Il y a tout juste un an, le 10 février 2010, Viviane Reding venait présenter à Luxembourg les enjeux et les priorités qu’elle se fixait dans le cadre de ses nouvelles fonctions de vice-présidente de la Commission européenne en charge de la Justice, des Droits fondamentaux et de la Citoyenneté. Elle avait aussi longuement plaidé sa cause au Parlement européen le 12 janvier 2010, détaillant les actions qu’elle entendait mettre en œuvre.
Le 8 février 2011, Viviane Reding est donc venue dresser un bilan d’un an de travail à la Commission, une année au cours de laquelle l’Europe a changé aux dires de Viviane Reding, et ce notamment sous l’effet du traité de Lisbonne entré en vigueur le 1er décembre 2009.
La première impression retenue est qu’elle semble ne pas avoir chômé…Car en plus de la toute nouvelle Direction générale qu’il s’est agi de mettre en place en veillant par exemple à respecter l’égalité des genres, longue est la liste en effet des mesures promises et mises en œuvre, ou tout au moins lancées pendant cette année 2010. Ce sont en effet quatorze propositions que Viviane Reding a mises à l’ordre du jour de la Commission, mais aussi près de 700 réponses à des questions écrites d’eurodéputés qui ont été rédigées…
Dans le domaine de la Justice, particulièrement marqué par les changements induits par le nouveau traité, il y a eu ainsi la première coopération renforcée de l’histoire de l’UE sous Lisbonne, qui concerne les divorces dans des cas de mariages transfrontaliers. En mars 2011, un nouveau texte sera mis sur la table qui concernera la question de la propriété en cas de divorce dans le cas d’un mariage transfrontalier. Mais il s’est agi aussi de garantir les droits des suspects à un procès équitable, ou encore des victimes. Dans ce cadre, un paquet de deux directives sera proposé au mois de mai 2011. Il s’agira de protéger notamment les femmes et les enfants par des mesures concrètes.
L’entrée en vigueur de la Charte des Droits fondamentaux avec celle du traité de Lisbonne a eu des conséquences importantes pour la Commission puisque toute proposition législative doit être désormais soumise à un check-up visant à vérifier sa conformité avec ce texte que les commissaires ont juré de respecter lors de leur serment fait le 3 mai 2010 devant la Cour de Justice de l’UE. Fin mars, Viviane Reding fera le point sur l’application de la Charte dans un rapport.
En matière de Droits fondamentaux encore, Viviane Reding s’est félicitée de la rapidité avec laquelle ont abouti les négociations visant à ce que l’UE adhère à la Convention européenne des Droits de l’Homme, ce qui devrait être chose faite ce printemps. Sans compter que les présidents de la Cour européenne des Droits de l’Homme et de la Cour de Justice de l’UE ont eu le temps de s’entendre pour fixer les modalités de leur coopération. Pour rappel, les pourparlers avaient été lancés en juillet 2010.
Viviane Reding a pris le temps de rappeler son engagement sur la question des populations Roms en Europe. Au-delà du fait que la France avait été épinglée au sujet d’expulsion de Roms en septembre 2010 - elle est du reste en train de se mettre en règle du point de vue de la transposition et de l’application de la directive concernant la libre circulation -, Viviane Reding a évoqué, non sans émotion, "un problème structurel dans l’UE" et a lancé un appel à "changer nos pratiques" partout en Europe. La commissaire, qui a mis en place un groupe de travail intitulé "Roma Task Force" en septembre 2010, présentera le 5 avril 2011 un cadre européen pour la mise en place de stratégies nationales d’intégration des Roms qui s’articuleront autour de la lutte contre la pauvreté et de la scolarisation des enfants.
En matière de citoyenneté, Viviane Reding a rappelé l’adoption en octobre 2010 du tout premier rapport sur la citoyenneté qui propose une vingtaine de mesures visant à faciliter le quotidien des citoyens dans l’UE. Des exemples ? Les questions de fiscalité abordées dans une communication présentée le 20 décembre dernier. Ou encore la suppression de l’exequatur proposée le 14 décembre 2010. Un des soucis de la commissaire est d’ailleurs de mieux informer les citoyens sur ce qui est fait au niveau européen pour leur rendre la vie moins compliquée, et elle aimerait que 2013 soit Année européenne du Citoyen européen.
Parmi les grands chantiers en cours, Viviane Reding a évoqué la proposition sur la protection des données qu’elle entend mettre sur la table à l’été 2011 pour moderniser la directive actuelle, qui date de 1995, et inclure notamment le principe de droit à l’oubli sur les données personnelles. En matière de droit contractuel, Viviane Reding entend faire une proposition à l’automne 2011 afin, non pas d’harmonisation les 27 droits contractuels des Etats membres, mais de mettre en place un 28e modèle qui pourra constituer une alternative à ces droits nationaux.
Et pour ce qui est de l’égalité des genres, Viviane Reding entend rencontrer le 1er mars prochain les PDG de grandes entreprises cotées en bourse pour les convaincre, études prouvant qu’elles auraient à y gagner à l’appui, de prendre des mesures pour augmenter la représentation des femmes au sein de leurs conseils d’administration. Les entreprises auraient jusqu’à la fin de l’année 2011 pour trouver elles-mêmes des solutions, ensuite, si rien ne se passe, Viviane Reding n’exclut pas de faire appel aux quotas. L’objectif est d’avoir des conseils d’administration d’entreprises comprenant 30 % de femmes en 2015 et 40 % en 2020.
De façon plus générale, Viviane Reding, interrogée sur l’atmosphère qui règne dans les hautes sphères européennes en cette année de crise et de tendances à la renationalisation, estime, quand elle prend du recul, que la Commission a su fournir un immense travail et s’adapter d’une part à ses nouvelles prérogatives et d’autre part aux défis de l’actualité. Et de citer les grandes mesures prises en un temps record en 2010 : la mise en place des autorités de supervision financière, la mise en place de l’EFSF et du mécanisme de secours, la mise en place du semestre européen qui est une première pierre de taille dans la gouvernance européenne que tous appellent de leurs vœux.
Aussi, il ne faut pas s’étonner qu’elle juge avec une certaine acidité la proposition allemande "inexplicablement soutenue par la France" de pacte de compétitivité. A ses yeux, il s’agit là d’un "catalogue de mesures plus allemandes qu’européennes", à la différence de ce que propose la Commission qui veille, elle, à l’intérêt commun. Parce qu’à ses yeux, vouloir modifier les constitutions de tous les Etats membres pour y introduire le même mécanisme de frein à la dette que celui pratiqué par l’Allemagne – un très bon modèle par ailleurs selon Viviane Reding - n’est peut-être pas la solution la plus efficace quand il s’agit de mettre en place des mesures rapides pour éviter désormais toute déviation en matière d’endettement… Ce que devrait permettre, de façon plus "réaliste", le semestre européen qui est désormais lancé.