A l’occasion de son comité central qui a réuni, le 1er juillet 2014, les responsables de l’OGBL afin de faire le point sur l’actualité économique et sociale luxembourgeoise, plusieurs sujets à dimension européenne ont fait l’objet de prises de positions du syndicat indépendant.
Lors de la conférence de presse organisée à l’issue de la réunion, le président de l’OGBL, Jean-Claude Reding, a commencé par revenir sur le sujet de l’indexation automatique des salaires et pensions, un thème qui a fait l’objet d’une proposition du gouvernement le 26 juin. Le Premier ministre luxembourgeois, Xavier Bettel, a en effet annoncé aux partenaires sociaux un retour du système à la normale dès 2015, à savoir une revalorisation salariale de 2,5 % lorsque l’inflation (donc les prix à la consommation) augmente d'autant pendant le semestre précédent.
Une décision saluée comme "un signal positif qui tient compte du contexte économique" par Jean-Claude Reding qui s’est félicité du fait que la loi qui avait "plafonné" l’index au versement d’une unique tranche par an et qui arrive à échéance en octobre 2014 ne soit simplement pas renouvelée. "L’OGBL peut donc soutenir cette proposition qui consiste à dire qu’on ne touche pas au système et qu’on évaluera la moyenne des cinq prochaines années. Si on devait être au-dessus des objectifs, c’est-à-dire au-delà de 2,5 % d’inflation, alors il faudra s’assoir à la table et de discuter sur ce qu’il y a moyen de faire", explique le président du syndicat.
La Garantie pour la jeunesse a été un autre sujet abordé lors du comité central de l’OGBL. S’il considère l’idée d’une telle garantie comme positive, Jean-Claude Reding estime que de nombreuses questions restent en suspens. L’OGBL considère notamment qu’il importe que les mesures proposées aux jeunes soient "de qualité" et qu’il ne s’agit pas de proposer des contrats pour lesquels "il n’y a pas de véritable travail derrière".
"Nous pensons également qu’il s’agit d’assurer le suivi de ces jeunes, il ne s’agit pas juste de faire baisser des statistiques", juge encore Jean-Claude Reding. Le syndicat souligne dans ce contexte "le besoin" d’un encadrement légal pour les stages en entreprises, "qui doivent être rémunérés, y compris lors de formations", appuie encore le président de l’OGBL.
Enfin, le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TAFTA ou TTIP) négocié entre l’UE et les USA a également été abordé lors du comité central. Le président de l’OGBL a salué dans ce cadre une entrevue organisée le 27 juin entre la Plateforme luxembourgeoise d'ONG et de syndicats, dont est membre l'OGBL, et le gouvernement. Jean-Claude Reding s’est notamment félicité de la participation d’une majorité des membres du gouvernement à cette réunion, ce qui témoigne selon lui de "l’intérêt" que porte le gouvernement sur ce sujet.
Cette rencontre aura notamment permis de constater une "divergence fondamentale" entre le gouvernement et le syndicat. Ce dernier est d’avis que le mandat de négociation octroyé à la Commission européenne par les Etats membres est "trop large et dangereux" et qu’il faudrait dès lors stopper les négociations le temps de "le redéfinir", ce que le gouvernement juge impossible selon Jean-Claude Reding, tout en se disant prêt à exclure d’autres sujets du futur accord.
C’est notamment le cas du mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et Etats (RDIE ou ISDS en anglais) au sujet duquel le gouvernement a envoyé une lettre à la Commission européenne pour exprimer sa préoccupation, tout comme une série d’autres pays, selon le syndicat. L’OGBL rappelle dans ce contexte son inquiétude vis-à-vis du mécanisme de tribunal arbitral inclus dans un tel système de règlement des différends, ce genre de tribunaux ayant notamment fait condamné l’Allemagne à payer "entre 3 et 4 milliards d’euros" de compensation à l’entreprise suédoise active dans le nucléaire Vattenfall, pour avoir abandonné la production nucléaire et ainsi compromis les investissements du producteur énergétique, rappelle Jean-Claude Reding, qui y voit un dangereux précédent.
Dans une telle hypothèse au Luxembourg, le pays devrait "immédiatement capituler" avant même un tel procès, juge Jean-Claude Reding selon lequel ce serait le cas de tous les petits Etats membres. En outre le président de l’OGBL souligne le caractère "injuste" de cette procédure accessible aux investisseurs étrangers mais non aux nationaux.
Autre point important selon le président Reding, le fait que le mandat confié à la Commission européenne prévoie une forme de contrôle réciproque sur l’évolution future des normes. "Si les normes devaient évoluer chez l’un des deux partenaires, par exemple en vue d’améliorer des normes de santé, il faudrait l’accord de l’autre", dit-il.
Jean-Claude Reding s’est par ailleurs étonné que le mandat de négociation prévoie, pour ce qui est des services financiers, de les libéraliser encore davantage, cela alors que l’UE vient difficilement de se doter d’une Union bancaire introduisant une supervision et des règles plus strictes. Mais de relever que les USA ayant exclu ce sujet des négociations, il ne sera pas abordé. "Ce qui montre le poids de chacun dans la négociation", a encore noté le président de l’OGBL.
Sur les services publics, le président de l’OGBL n’a pas non plus caché son inquiétude. "On nous dit qu’ils sont exclus des négociations, mais cela est fait via une liste négative, en disant par exemple ‘l’éducation reste en dehors’. Le problème est qu’en fermant cette liste, on ferme la porte à des services qui pourraient devenir publics ou le redevenir", notamment l’eau ou l’énergie, a-t-il estimé. Il juge ainsi qu’il s’agit d’un sujet complexe qui mérite d’être discuté en détail, d’autant plus que "le traité de Lisbonne est flou sur ce qui est de la définition des services publics".
Sur la question des droits sociaux et des marchés publics, Jean-Claude Reding a exprimé ses doutes quant à l’intérêt de l’accès aux marchés publics américains pour les entreprises européennes, un thème central dans les négociations selon la Commission européenne. Il estime par ailleurs que dans le sens inverse, il serait certainement plus judicieux, pour le respect de critères sociaux et de durabilité notamment, de recourir à des entreprises plus proches géographiquement dans le cadre de contrats pour des marchés publics européens.
Enfin, l’OGBL a annoncé sa décision de participer au lancement d’une pétition au niveau européen afin de faire de la thématique de l’arrêt de ces négociations de libre-échange et de la révision du mandat le sujet central d’une initiative citoyenne européenne (ICE), ce qui permettra notamment d’organiser une large campagne de sensibilisation sur le sujet. Ce projet est déjà porté par des ONG et des syndicats dans une douzaine d’Etats membres, a encore souligné Jean-Claude Reding.
De son côté, la Confédération européenne des syndicats (CES), dont l’OGBL est membre, rappelle dans une prise de position diffusée le 1er juillet 2014 qu’elle "est radicalement opposée à l’inclusion d’un RDIE dans le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement". Le communiqué diffusé par la CES fait ainsi état du courrier transmis le 25 juin par la secrétaire générale de la CES, Bernadette Ségol, au commissaire européen en charge du commerce, Karel De Gucht, responsable des négociations sur le TTIP du côté de l’UE, en réponse à la consultation publique lancée par la Commission européenne sur le sujet face aux craintes de plus en plus pesantes soulevées par la société civile sur ce sujet.
Dans cette lettre, qui résume la réponse officielle de la CES à la consultation de la Commission européenne, Bernadette Ségol souligne notamment que les syndicalistes sont "particulièrement inquiets face aux déclarations de la DG Commerce laissant entendre que la consultation concerne une réforme du système de RDIE et ne peut déboucher sur un rejet définitif". Et de rappeler que "le RDIE crée un système de protection juridique qui ne concerne que les seuls investisseurs étrangers".
Dès lors et "par définition, ce système supplémentaire accorde aux entreprises étrangères des avantages qui ne sont pas donnés aux entreprises nationales. C’est une discrimination vis-à-vis de ces dernières. Le RDIE déstabilise le système juridique national car des mesures publiques peuvent faire l’objet de deux appréciations juridiques divergentes", poursuit la Confédération syndicale européenne.
La CES demande en conséquence l’exclusion d’un tel mécanisme d’un futur accord, et demande également que la question du RDIE dans l’accord commercial UE-Canada "soit gelée au moins jusqu’à ce qu’elle soit résolue" dans le TTIP.