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Éducation, formation et jeunesse - Emploi et politique sociale
Le commissaire européen László Andor répond à Claude Turmes que "l'introduction d'une condition de résidence pour l'accès aux aides financières pour des études supérieures semble contraire aux règles communautaires"
22-10-2010


Le 28 septembre 2010, l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes (Verts / ALE), adressait avec sa consoeur belge Isabelle Durant une question à la Commission européenne au sujet des conséquences des mesures d'austérité décidées par le gouvernement grand-ducal sur les travailleurs belges résidant en Belgique.

La question écrite adressée à la Commission par Isabelle Durant et Claude Turmes

"Cet été, la presse a donné un large écho au projet de loi 6148 voté le 13 juillet 2010 par la Chambre des députés du Grand-Duché de Luxembourg. Cette loi, qui sera d’application le 1er octobre prochain, supprime, pour tous les travailleurs luxembourgeois, les allocations familiales dès que l’enfant a atteint l’âge de 18 ans. Les mesures compensatoires prévues par le gouvernement luxembourgeois ne visent que les résidents du pays", expliquaient les deux eurodéputés. Ils rappelaient ensuite qu’en Belgique, 37 000 résidents travaillent au Grand-Duché de Luxembourg, dont 27 000 sont domiciliés dans la province du Luxembourg.

Isabelle Durant et Claude Turmes mettaient en avant le risque que cette loi ait "des répercussions économiques et sociales dans la province du Luxembourg". En effet, avançaient-ils, "dans de nombreux cas, ce sont les allocations familiales qui font la différence avec un salaire belge, ceci surtout pour les salaires les plus faibles".

Les deux eurodéputés ajoutaient par ailleurs que la loi semblait "violer l’esprit du droit communautaire européen". "Certes, les allocations familiales sont supprimées pour tous les enfants mais les allocations d’études seront octroyées aux seuls résidents", s’expliquaient-ils, ajoutant que, au-delà du discours syndical, "À travail égal, les cotisations doivent être égales ainsi que les prestations sociales", on pouvait "considérer que la discrimination est réelle sur le plan moral".

Faisant référence à des arguments et à des calculs avancés par l’OGBL, les deux eurodéputés expliquaient que "le retour des travailleurs frontaliers au Grand-Duché de Luxembourg sous le régime des allocations familiales dans leur pays correspondrait à une dépense supplémentaire de 2 670 000 euros pour l’État belge".

Isabelle Durant et Claude Turmes demandaient donc à la Commission si elle s’était "saisie de cette question de suppression des allocations familiales pour les travailleurs frontaliers employés au Grand-Duché" et si elle pendait qu’il y avait là "violation du droit communautaire européen".

La réponse donnée par László Andor, commissaire en charge de l’Emploi, des Affaires sociales et de l’Inclusion

Dans sa réponse donnée le 21 octobre 2010, László Andor, commissaire en charge de l’Emploi, des Affaires sociales et de l’Inclusion, déclare que "la Commission est d'avis que l'introduction d'une condition de résidence pour l'accès aux aides financières pour des études supérieures semble contraire aux règles communautaires applicables en matière de libre circulation des travailleurs, dans le sens où celle-ci aurait comme résultat d'exclure, comme bénéficiaires, les enfants de travailleurs frontaliers".

Le commissaire fait état des plaintes reçues récemment (OGBL, G.E.I.E. Solidarités frontaliers européens et LCGB ont d’ores et déjà introduit des plaintes en effet, n.d.l.r.) et annonce que la Commission  "procède à l'examen de la législation en cause". Par ailleurs, elle prendrait selon László Andor "les contacts nécessaires afin de recueillir des précisions sur les faits dénoncés". C’est sur la base de ces éléments que la Commission prendra une décision sur la suite à donner à ces plaintes. Et le commissaire n’exclut pas, "le cas échéant", de prendre des mesures dans le cadre de la procédure prévue à l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).

Il s’agit là, comme le précisent déi gréng, de la procédure de recours en manquement qui passe par l’étape d’un avis motivé avant l’éventuelle saisie de la Cour de Justice de l’UE Européenne si l’Etat en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai imparti.

François Bausch appelle le gouvernement à revoir ces mesures au plus vite

Dans le communiqué transmis à la presse, François Bausch et Claude Turmes résument ainsi la réponse de László Andor : "La Commission européenne est d'avis que le gouvernement luxembourgeois risque d’être trainé devant la Cour de Justice européenne pour avoir exclu les enfants des frontaliers des aides financières pour les études supérieures".

L’occasion pour Claude Turmes de rappeler que "déi gréng ont dès le début des débats parlementaires sur le sujet émis des doutes sur la conformité des modifications proposées avec la législation européenne". Selon lui, sur le plan juridique, le texte de la loi "a été mal préparé par le gouvernement".

"Nous nous opposons clairement à ces mesures : On ne peut pas d’un côté être un fervent adepte de la libre circulation des citoyens européens et d’une politique sociale européenne, et de l’autre se désolidariser de certains citoyens européens et prendre des mesures clairement anti-européennes", poursuit le député européen.

François Bausch ajoute quant à lui que "cette mesure nuit véritablement à l’ambition d’une meilleure coopération dans la Grande Région". A ses yeux en effet, "faire une politique discriminatoire envers les frontaliers, qui constituent une part significative de l’économie nationale, nuit à notre image pro-européenne et à nos intérêts économiques". Le président du groupe parlementaire déi gréng appelle donc le gouvernement à "revoir ces mesures au plus vite".

L’OGBL a de son côté aussitôt salué "vivement cette première prise de position de la Commission" et a saisi l'occasion pour témoigner de sa confiance à l'idée "d’obtenir raison au bénéfice des salariés frontaliers concernés par l’abolition des allocations familiales et par l’exclusion de l’accès aux aides financières pour études supérieures". L’OGBL demande donc aussi au gouvernement de remanier substantiellement la loi du 26 juillet 2010, de supprimer tous les aspects discriminatoires et de la mettre en conformité avec le droit communautaire.