Le 25 septembre 2013, le Bureau d’information du Parlement européen au Luxembourg, la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg et le Mouvement européen Luxembourg, consacraient un de leurs traditionnels Midis de l’Europe aux droits des citoyens européens. A l’occasion des 20 ans de la Citoyenneté européenne, par la signature du traité de Maastricht, et dans le cadre de l'Année européenne du Citoyen, Nathalie Stockwell, membre de la Direction générale Justice – Unité citoyenneté de l'Union et libre circulation, est venue évoquer le contenu et les objectifs du Rapport 2013 sur la citoyenneté européenne, publiée le 8 mai 2013 et dont elle fut coordinatrice. Le Représentant de la Commission européenne au Luxembourg, Georges Bingen, a rappelé que cette conférence s’inscrivait notamment à la suite d’une table ronde tenue au Carré Rotondes le 8 avril 2013 sur les instruments de participation à l’Union européenne et d’un débat avec les citoyens qui s’est déroulé à la Rockhal de Belval le 30 juin 2013.
Nathalie Stockwell a d’abord rappelé que c’est le traité de Maastricht, par son article 20, qui a introduit la citoyenneté européenne. Mais s’il la "codifie", il ne la définit "pas comme une citoyenneté autonome" mais comme "additionnelle" à la nationalité des Etats membres. Avant ce texte, l’UE s’intéressait au citoyen en tant qu’"acteur économique". L’idée était de donner "une dimension politique à l’Union". On rattache au traité de Maastricht la libre circulation, les droits politiques de participer aux élections municipales et européennes, le droit de pétition au Parlement, le droit de se plaindre auprès de la Commission…etc.
Le rapport sur la citoyenneté européenne, dont l’édition 2013 est le deuxième du nom, a justement pour vocation de "combler les lacunes entre les beaux principes du traité et la pratique", a expliqué Nathalie Stockwell, lui attribuant aussi par la suite la vocation à "susciter le débat" et à "montrer de manière critique que la citoyenneté n’est pas un concept vide et qu'elle apporte des bénéfices dans le quotidien des citoyens".
La première étape fut de lancer une grande consultation publique, le 9 mai 2012, et de dédier des enquêtes Eurobaromètre pour sonder de la manière dont les citoyens vivent la citoyenneté européenne. Le rapport final, publié un an et un jour plus tard, esquisse une série d’actions à mettre en œuvre pour pallier aux manquements constatés mais aussi faire le bilan des vingt-cinq actions qui avaient été définies dans le premier rapport de 2010.
Toutes sauf trois de ces dernières ont été mises en œuvre. La déclaration de l’année 2013 comme Année européenne du citoyen comptait parmi ces initiatives. Parmi les plus récemment mises en place, figure la facilitation de la circulation des documents publics entre les Etats membres. Cette décision prise en avril 2013 devrait à terme libérer entreprises et citoyens de 330 millions d’euros en formalités administratives, en plus d'un gain de temps conséquent. En juillet 2013, la Commission européenne a également adopté une proposition de modification de la directive sur les voyages à forfait afin de renforcer le droit des consommateurs de ce genre de produits, a ajouté la conférencière.
A plusieurs reprises, la conférencière a expliqué que ce rapport sur la citoyenneté européenne n’était pas à prendre pour ce qu’il n’est pas. "Le rapport citoyenneté n’est pas un document qui vise à résoudre la crise. C’est parfois le reproche qu’on nous fait. Mais c’est une approche pragmatique basée sur l’expérience des citoyens, pour donner l’impression aux citoyens que l’UE fonctionne", a-t-elle dit.
Ainsi la grande majorité des douze actions énoncées au titre du Rapport 2013 concernent des obstacles concrets que des citoyens européens vivent au quotidien. Ils concernent notamment la portabilité des indemnités de chômage que la Commission songe à porter à plus de trois mois, elle qui, comme elle l’a déjà expliqué le 26 avril 2013, estime que la résorption du chômage peut passer par la mobilité.
La Commission veut également définir des normes de qualité pour les stages. "Les stagiaires n’ont souvent pas de contrat, ne savent pas quel sera le contenu du job avant de commencer et pas d’attestation en sortant", explique la conférencière. La Commission fera des recommandations en ce sens avant la fin de l’année, les partenaires sociaux ayant, selon Nathalie Stockwell, refuser de s’attaquer à ce sujet. "Il faut que les stages soient un tremplin et non pas un frein à l’emploi", a-t-elle dit.
La Commission européenne réfléchit à relever de 2000 à 25 000 euros le plafond au-dessus duquel un litige transfrontalier peut être réglé par la voie de la procédure pour les petits litiges. On compte aussi parmi les actions à mener par la Commission européenne la reconnaissance des certificats de contrôle technique des automobiles.
Une des grandes ambitions de la Commission européenne en termes de droits des citoyens consiste à renforcer leur participation aux élections. Le 12 mars 2013, la Commission européenne a adopté une recommandation sur le renforcement de la conduite démocratique et efficace des élections au Parlement européen, afin de remédier à la participation en chute aux élections européennes.
Cette recommandation propose que les partis nationaux affichent leur affiliation à leur famille européenne, fassent connaître leur candidat à la présidence de la Commission et leur programme. Il s’agit d’obtenir "des visages et des clivages" pour donner l’envie de voter, résume Nathalie Stockwell. Or, le Parlement a suivi la Commission dans ce sens en adoptant une résolution le 4 juillet 2013, allant jusqu’à proposer un débat public, éventuellement télévisé, entre candidats à la présidence de la Commisison européenne.
Pour sa part, le rapport 2013 sur la citoyenneté européenne propose parmi douze nouvelles actions à mener durant les trois prochaines années, le développement d’un espace public et d’ub débat européens. La conférencière rappelle que le président de la Commission José Manuel Barroso, dans son état de l’Union, le 11 septembre 2013, l’avait évoqué. "Il est temps de dépasser les enjeux purement nationaux et les intérêts particuliers et de faire réellement progresser l’Europe. De donner une dimension véritablement européenne au débat avec les électorats nationaux", avait-il dit en effet.
"Les médias nationaux présentent les élections européennes pour une audience nationale, d’un point de vue national", déplore Nathalie Stockwell. Une des idées consiste à utiliser les médias existants comme Euronews pour "raviver la dimension européenne des débats", les enquêtes d’opinion ayant démontré que le moyen d’information privilégié des citoyens européens reste la télévision. Elle souligne par ailleurs que l’Initiative citoyenne européenne (ICE) avait aussi été pensée pour créer un débat européen.
L’autre action consiste à trouver des moyens de permettre aux citoyens de l’Union de conserver leur droit de vote aux élections nationales dans leur pays d’origine. Cinq Etats membres ne le permettent en effet pas. "En faisant usage de leur droit fondamental à la libre circulation, ils perdent leur droit fondamental de voter dans leur pays d’origine", regrette Nathalie Stockwell. Une recommandation en ce sens sera adoptée avant la fin de l’année.
La conférencière a également évoqué les réflexions de la Commission sur la création d'un nouveau droit permettant de voter aux élections nationales et régionales du pays de résidence. Ce serait "aller un peu dans le sens de la Cour de Justice de l’UE qui est assez pionnière en matière de citoyenneté car le traité reste assez vague, mais la CJUE, dans tous les arrêts liés à la citoyenneté de l’Union, dit qu’elle a vocation à devenir le statut fondamental de tous les ressortissants des Etats membres", fait-elle remarquer. "Dans pas mal de jurisprudences assez récentes, elle propulse la citoyenneté de l’Union au-delà du seul statut d’acteur économique."
Durant la séance de questions réponses, la conférencière a notamment été interpellée par , Nicolas Delaby, responsable pour Luxembourg de l’initiative citoyenne européenne Let me vote, laquelle propose justement d’accorder aux citoyens européens ce droit de vote aux élections nationales et régionales dans leur pays de résidence. L’ICE n’a pour l’heure réuni que 2000 signatures en six mois, dont 200 au Luxembourg. Les expériences faites durant le démarchage a montré à ce militant que seulement peu de gens connaissent l’existence de l’ICE et la Charte des droits fondamentaux. Il a ainsi remis en question l’efficacité des moyens de communication mis en œuvre par la Commission.
"On s’est rendu compte dans les différentes consultations que ce n’était pas tant le fait que les citoyens européens ne connaissent pas leurs droits, comme celui de la libre circulation que 8 citoyens sur 10 connaissent, mais là où on voit les lacunes, c’est dans ce qu'on peut en faire concrètement. Tout ce qu’on fera au niveau de la Commission sera insuffisant si ce n’est pas relayé au niveau régional et national. On a besoin de relais d’informations", a rétorqué Nathalie Stockwell. D'ailleurs, une des douze actions du Rapport 2013 consiste à s'assurer que les autorités locales, premiers interlocuteurs des citoyens européens dans un Etat membre étranger, puissent dispenser des informations précises et détaillées. "Quand ça coince c’est aussi du fait de la mauvaise connaissance par les autorités locales des droits du citoyen et donc qu’ils les appliquent mal", avait-elle dit à ce sujet un peu plus tôt.