Le 6 juin 2013, l'eurodéputé socialiste luxembourgeois, Robert Goebbels, était l'invité des Midis de l'Europe, organisés par le Bureau d'information du Parlement européen au Luxembourg. Sa conférence devait fournir une réponse à la question : "La politique énergétique européenne est-elle crédible ?"
L'eurodéputé socialiste, membre de la commission de l'industrie, de la recherche et de l'énergie du Parlement européen, a commencé par rappeler que la politique énergétique européenne a été initiée par la Communauté européenne du charbon et de l'acier.
Désormais, c'est le traité de Lisbonne qui en a la charge. Il consacre un chapitre à l'énergie, visant principalement la réalisation d'un marché intérieur de l'énergie qui connecterait les marchés des vingt-sept marchés nationaux. Le choix de la composition du mix énergétique de chaque Etat membre relève toutefois de leur souveraineté.
L'Union européenne s'est donnée des objectifs en matière de politique climatique, connue sous le nom d' "Energie 2020", visant à atteindre en 2020, la réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 %, une part des énergies renouvelables égale à 20 % et l'accroissement de 20 % l'efficacité énergétique. Robert Goebbels constate que, "jusqu'aujourd'hui, la détermination européenne n'est pas suivie", et s'inquiète du fait que l'UE envisage en pareille circonstance de "faire des efforts encore plus impressionnants", pour jouer un rôle moteur.
"Les sommets climatiques depuis Copenhague se suivent et se ressemblent", déplore l'eurodéputé. Ils constituent des "débats sans aucun engagement concret". L'UE a beau espérer un accord contraignant en 2015, "la vérité désagréable est que rien n'est moins sûr". Cet entêtement agace Robert Goebbels. Déjà, l'accord de Kyoto n'a été signé que par 90 pays et la Russie, le Japon et la Canada en sont ressortis tandis que les USA et le Brésil, entre autres, n'en ont jamais fait partie.
Depuis l'engagement dans le protocole de Kyoto, la part de l'UE dans les émissions mondiales a certes chuté de 15 à 10 %, mais "non pas parce que la politique climatique européenne aurait eu des résultats mais parce que les émissions des autres ont augmenté".
De surcroît, la contribution de l'Europe aux émissions de CO2 est minime. 80 % des émissions de CO2 sont le fait de 18 pays, parmi lesquels n'est compté qu'un seul pays de l'UE, à savoir l'Allemagne. Or, "la consommation énergétique du monde va croître, les émissions avec, même si on travaille à remplacer l'énergie dite fossile par du renouvelable", jure Robert Goebbels. Dans ce contexte, la stratégie européenne "comme effet que les prix de l'énergie électrique et du gaz augmentent, seulement dans l'Union européenne".
"Malheureusement, le débat en Europe est devenu terriblement écologique", désespère Robert Goebbels. "La Commission aime faire des planifications très éloignées. C'est bien beau sur le papier mais cela ne tient pas compte des réalités". Selon la Commission, la part du renouvelable dans la consommation énergétique dans l'UE pourrait atteindre les 90 % en 2050. Le groupe S & D souhaite 95 % et "parce que les Verts ne peuvent pas s'afficher avec moins, ils ont pour objectif 100 %. C'est une douce illusion", juge-t-il.
"On ne peut pas prédire l'avenir", ce serait donc "une fuite ridicule dans le long terme" que de se lancer dans de telles conjectures. Une planification semblable réalisée en 1970 aurait parié sur le tout nucléaire pour aujourd'hui, s'amuse l'eurodéputé.
Robert Goebbels se défend d'être contre les énergies renouvelables et contre la lutte contre l'effet de serre. Il rappelle qu'il fut, en tant que ministre luxembourgeois de l'Energie de 1994 à 1999, à l'origine du développement de l'éolien au Grand-Duché. Mais, en termes énergétiques, "il faut raison garder", dit-il. "Il faut atteindre d'abord les objectifs de 2020, éventuellement avoir des pistes pour 2030". Au lieu de cela, "la Commission européenne, telle une machine à saucisses, sort toujours rapport sur rapport, bien écrits mais rarement réalistes."
Rentrant dans les détails de chaque pilier de cette politique énergétique, Robert Goebbels en conteste la pertinence. L'efficacité énergétique est par exemple "un des grands chantiers de l'UE", réalisé à travers l'assainissement des maisons et des bâtiments publics. Or, "tout cela a un coût", dit Robert Goebbels qui cite un rapport de la Cour des comptes européennes sur les investissements faits en la matière dévoilant que la durée moyenne pour le retour sur investissement est de cinquante ans, c'est-à-dire au moment où "les bâtiments sont obsolètes, doivent être détruits".
Le photovoltaïque est "l'autre exemple que le rêve est l'ennemi du bien". Ainsi, rappelle-t-il qu'au Luxembourg, un tel panneau n'est exposé que 800 à 1000 heures par an contre 2000 heures en Espagne et 2500 au Maroc.
Une éolienne ne tourne que 20 à 25 % du temps. Ces énergies renouvelables, étant donné le caractère aléatoire de leur production et en l'absence de la connaissance d'un moyen de stockage de l'énergie qu'elles produisent, auraient le gros désavantage d'être incapables de fournir les "réserves de capacité nécessaires".
"La réalité est qu'actuellement la politique européenne énergétique ne semble mener nulle part." Pendant ce temps, le prix du gaz et de l'électricité augmente. L'Europe doit importer 80 % de sa consommation et a très peu de ressources. Le prix de l'énergie pour l'industrie a augmenté de 36 % dans l'UE depuis quinze ans pendant qu'elle baissait de 4 % aux USA dans le même temps. Pour les ménages, la hausse est de 21,8 % dans l'UE et 8,4 % aux USA. Au Luxembourg, l'évolution des prix est certes plus lente mais grâce à une TVA moindre.
Robert Goebbels contre un argument écologique qui veut faire de cette hausse des prix un moindre mal pour les citoyens. "On peut dire que si les prix augmentent, les citoyens vont économiser davantage. Mais je pense que nos citoyens ont des besoins. Dans ce cas, le coût doit être payé par les plus humbles." La politique de subventionnement des énergies renouvelables ajoute à la note salée. Robert Goebbels souligne qu'à ce jour, au Luxembourg, 22 millions d'euros sont transférés du consommateur au producteur dans ce contexte.
L'eurodéputé est bien plus inquiet de la hausse des prix responsable de "la désindustrialisation de l'Europe". La part de l'industrie européenne dans le PIB est passée en quinze ans de 20 à 15 %. Il y eut plus de 5500 restructurations et deux millions d'emplois perdus. Cela serait d'autant plus dommageable que "l'industrie est la base de notre société", à l'origine de 80 % de l'innovation et créatrice de richesses. Les coûts de l'énergie représentent 40 % des coûts industriels, le personnel seulement 20 %. Mais si' l'on ne peut pas agir sur le premier, on agit sur les salaires "là où les industriels peuvent encore se défendre", dit-il. "L'industrie européenne crée beaucoup d'emplois… en Chine mais aussi aux USA", poursuit Robert Goebbels, citant les délocalisations des Allemands Bayer et BASF vers les USA.
Les USA et la Chine auraient l'avantage sur l'Europe de mener une politique énergétique qui cherche à baisser le prix de l'énergie par l'exploitation de nouvelles ressources, tels les gaz de schiste et le méthane capturé au fond des océans. Or, à ces développements, l'Europe opposerait ses peurs. Robert Goebbels déplore en effet que la Chambre des députés ait voté une motion contre l'exploitation des gaz de schistes au Grand-Duché, sans mener d'investigations. C'est "absurde" et "cette absurdité-là, on la trouve aussi en France et en d'autres pays". Pour Robert Goebbels, l'exploitation des gaz de schistes ne comporte par exemple pas de risque de contamination de l'eau, puisque le gaz va se chercher à 2000 mètres sous terre par des tuyaux bien isolés tandis que l'eau que cette exploitation est censée polluer se trouve entre 200 et 500 mètres.
A la peur européenne articulée par un discours écologiste, qui refuse par ailleurs l'implantation d'éoliennes "au nom de la protection des chauves-souris", s'ajoute selon Robert Goebbels le fait que le financement européen de la recherche et développement est non seulement insuffisante mais également mal orientée. "On est encore loin des 3 % du PIB visés par la stratégie de Lisbonne", fait-il remarquer. La somme portée au CFP 2014-2020 pour la recherche est, dans les négociations en cours, amputée de vingt milliards d'euros. Il n'en reste que 80 milliards pour six ans. Seuls 17 milliards sont consacrés à la recherche industrielle, tandis que 32 milliards sont consacrés aux problèmes de société, "comme sur les dangers de l'emploi du téléphone portable", s'agace Robert Goebbels. Cette dernière référence illustrerait le fait que "l'Europe a peur de tout". Et notamment des nanotechnologies au sujet desquels l'eurodéputé désespère qu'on parle davantage de leurs "éventuels dangers que de leurs bienfaits".
Interrogé par une journaliste sur la question de l'introduction de droits antidumping sur les panneaux photovoltaïques chinois, Robert Goebbels estime qu'il se peut que la Chine fasse du dumping. Mais, il met d'abord en avant un problème de stratégie industrielle : "L'industrie européenne est beaucoup trop fragmentée et ne maîtrise pas toute la chaîne des coûts", affirme-t-il. Dans ce contexte, "la Commission européenne a trouvé le coupable idéal : la Chine, qui est la première productrice au monde depuis quelques années, et dont les produits présentent un meilleur rendement par rapport aux Allemands". Robert Goebbels s'inquiète surtout d'un "risque de guerre commerciale" et dit : "On sait avec quoi commence mais pas avec quoi ça s'farrête."