiste eu égard aux perspectives de croissance des principaux partenaires du Luxembourg (0 % pour la Belgique, -0,1 % pour la France, 0,4 % pour l’Allemagne d’après les récentes prévisions de printemps de la Commission européenne". Par ailleurs, depuis janvier 2013, le chômage continue de monter, marqué par ce que la CCL appelle "la nature largement structurelle du sous-emploi résident".La confiance des consommateurs est en-dessous de sa moyenne historique. Le secteur financier montre peu de dynamisme et les secteurs de l’industrie et de la construction font face à des difficultés. Le déficit budgétaire sera de 0,7 % et la dette publique passera de 20,8 à 23,8 %.

La CCL conteste les hypothèses de croissance du gouvernement de 1,6 % en 2014, 1,7 % en 2015 et 3,4 % en 2016. Celles-ci se basent sur un scénario qui prévoit une stabilisation de la crise de la dette souveraine dans la zone euro, une forte reprise de la demande adressée au Luxembourg et "la capacité de l’économie luxembourgeoise à résorber l’écart de production concomitant à la crise". L’écart de production désigne, explique la CCL, l’écart entre la production effective d’une économie (PIB) et le niveau de production que celle-ci peut atteindre compte tenu de la main d’œuvre, du capital et de la technologie dont elle dispose, sans créer de tensions inflationnistes (PIB potentiel). La CCL marque ici son scepticisme : "Le scénario économique à moyen terme du programme de stabilité repose sur l’idée que la croissance effective sera supérieure à la croissance potentielle entre 2014 et 2016 de telle sorte que l’écart de production ne soit que de 0,6 % en 2016. Cela résulte du fait qu’avec la crise économique, le taux de croissance potentielle de l’économie luxembourgeoise ne s’élève plus qu’à 1,6 % (contre 3,5 %-4 % au début des années 2000)."

Et finalement elle pose la question : "Les taux de croissance sur lesquels s’appuie le programme de stabilité ne sont-ils pas entachés d’un biais optimiste ? En guise d’illustration, les prévisions de croissance à un an des précédents programmes ont été surestimées en moyenne de 0,6 %." Car le pays sera soumis en 2015 à un triple choc : le passage à l’échange automatique d’informations dont on ne connaît pas l’impact sur la place financière, la perte de recettes liées à la TVA sur l’e-commerce et la hausse annoncée de la TVA dont on ne connaît pas l’impact sur l’économie.

La situation des finances publiques pose donc problème. La CCL constate que celles-ci devraient légèrement s’améliorer en 2014 avec un déficit public de 0,6 % du PIB, pour ensuite se détériorer "très largement". Avec le recul massif à partir du 1er janvier 2015 des recettes provenant de l’e-commerce qui ne seront plus affectées aux budgets en vertu du principe de résidence de prestataire de service, mais en vertu du principe de résidence du consommateur - une perte de recettes équivalant à 1,4 % du PIB par an -  le déficit public sera de 1,3 % du PIB en 2015 et 2016. Le gouvernement prévoit donc un solde structurel négatif de -1,1 % du PIB en 2016, "soit un écart de 1,6 point par rapport à l’objectif budgétaire à moyen terme du Luxembourg" censé être à +  0.5 %. Conséquence : la dette publique passerait de 25,9 % en 2014 à 27,9 % en 2016. Pour la CCL, 2016 serait donc "la huitième année où les dépenses des administrations publiques seront supérieures aux recettes", et elle se demande s’il "ne faudrait pas instaurer une règle contraignante sur l’évolution des dépenses publiques dans le cadre de la réforme  budgétaire à venir".

Comment la crise est maîtrisée chez les autres selon la CCL

Pour la CCL, la crise de l’euro perdure, et elle a donc scruté les réformes structurelles que d’autres pays de la zone euro ont adoptées pour s’en sortir.

Elle cite surtout en exemple les pays à programmes. L’Irlande est citée pour le gel des embauches dans la fonction publique, la baisse du salaire minimum, la baisse des dépenses publiques, le renforcement de la concurrence et le renforcement des dépenses de R&D. L’Espagne est mise en exergue pour le gel des salaires des fonctionnaires, l’inscription de l’équilibre structurel dans la constitution, la limitation de l’augmentation des dépenses publiques au taux de croissance inscrite dans une loi organique, le durcissement des conditions de départ en préretraite. Le Portugal est cité quant à lui pour la réduction du nombre de fonctionnaires, le gel du salaire des fonctionnaires sur 4 ans, la suppression du 13e et 14e mois pour les fonctionnaires et la réduction de 20 % des allocations du revenu social d’insertion (RSI). La Grèce n’est citée que dans un contexte plus large, lorsque la CCL veut montrer que dans tous ces pays, le coût salarial unitaire (CSU) a baissé fortement depuis 2009, alors qu’au Luxembourg, il a continué à augmenter. Il faut savoir que cette notion de CSU nominal qui devenue un indicateur de l'UE est loin de faire l'unanimité parmi les partenaires sociaux.

Les pays voisins sont eux aussi cités : la France avec le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, les programmes ministériels de modernisation et de simplification de la fonction publique, l’engagement à réduire de 3 points de PIB la dépense publique entre 2012 et 2017. Pour l’Allemagne, la CCL met en exergue la libéralisation des réseaux (Telekom, Post...), les réformes dites Hartz associées à l’incitation à l’emploi, la suppression progressive de plusieurs possibilités de retraite anticipée et la nouvelle règle budgétaire. La Belgique est citée pour ses Plans emploi pour les travailleurs âgés ou pour les jeunes, sa réforme du système de retraite anticipée et la réforme du système d’allocation chômage.

Tous ces pays, constate la CCL, ont réduit leur déficit public, alors que le Luxembourg creuse le sien. Elle parle "d’immobilisme luxembourgeois" et se demande si le pays, qui était "premier de la classe", ne risque pas de devenir "le dernier de la classe". Car l’évolution de l’emploi non-marchand ne lui semble plus maîtrisée. Elle vise surtout l’évolution des prestations sociales autres que les transferts sociaux, les prestations sociales en nature et les rémunérations, dont la croissance est plus rapide que celle du PIB, et dont elle revendique un "meilleur ciblage". 

Les propositions de la CCL

La CCL propose donc d’accélérer la mise en œuvre des mesures visant à freiner les dépenses liées à l’âge et accroître le taux de participation des travailleurs âgés, car, selon elle, la réforme des retraites est basée sur des hypothèses déjà obsolètes. Elle veut également que le système de négociation et d’indexation des salaires soit réformé, et exige de nouveau, comme l’UEL et la FEDIL, la désindexation générale de l’économie, seul moyen selon les fédérations patronales de rétablir la compétitivité de l’économie luxembourgeoise.

La CCL reproche aussi au gouvernement de vouloir attendre les élections législatives de 2014 avant de présenter "un plan d’assainissement budgétaire crédible et ambitieux" qui lui permettrait "d’atteindre l’objectif budgétaire et stabiliser la dette dès 2015". Elle exige une "réforme du cadre budgétaire conformément au TSCG" et veut que soit lancé un "grand audit des dépenses publiques".

Par ailleurs, elle demande, dans la droite ligne de ce qu’a prôné le ministre de l’Economie dans le PNR et lors du débat sur la compétitivité à la Chambre des députés, la simplification administrative, l’assouplissement des formalités requises pour créer une entreprise et la création de règles qui facilitent la reprise et la transmission d’entreprises. S’y ajoutent la lutte contre l’échec scolaire et le soutien à l’innovation et à la R&D. De même, la  CCL veut que l’effort d’investissement public soit maintenu à un niveau élevé.