Dans le cadre de l’examen annuel de la croissance de l’UE 2015 qui lance le processus du Semestre européen 2015, la Commission européenne a présenté, le 28 novembre 2014, son évaluation des projets de plans budgétaires 2015 de 16 pays de la zone euro, axée spécifiquement sur leur conformité avec les dispositions du pacte de stabilité et de croissance (PSC), qui vise à garantir des finances publiques saines dans l'UE.
Il ressort de cette évaluation que cinq projets de budgets, dont celui du Luxembourg, sont conformes au pacte, que quatre le sont globalement et que sept présentent un risque de non-conformité. Tous les pays de la zone euro devaient présenter leur projet de plan budgétaire, à l'exception de la Grèce et de Chypre, qui font actuellement l'objet d'un programme d'ajustement économique.
Après un premier exercice du genre en 2013, il s’agit de la deuxième fois que la Commission évalue les projets de plans budgétaires des Etats membres de la zone euro, qui présentent les principaux aspects de la situation budgétaire de l'administration centrale et de ses sous-secteurs pour l'année à venir. Ce processus résulte de la législation qui vise à améliorer la coordination des politiques économiques et budgétaires dans la zone euro ("two-pack"), entrée en vigueur en mai 2013. A ce titre, tous les Etats membres de la zone euro ne relevant pas d’un programme d’ajustement macroéconomique devaient soumettre leur projet de plan budgétaire le 15 octobre au plus tard. En cas de non-conformité, la Commission peut demander à l’Etat membre concerné un projet révisé de plan budgétaire, possibilité à laquelle elle n’a pas eu recours jusqu’ici.
A la fin du mois d’octobre dernier, peu avant l’entrée en fonction de sa nouvelle équipe, la Commission avait déjà estimé qu'aucun des projets de plans budgétaires 2015 ne présentait de "manquements particulièrement graves" aux dispositions du PSC, tout en reportant à la fin du mois de novembre des avis plus détaillés.
Selon les évaluations de la Commission, cinq pays (Allemagne, Irlande, Luxembourg, Pays-Bas, Slovaquie) ont présenté un projet de plan budgétaire conforme aux dispositions du pacte et quatre (Estonie, Lettonie, Slovénie, Finlande) ont présenté un projet globalement conforme.
La Commission estime en revanche que les projets de plans budgétaires de sept pays (Belgique, Espagne, France, Italie, Malte, Autriche, Portugal) présentent un risque de non-conformité. Elle "invite donc ces deux derniers groupes de pays à prendre, dans le cadre de leur procédure budgétaire nationale, les mesures nécessaires pour garantir la conformité de leur budget 2015 avec le pacte de stabilité et de croissance", lit-on dans un communiqué diffusé par la Commission.
Si la Commission précise encore que "dans certains cas, le risque de non-conformité implique d'éventuelles mesures au titre de la procédure de déficit excessif", elle souligne qu’en ce qui concerne la France, l'Italie et la Belgique, elle "examinera leur situation au début du mois de mars 2015, à la lumière de la version définitive des lois budgétaires et des précisions attendues sur les programmes de réformes structurelles dont les autorités nationales l'ont informée par lettre le 21 novembre". Le communiqué diffusé par la Commission relève à ce sujet que "ces trois États membres se sont engagés, au plus haut niveau gouvernemental, à adopter et à mettre en œuvre, début 2015 au plus tard, des réformes structurelles propices à la croissance en vue d'améliorer la viabilité des finances publiques à moyen terme". C’est ce qu’avait laissé entendre Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, dans un entretien publié le jour-même dans plusieurs grands quotidiens européens.
Pour ce qui concerne l’avis sur le projet de budget 2015 du Luxembourg, qui est actuellement soumis au volet préventif, la Commission l’estime "d’une manière générale" conforme aux dispositions du PSC. En particulier, le Luxembourg compte tirer parti en 2015 de sa marge de manœuvre par rapport à son OMT (l’objectif à moyen terme, fixé à 0,5 % du PIB), dans le contexte d’une dégradation de l'excédent structurel prévue, "mais celui-ci continuera de respecter l'OMT du pays", souligne la Commission. Par ailleurs, la Commission est également d’avis que le Luxembourg a progressé en ce qui concerne le volet structurel des recommandations budgétaires émises par le Conseil dans le cadre du semestre européen 2014 et invite les autorités à poursuivre leurs efforts.
Dans le détail, la Commission observe que le projet budgétaire repose sur un scénario macroéconomique aux perspectives qui "devraient rester favorables en 2014 ainsi qu'en 2015", avec une hypothèse de croissance du PIB attendue respectivement à 2,8 % et à 2,7 %. Ces derniers chiffres semblent néanmoins ne pas tenir compte des dernières données en la matière, de sorte que la Commission table sur une croissance légèrement plus élevée du PIB à 3 % en 2014, comme consigné dans ses prévisions de l’automne 2014. Pour 2015, en revanche, la Commission prévoit un taux de croissance de 2,4 %, légèrement en-deçà des prévisions luxembourgeoises, en raison d’hypothèses plus mitigées concernant l’environnement économique extérieur. Entre temps, le Statec, l’institut statistique luxembourgeois, a également publié des estimations revues à la baisse, le 26 novembre 2014.
Selon le projet de plan budgétaire, l’excédent des finances publiques devrait diminuer, passant de 0,6 % du PIB en 2013 à 0,2 % en 2014, une détérioration qui correspond à un résultat légèrement meilleur que l'excédent de 0,1 % du PIB qui était visé dans le programme de stabilité 2014 du Grand-Duché, relève la Commission. Celle-ci note que la réduction prévue de l’excédent structurel est principalement liée à la diminution des recettes de TVA liée à la modification de la législation sur le commerce électronique (environ 1,5 % du PIB), qui n’est que partiellement compensée par les nouvelles mesures prévues dans le projet de plan budgétaire. Toutefois, les pertes de recettes de TVA pourraient s’avérer plus importantes que prévu, prévient la Commission, qui "invite dès lors les autorités à se tenir prêtes à prendre des mesures supplémentaires dans l'éventualité où ces risques se concrétiseraient".
L’ampleur réelle de la baisse de ces recettes TVA est d’ailleurs considérée comme "le principal risque entourant les perspectives budgétaires". La Commission explique en effet que "l’estimation actuelle […] qui s'élève à environ 700 millions d'EUR (1,5 % du PIB), se fonde sur un scénario central dans lequel les entreprises concernées par la modification de la législation resteraient, pour la majorité d'entre elles, enregistrées au Luxembourg pour tous leurs services. Dans le scénario le plus défavorable, dans lequel toutes les entreprises concernées choisiraient de quitter le pays, les pertes pourraient dépasser 2 % du PIB", prédit-elle.
La Commission relève par ailleurs que dans le projet de plan budgétaire, la dette publique est attendue à 23 % du PIB en 2014, ce qui est conforme à ses prévisions. Pour 2015, le projet de plan budgétaire prévoit une hausse de la dette publique à 24,1 % du PIB, alors que celle-ci est attendue à 24,4 % du PIB dans les prévisions de la Commission, cette différence s’expliquant essentiellement par un solde primaire moins élevé dans les prévisions de la Commission. "Malgré une tendance haussière, le niveau de l'endettement brut des administrations publiques reste bien en deçà de la valeur de référence fixée à 60 % du PIB dans le PSC", souligne d’ailleurs la Commission.
En termes de solde structurel par contre, la Commission pense que les choses vont se dégrader dès 2014. Selon la Commission, le solde structurel (recalculé) devrait reculer à 1,2 % du PIB en 2014, contre 2 % du PIB en 2013, ce qui demeure largement supérieur à l’OMT du pays, fixé à 0,5 % du PIB. Ces résultats sont conformes aux prévisions d’automne 2014 de la Commission, qui table sur un excédent de 1,1 % du PIB. Compte tenu de sa situation en 2014, le pays n'est soumis à aucune exigence spécifique au-delà du maintien de son solde structurel au niveau de l’OMT en 2015.
En 2015, selon les informations figurant dans le projet de plan budgétaire, le Luxembourg devrait utiliser la marge dont il dispose par rapport à l’OMT; il est en effet prévu que l'excédent structurel diminue de 0,7 % du PIB et passe ainsi de 1,2 % du PIB en 2014 à 0,5 % du PIB en 2015, soit juste au niveau de l'OMT. Dans ses prévisions d'automne 2014, la Commission table pour 2015 sur un excédent structurel légèrement moins élevé, de 0,4 % du PIB, tout en prévoyant que le Luxembourg se maintiendra globalement à son OMT. "Sur la base de cette évaluation, il apparaît que le Luxembourg devrait être en conformité avec les exigences du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance", conclut la Commission.
La Commission est d'avis que le projet de plan budgétaire de l'Autriche est à risque de non-conformité avec les dispositions du PSC En particulier, la Commission est d'avis que le projet de plan budgétaire pour 2015, après prise en compte des mesures annoncées en octobre, implique un écart significatif de la trajectoire d'ajustement vers l'OMT au cours 2014-15 basée à la fois en termes de solde structurel et la dépenses. La Commission invite donc les autorités à prendre les mesures nécessaires dans le processus budgétaire national pour s’assurer que le budget 2015 sera conforme à la SGP. La Commission est par ailleurs d'avis que l'Autriche a fait des progrès limités en ce qui concerne la partie structurelle des recommandations budgétaires émises par le Conseil dans le contexte du semestre européen 2014 et invite donc les autorités à accélérer leurs efforts de mise en œuvre.
Pour la Belgique, la Commission est d'avis que le projet de plan budgétaire soumis est à risque de non-conformité avec les dispositions du PSC et invite en conséquence les autorités nationales à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer. La Commission est d'avis que la Belgique a fait des progrès à l'égard de la partie structurelle des recommandations budgétaires émises par le Conseil dans le contexte du semestre européen 2014 et invite les autorités à faire de nouveaux progrès. Elle examinera au début du mois de mars 2015 sa position vis-à-vis de ses obligations dans le cadre du PCS à la lumière de finalisation de la loi de finances et des précisions attendues du programme de réformes structurelles annoncées par les autorités dans leur lettre du 21 novembre.
La Commission est d'avis que le projet de plan budgétaire de la France tel que mis à jour est à risque de non-conformité avec les dispositions du PCS. Compte tenu de l'enveloppe supplémentaire présentée le 27 octobre, l'ajustement du solde structurel devrait être de 0,3 % du PIB, par rapport à 0,8 % du PIB recommandé par le Conseil en 2013. La Commission invite donc les autorités à prendre les nécessaires mesures dans le processus budgétaire national pour s’assurer que le budget 2015 sera conforme. La Commission est par ailleurs d'avis que la France a fait des progrès limités en ce qui concerne la partie structurelle des recommandations budgétaires émises par le Conseil dans le contexte du semestre européen 2014 et invite donc les autorités à accélérer la mise en œuvre. "Dans l'ensemble, les informations disponibles à ce jour montrent que la France n'a pas pris de mesures efficaces pour 2014 à ce stade", explique la Commission, qui prévoit comme pour la Belgique une nouvelle analyse en mars 2015.
Ici également, la Commission est d'avis que le projet de mise à jour de plan budgétaire de l'Italie est à risque de non-conformité avec les exigences du PSC et invite en conséquence les autorités nationales à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer.
La Commission est d'avis que l'Italie a fait des progrès à l'égard de la partie structurelle des recommandations budgétaires émises par le Conseil dans le contexte du semestre européen 2014, mais invite les autorités à faire de nouveaux progrès. Dans ce contexte, les politiques favorisant les perspectives de croissance, la maîtrise des dépenses courantes primaires sous contrôle strict tout en augmentant l'efficacité globale des dépenses publiques, ainsi que les privatisations prévues, contribueront à ramener le ratio de la dette au PIB sur une trajectoire descendante compatible avec la règle de la dette au cours des années à venir, juge la Commission. Comme la Belgique et la France, l’Italie fera également l’objet d’un nouvel examen en mars 2015
La Commission est d'avis que le projet de plan budgétaire de Malte est à risque de non-conformité avec les dispositions du PSC et invite en conséquence les autorités nationales à prendre les mesures nécessaires pour s’y conformer. La Commission reconnaît que Malte a fait des progrès à l'égard de la partie structurelle des recommandations budgétaires émises par le Conseil dans le contexte du semestre européen 2014. Cependant, il invite les autorités à accélérer les efforts prévus pour améliorer la viabilité financière du système de santé, afin de s’assurer que des mesures pour la réforme des retraites soient mises en place et de s’assurer que les efforts visant à améliorer la conformité fiscale et la lutte contre l'évasion fiscale donnent les résultats escomptés.
Ici encore, la Commission est d'avis que le projet de plan budgétaire de l'Espagne est à risque de non-conformité avec les dispositions du PSC. Le projet de plan budgétaire de projet ne serait pas suffisant pour assurer la conformité avec les objectifs budgétaires fixés dans la recommandation du Conseil. La Commission invite donc les autorités à prendre les mesures nécessaires dans le processus budgétaire national pour s’assurer que le budget 2015 sera conforme. Par ailleurs, la Commission est d'avis que l'Espagne a fait des progrès vers la conformité à l'égard de la partie structurelle des recommandations budgétaires émises par le Conseil dans le contexte du semestre européen 2014 et invite les autorités à faire de nouveaux progrès.
Enfin, pour le Portugal, la Commission est également d'avis que le projet de plan budgétaire comporte un risque de non-conformité avec les dispositions du PSC. En particulier, la Commission relève un risque de ne pas se conformer à la recommandation du Conseil de corriger le déficit excessif d'ici à 2015. Ce risque provient essentiellement des hypothèses favorables de l'impact sur le budget de l'évolution macroéconomique et de l'absence de mesures structurelles destinées à soutenir le projet. L'effort budgétaire tombe nettement en deçà de la recommandation et indique la nécessité de mesures de consolidation supplémentaires structurelles importantes pour 2015 pour étayer une correction crédible et durable du déficit excessif, juge-t-elle.
Par ailleurs, la Commission est d'avis que le Portugal a accompli des progrès limités en ce qui concerne la partie structurelle des recommandations émises par le Conseil dans le cadre du semestre européen 2014 et invite donc les autorités à accélérer la mise en œuvre.
En plus d'avoir analysé la situation de chaque pays, la Commission a évalué la situation budgétaire globale et l'orientation des politiques budgétaires dans l'ensemble de la zone euro. D'après les plans budgétaires, le déficit budgétaire agrégé de ces 16 pays de la zone euro devrait, après être repassé sous la barre des 3 % du PIB en 2013 pour la première fois depuis 2008, continuer à se réduire pour atteindre 2,6 % du PIB en 2014 et 2,2 % en 2015. Dans ses prévisions économiques d'automne, la Commission estime cependant que le déficit se réduira un peu moins, de 0,2 point de pourcentage, pour s'établir à 2,4 % du PIB en 2015.
D'après les projets de plans budgétaires, le ratio d'endettement agrégé devrait se maintenir en 2015 au même niveau qu'en 2014, estimé à environ 92,5 % du PIB. La Commission estime en revanche qu'il augmentera légèrement, pour passer de 93,1 % en 2014 à 93,6 % en 2015.
En données agrégées, l'assainissement budgétaire a marqué une pause dans ces seize pays en 2014, et la Commission prévoit que les politiques budgétaires seront globalement neutres (ni durcissement, ni relâchement) en 2015 également. Un juste milieu semble ainsi avoir été trouvé entre la nécessité d'assurer la viabilité des finances publiques, compte tenu du niveau élevé et croissant des ratios d'endettement public, et le besoin d'asseoir la reprise qui s'ébauche dans la zone euro. Pour maintenir une orientation budgétaire globalement neutre alors que certains États membres sont invités à redoubler d'efforts en vue de se conformer au pacte de stabilité et de croissance, il faudra utiliser les marges de manœuvre budgétaires disponibles ailleurs, ce qui plaide aussi résolument en faveur de l'ambitieux plan d'investissement pour l'Europe présenté par la Commission le 26 novembre.
En ce qui concerne la composition des finances publiques, les mesures prises pour réduire la pression fiscale sur le travail marquent un pas dans la bonne direction. En revanche, rien ou presque n'a été fait pour rendre la composition des dépenses plus favorable à la croissance. Il conviendrait dès lors de mieux concilier les politiques des États membres avec les priorités du train de mesures de la Commission en faveur de l'emploi, de la croissance et de l'investissement.