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Justice, liberté, sécurité et immigration
La Commission présente son rapport sur le régime d'exemption de visa accordé aux pays des Balkans occidentaux et se dit décidée à lutter contre "l'utilisation abusive du régime d'exemption de visa pour demander l'asile dans l'Union"
25-02-2015


La Commission a publié le 25 février 2015 son cinquième rapport d'évaluation du fonctionnement du régime d'exemption de visa dont bénéficient l'Albanie, la Bosnie-Herzégovine, l’ancienne République yougoslave de Macédoine (ARYM), le Monténégro et la Serbie. Selon ce cinquième rapport sur la libéralisation du régime des visas concernant les Balkans occidentaux, des mesures supplémentaires sont nécessaires pour préserver l’intégrité du régime d’exemption de visa et lutter contre les abus potentiels du régime d'asile de l'UE.

Le contexte

Commission européenneL’ancienne République yougoslave de Macédoine, le Monténégro et la Serbie bénéficient du régime d'exemption de visa depuis décembre 2009, l'Albanie et la Bosnie‑Herzégovine, depuis novembre 2010.

À la suite de cette libéralisation du régime des visas, certains États membres de l'UE ont vu augmenter les demandes d'asile non fondées introduites par des ressortissants des pays des Balkans occidentaux exemptés de visa. Afin de prévenir les risques d'abus du régime d'exemption, la Commission avait instauré un mécanisme de suivi de la mise en œuvre des mesures prises par les pays des Balkans occidentaux pour lutter contre les abus potentiels. Les rapports de suivi de la libéralisation du régime des visas visent à assurer le respect durable des engagements pris par ces pays préalablement à la levée de l'obligation de visa.

Mais cette mesure s’était avérée insuffisante face aux abus croissants liés à la libéralisation des visas dans les pays d’Ex-Yougoslavie. Dans ce contexte, le flux de demandeurs d’asile en provenance des Balkans occidentaux, notamment de pays à facilités de visas, avait conduit six Etats membres, dont le Luxembourg, où les demandes d'asile de ressortissants des Balkans représentaient 81,5 % de l'ensemble des requêtes déposées dans le pays, à demander, le 15 octobre 2012, à ce que la clause de sauvegarde sur la protection des frontières extérieures – qui était en discussion au Conseil et au Parlement européen - soit adoptée avant la fin de l’année, afin de rendre possible une procédure d’urgence qui permette par exemple de réintroduire une obligation de visa pour la Serbie et l’ARYM après une évaluation de la situation par le Conseil.

Après le feu vert du Parlement européen, le Conseil JAI a finalement adopté sans débat le 5 décembre 2013 de nouvelles règles relatives aux visas et à la liste des pays pouvant bénéficier d'une exemption. Le nouveau règlement introduit une clause de sauvegarde qui permet à l’UE de se prémunir contre d'éventuels abus et de suspendre provisoirement des accords de libéralisation des visas, c’est-à-dire de de rétablir temporairement l'obligation de visa pour les ressortissants de pays tiers qui bénéficient d'une exemption de visa dans l'UE.

Ce mécanisme ne vise aucun pays tiers ni aucune région en particulier, mais s'applique à tout pays bénéficiant, actuellement ou à l'avenir, d'une exemption de visa ; il est donc également applicable aux pays des Balkans occidentaux. À ce jour, aucun État membre n’en a demandé l’activation, selon le rapport de la Commission.

Les principales conclusions du rapport

Les abus du droit d’asile par des ressortissants de pays des Balkans occidentaux exemptés de visa "demeurent extrêmement préoccupants", selon la Commission européenne.

Le nombre de demandes d’asile introduites dans l’UE et les pays associés à l'espace Schengen par des ressortissants des cinq pays des Balkans occidentaux exemptés de visa connaît une progression régulière depuis la libéralisation du régime des visas, avec un pic en 2013 à 53 705 demandes. Les chiffres relatifs aux neuf premiers mois de 2014 étaient supérieurs de 40 % à ceux qui avaient été enregistrés au cours de la même période en 2013.

Parallèlement, le taux de reconnaissance des demandes d’asile dans toute l’UE et dans les pays associés à l'espace Schengen a continué de reculer pour l'ensemble des ressortissants des pays des Balkans occidentaux exemptés de visa, ce qui indique que la grande majorité des demandes demeurait manifestement non fondée. Le taux de reconnaissance était de 3,7 % pour les ressortissants monténégrins, 2,7 % pour les ressortissants serbes et 1 % pour les ressortissants de l’ancienne République yougoslave de Macédoine. Dans le même temps, 8,1 % des demandeurs albanais et 5,9 % des demandeurs bosniaques ont reçu une protection internationale dans l’UE et dans les pays associés à l'espace Schengen en 2013.

Les ressortissants serbes demeuraient, dans l'UE et les pays associés à l'espace Schengen, le plus grand groupe de demandeurs d’asile originaires des pays des Balkans occidentaux exemptés de visa (42 % en 2013), suivis par les ressortissants d'Albanie et ceux de l’ancienne République yougoslave de Macédoine (21 % chacun), les ressortissants bosniaques (14 %) et les ressortissants monténégrins (2 %). Pour ce qui est de ces derniers, ceux-ci constituent les plus grands demandeurs d’asile au Luxembourg, avec plus de 1200 demandes en 2014. Au niveau européen, le Luxembourg détient la deuxième position en termes de demandeurs d’asile provenant du Monténégro, derrière la Suède (près de 1500 demandes), et devant la France (près de 1 200 demandes) et l’Allemagne (près de 1 000 demandes)

L'Allemagne continue d'attirer le plus grand nombre de demandes d’asile introduites par des ressortissants des pays des Balkans occidentaux exemptés de visa, sa part étant passée de 12 % en 2009 à 75 % au cours des neuf premiers mois de 2014. Au Luxembourg, ce pourcentage s’élève à 0,6 %, alors qu’en 2011, un pourcentage de 5,5 % y avait été comptabilisé.

Les principales recommandations du rapport

Source: Parlement européen"Chaque pays des Balkans occidentaux bénéficiant de l'exemption de visa doit pouvoir montrer que sa part dans les demandes d'asile non fondées présentées dans les États membres de l'UE tend à diminuer durablement", lit-on dans le rapport.

La Commission recommande dans ce contexte que chaque pays des Balkans occidentaux bénéficiant du régime d’exemption de visa prenne "des mesures énergiques" pour réduire les facteurs incitatifs de la migration irrégulière vers l'UE:

  • accroître l’assistance ciblée aux populations minoritaires, en particulier les Roms;
  • intensifier la coopération opérationnelle et les échanges d’information avec les États membres de l’UE, la Commission ainsi que Frontex, Europol et l'EASO, dans les domaines de la gestion des frontières, des migrations, de l’asile et de la réadmission;
  • enquêter sur les passeurs de migrants et poursuivre ceux auxquels les abus du régime d’exemption de visa sont imputables;
  • renforcer les contrôles aux frontières dans le strict respect des droits fondamentaux des voyageurs;
  • intensifier les campagnes de sensibilisation et d’information ciblées visant à expliquer aux ressortissants des pays exemptés de visa les droits et obligations associés à cette exemption.

La Commission recommande en outre aux États membres de l’UE et aux pays associés à l’espace Schengen qui sont les plus touchés de prendre des mesures pour réduire les facteurs attractifs de l'immigration irrégulière, notamment:

  • rationaliser les procédures d’asile pour les ressortissants des cinq pays des Balkans occidentaux exemptés de visa, par exemple en affectant davantage de personnel au traitement des dossiers lors des pics de demande ou en mettant en place une procédure accélérée permettant un traitement rapide des dossiers lors des pics de demande ou pour les ressortissants de certains pays;
  • envisager un recours plus prudent et plus sélectif aux prestations en espèces, comme l’argent de poche et l’aide financière au retour, afin de limiter les incitations financières à abuser du droit d’asile;
  • organiser des visites de haut niveau dans les pays concernés et des campagnes d’information, en coopération avec des ONG locales et les municipalités;
  • intensifier la coopération opérationnelle et l'échange d'informations, notamment par l’intermédiaire d’officiers de liaison, avec les autorités des pays concernés.

Les évolutions récentes

Ces derniers mois, l'Union a été confrontée à une hausse considérable de l'immigration irrégulière en provenance du Kosovo, via la Serbie, à destination de plusieurs États membres. La Commission est actuellement engagée dans un dialogue sur la libéralisation du régime des visas avec le Kosovo et elle continuera de collaborer avec son gouvernement pour réduire les facteurs incitatifs de ce flux migratoire récent.

Au Luxembourg, en 2014, le nombre de personnes ayant demandé une protection internationale s’élève à 1091, deux fois moins qu’en 2011, mais un plus de 21 personnes par rapport à 2013.

Au mois de janvier 2015, la plupart des demandes qui ont été introduites au Grand-Duché proviennent de ressortissants des pays des Balkans occidentaux : 20 % du Monténégro (17 personnes), 16 % du Kosovo (14 personnes), 11 % de Bosnie-Herzégovine (10 personnes), 7 % d’Albanie (6 personnes) et 6 % de Serbie (5 personnes). Au total, en janvier 2015, il y a eu 53 retours, dont deux forcés : notamment 15 au Monténégro, 15 en Serbie, 12 en Bosnie-Herzégovine et 8 en Albanie.

"L'utilisation abusive du régime d'exemption de visa pour demander l'asile dans l'Union doit être combattue de manière systématique et en affectant judicieusement les ressources", selon Dimitris Avramopoulos

"La Commission européenne est résolue à maintenir l'exemption de visa en faveur des ressortissants des pays des Balkans occidentaux", a indiqué Dimitris Avramopoulos, commissaire chargé de la migration, des affaires intérieures et de la citoyenneté, ainsi que le rapporte un communiqué de presse de la Commission. "La libéralisation du régime des visas a eu des effets bénéfiques manifestes en développant les débouchés commerciaux et les contacts entre les populations", a-t-il poursuivi. "Cependant, l'utilisation abusive du régime d'exemption de visa pour demander l'asile dans l'Union doit être combattue de manière systématique et en affectant judicieusement les ressources", a-t-il précisé. "Notre rapport formule une série de recommandations visant à réduire les facteurs incitatifs et attractifs de l’immigration irrégulière", a relevé Dimitris Avramopoulos. "J'appelle donc instamment chaque pays participant à apporter tout son soutien et son engagement à notre action",  a-t-il conclu.