Après le rejet le 8 octobre 2014 par le Parlement européen de la candidate slovène Alenka Bratusek, ancienne Première ministre, au poste de vice-présidente de la Commission européenne et de commissaire en charge de l’Union de l’énergie, le gouvernement slovène a proposé sa vice-Première ministre chargée du développement, Violeta Bulc, une libérale, comme membre de la Commission. Après une rencontre avec Violeta Bulc, le président élu de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a donné son assentiment à cette candidature et a annoncé son intention de lui attribuer le portefeuille des transports, destiné lors des premières auditions au Slovaque Maroš Šefčovič, qui avait passé avec succès son audition au Parlement européen pour assumer ce portefeuille. Ce dernier s’est vu confier le portefeuille de la Vice-présidence pour l’Union de l’énergie.
Le 20 octobre 2014, les deux commissaires désignés ont été auditionnés par le Parlement européen. Bien que novice en politique, Violeta Bulc semble avoir convaincu et a reçu le 21 octobre 2014 le feu vert du Parlement européen.
Violeta Bulc, née en 1964, est une spécialiste de l’informatique et des télécommunications qu’elle a enseignées à l’Université et pratiquées comme cadre dirigeant dans l’économie privée, mais une néophyte en politique. Avant sa désignation, elle avait été ministre pendant à peine trois semaines. Mais, a-t-elle expliqué aux députés européens dans sa réponse écrite à leurs questions, "en tant que femme d’affaires, j’ai dédié une grande partie de mon temps à des activités publiques et pour la communauté", et lors de l’audition elle a admis "ne pas être une femme politique dans le sens classique du terme". Membre du conseil d’administration de l’association slovène des chefs d’entreprise, elle dit "avoir fait de nombreuses propositions et recommandations au gouvernement slovène en matière de décisions économiques". Elle se considère comme une chercheuse, une personne "poussée par le désir de trouver des solutions" qui soient de préférence "innovantes". A part sa langue maternelle et le serbo-croate, elle ne parle que l’anglais.
Dans ses réponses écrites, elle décline les grands axes de son mandat. Le cadre est fourni par le Livre blanc de la Commission européenne sur les transports de mars 2011. En premier lieu figure l’adoption du 4e paquet ferroviaire et l’achèvement du ciel unique européen, des dossiers qui rencontrent de nombreuses oppositions, notamment dans le domaine social. Elle vise "un espace européen unique des transports qui assure à tous les modes de transports la possibilité d’opérer à travers l’UE sans être limités par des obstacles nationaux", notamment dans le domaine du rail. L’ouverture des marchés n’est pas pour elle "une fin en soi", mais il s’agit d’induire de la croissance et des emplois à travers une meilleure logistique. Mais, a-t-elle insisté, "pour ceux qui travaillent dans le secteur des transports, les conditions de travail doivent être équitables", notamment dans le secteur des transports routiers, et que le dumping social ne soit plus permis.
Violeta Bulc veut miser sur la modernisation des infrastructures de transports dans l’UE. Elle a évoqué le nouveau Mécanisme pour l'interconnexion en Europe (MIE) ainsi que les lignes directrices du développement du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T) adoptés en novembre 2013 par le Parlement européen. Ce programme initialement doté de 50 milliards d’euros lors de son annonce par la Commission en octobre 2011, mais qui n’est plus doté que de 29,3 milliards d'euros, veut améliorer les connexions transfrontalières, éliminer les goulets d'étranglement et compléter les réseaux, notamment par des corridors multimodaux et des corridors ferroviaires dits ERTMS, parce que dotés du système européen de signalisation et de gestion du trafic ferroviaire à l’image du corridor Fret 2 qui traverse le Luxembourg.Un autre aspect sera la promotion de systèmes de transports intelligents, dont l’ERTMS, mais aussi les systèmes de transport intelligents pour le transport routier (ITS), les services d'information fluviale (RIS), le système d'information maritime de l'UE (SSN) et le système d'identification et de suivi des navires à grande distance (LRIT). De même, la commissaire désignée voudrait que les programmes satellitaires Galileo et EGNOS tiennent compte des besoins en matière de transports.
La mobilité urbaine durable a été un autre sujet que la commissaire désignée a abordé sous l’angle du développement des "smart cities", de la mise en place d’alternatives à la voiture privée, de la promotion des déplacements non-motorisés et de la qualité des transports publics. Violeta Bulc a mis en exergue dans ce contexte les obligations de service public, des aspects sociaux, les questions de sécurité et l’accès non-discriminatoire de tous les citoyens à la mobilité, y compris celui des personnes à mobilité réduite. "La qualité des transports dépend également de l’application effective des droits des passagers", a-t-elle déclaré, signalant qu’elle examinerait les problèmes dans ce domaine pour y remédier, dont l’adoption rapide de la révision des droits des passagers aériens.
Un autre aspect de sa politique sera la compatibilité des transports avec les objectifs climatiques et environnementaux de l’UE. La croissance dans le secteur des transports devra selon Violeta Bulc de même être de nature durable dans un contexte de rareté progressive du pétrole, de dépendance des importations de pays tiers, de congestions du trafic et de réduction des émissions des gaz à effet de serre. Les carburants alternatifs, les technologies des transports, la politique urbaine et la logistique seront dans sa mire tout comme l’équilibre entre les différents modes de transport et la diversification des sources d’énergie dans le secteur.
Autre aspect de sa démarche : l’application du principe de pollueur-payeur dans le domaine des politiques de transport. L’Eurovignette en fait partie, mais aussi les réflexions menées par différents gouvernements d’Etats membres pour introduire des péages routiers sous différentes formes. La tâche de la Commission sera dans ce contexte où les décisions relèvent de la compétence des Etats membres "d’offrir une orientation de l’UE qui permette d’éviter des systèmes incompatibles avec sa législation et d’écarter toute discrimination entre utilisateurs".
Les réactions des deux plus grands groupes politiques du Parlement européen, le PPE et le S&D, ont été assez positives à l’encontre de la candidate issue des rangs des libéraux, ces derniers se voyant après l’échec d’Alenka Bratusek privés d’une vice-présidence qui ira aux sociaux-démocrates, satisfaits.
Pour le PPE, Violeta Bulc est considérée "comme capable d’assumer la charge de commissaire européen, mais elle devra étendre aussi vite que possible ses connaissances acquises en quatre jours seulement sur la politique des transports de l’UE". Le coordinateur du PPE pour le domaine des transports, Wim van de Camp, a estimé que la prestation de Violeta Bulc à l’audition a été "solide", notamment lorsqu’elle a exprimé ses opinions en étant fortement en faveur d’investissements et aussi fortement opposée au dumping social. Le député européen luxembourgeois du PPE, Georges Bach, a abondé dans le même sens.
Le S&D voudrait quant à lui que Violeta Bulc modernise les transports et défende les droits des travailleurs à l’instar des engagements pris par le social-démocrate Maroš Šefčovič, qui avait été présumé en premier lieu pour le poste attribué ensuite à la ministre slovène. Pour le député S&D Ismail Ertug, porte-parole pour les transports de son groupe, elle devra mettre l’accent sur les investissements et promouvoir un paquet social dans le secteur des transports, car "il ne peut y avoir de libéralisation dans le domaine des transports routiers de marchandises si l’on n’assure pas en même temps des conditions de travail sûres et des droits aux conducteurs".