Le 15 mars 2016, un groupe d’action constitué d’eurodéputés issus de différents groupes politiques a lancé depuis Bruxelles une contre-consultation publique sur l'octroi par l'UE du statut d'économie de marché (MES) à la Chine. Emmanuel Maurel et Edouard Martin (S&D), David Borrelli (vice-président du groupe EFDD), Claude Rolin (PPE) et Reinhard Bütikofer (Verts/ALE) ont ainsi tenu une conférence de presse conjointe pour présenter une initiative qui, sous le titre "MES China action group", veut ouvrir le débat en offrant un contrepoint à la consultation publique lancée début février 2016 par la Commission européenne.
"Il en va de l’idée que l’on se fait de l’Europe et de la façon dont on protège les salariés, les industries et les entreprises européennes", a argué Emmanuel Maurel devant la presse. Face à une question qu’ils jugent "éminemment politique", les parlementaires dénoncent la tentative de la Commission de se contenter d’un débat "exclusivement économique et technique" et ils critiquent une consultation "partielle, partiale, techniquement contestable et réservée seulement aux initiés". Les parlementaires ont donc mis en place un site internet www.meschinawhynot.eu proposant une consultation pour "explorer les angles morts" de celle de la Commission.
Les parlementaires rappellent que certaines dispositions du Protocole d’Accession de la Chine à l’OMC vont arriver à expiration en décembre 2016 et ils jugent l’accession de la Chine au statut d’économie de marché qui, selon certains, en serait la conséquence logique comme "contestable sur le plan juridique et politique".
"Attribuer le statut d’économie de marché à la Chine revient à lui appliquer la méthode standard de calcul anti-dumping. Ne pas lui attribuer revient à recourir à une méthode alternative", résument les parlementaires sur leur site internet en rappelant que la Commission retient dans sa consultation trois scénarios pour l’après 11 décembre 2016, à savoir :
S’ils jugent "louable" l’objectif de la consultation publique, qui est d’interroger les parties prenantes sur "la réponse à apporter à l’expiration de certaines dispositions du Protocole d’Accession de la Chine à l’OMC" dans le but de "prendre une décision éclairée", les parlementaires estiment en revanche que "les postulats de départ de la Commission européenne ainsi que la méthode qu’elle emploie sont discutables".
Comme l’a souligné David Borrelli en conférence de presse, la contre-consultation, qui se veut plus ouverte et plus politique, n’omet pas de poser la question fondamentale à ses yeux, à savoir : "faut-il accorder le statut d’économie de marché à la Chine?". Une question qui n’est pas posée par la Commission qui propose de réfléchir aux moyens de compenser les effets négatifs du changement de méthode de calcul des droits anti-dumping du fait de l’accession de la Chine au SEM.
La contre-consultation témoigne par ailleurs d’une autre préoccupation majeure des parlementaires, à savoir les impacts sociaux et environnementaux qu’aurait une telle décision. Contrairement à la Commission, ils jugent ces derniers "importants". Et les conséquences iraient bien au-delà du secteur sidérurgique, fortement impacté, ainsi que n’a pas manqué de le souligner Claude Rolin devant la presse en mettant en garde contre le fait qu’un "grand nombre de secteurs seraient concernés". Aussi, "la contre-consultation ne se cantonne pas à l’analyse des implications économiques d’une telle décision, mais aussi à ses effets sociaux et environnementaux".
Enfin, sur le plan de la forme, les parlementaires entendent s’efforcer de formuler leurs questions de façon moins technique et plus ouverte, afin d’explorer les angles morts laissés par la consultation de la Commission "en recueillant des analyses et témoignages sur toutes les options qui peuvent être mises sur la table". Le questionnaire, qui est proposé en cinq langues afin de toucher le plus grand monde possible, sans oublier citoyens, entreprises, ONG, associations industrielles et syndicats, est donc à la fois constitué de questions "fermées" et de "questions ouvertes", laissant ainsi place à la fois à une plus grande précision et à une ouverture plus importante vis-à-vis des acteurs non-économiques. Une approche très éloignée des choix "binaires" proposé par la Commission, comme l’a fait remarquer Reinhard Bütikofer.
Le groupe d’action entend aussi mener une "contre-étude d'impact", ainsi que l’a expliqué à la presse Reinhard Bütikofer. Il s’agit d’évaluer de manière "plus objective" les conséquences économiques et sociales d'une reconnaissance du MES à la Chine pour les entreprises européennes, l'objectif étant de "conserver une base industrielle forte en Europe, qui réponde à d'ambitieux objectifs environnementaux et sociaux".
Dans un communiqué de presse diffusé le 16 mars 2016, les membres du groupe d’action dénoncent "la méthode utilisée par la Commission européenne pour procéder à une évaluation de l’impact", ainsi que ses premiers résultats "puisque les risques sont sous-estimés". En effet, expliquent-ils, "seuls les secteurs déjà couverts par les mesures antidumping sont pris en considération" et "seules les conséquences sur les emplois directs sont évaluées". Ils critiquent aussi "une approche statique, qui ignore l’effet de multiplication des importations chinoises sur l’ensemble de l’industrie métallurgique, par exemple". Or, ils craignent que celle-ci n’ouvre "la voie à grande désindustrialisation des territoires européens, conduisant à la pauvreté et la détresse sociale pendant de nombreuses années". Les parlementaires du groupe d’action se sont donc entendus pour proposer leur "propre méthode d’évaluation de l’impact, au travers de laquelle les pertes économiques potentielles seraient évaluées d’une manière plus objective".