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La question de la politique industrielle en Europe et de la capacité d'action des syndicats face aux restructurations transnationales était à l'ordre du jour d'une table ronde organisée par l'OGBL
24-10-2013


OGBLAlors que chaque jour apporte son lot de restructurations et de fermetures d’entreprises, "une politique industrielle est-elle encore possible en Europe ?" La question était clairement posée à l’occasion d’une table ronde organisée par la Kulturfabrik et l’OGBL le soir du 24 octobre 2013, qui s’intégrait dans le cadre du projet culturel européen itinérant "L’Homme qui", qui développe une réflexion sur la reconversion industrielle au travers d’une série d’activités artistiques, culturelles et citoyennes.

Une table ronde qui s’est articulée autour de la présentation du chercheur-formateur au Gresea (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative) basé à Bruxelles, Bruno Bauraind, dont les travaux portent sur le syndicalisme européen d'entreprise et les restructurations transnationales. Etaient également autour de la table Dan Kersch, membre de l’OGBL, maire de Mondercange, élu député en 2013, et surtout membre du Comité des Régions, dont il est rapporteur de l’avis consacré au plan d’action de la Commission européenne pour une industrie sidérurgique compétitive et durable; Jean-Claude Bernardini, secrétaire syndical de l’OGBL depuis 1994 où il est responsable du secteur de la sidérurgie; et Jean-Claude Reding, président de l’OGBL depuis 2004 et membre du comité exécutif de la Confédération européenne des syndicats (CES).

Bruno Bauraind: l'avenir de l'industrie européenne dépendra de la coordination des politiques nationales

ogbl-bauraindParticulièrement au fait du dossier ArcelorMittal qu’il étudie depuis deux ans, Bruno Bauraind a tout d’abord insisté sur la dimension européenne de la politique de restructuration du sidérurgiste. "Il s’agit d’une restructuration transnationale, donc il s’agit d’une problématique européenne: les restructurations que connaissent aujourd’hui la Roumanie et la Pologne sont à peu près en termes d’emploi de la même ampleur que celles qu’ont connu la sidérurgie de l’Ouest européen dans les années 1980", explique-t-il.

Un syndicalisme européen de "gestion des restructurations"

Selon le chercheur, l’approche actuelle des restructurations est souvent réductrice. "Le moteur de la restructuration c’est l’acteur privé, l’entreprise. Or quand on pose la question de la politique industrielle, il faut la poser sur la base des systèmes industriels." Un système industriel c’est "d’abord les interactions entre un certain nombre d’acteurs", a-t-il souligné. L’entreprise bien évidemment, mais aussi l’Etat, les organisations syndicales, voire l’ensemble du bassin économique régional qui est également touché par les restructurations. "On ne peut pas comprendre une restructuration dans le monde industriel sans comprendre les relations et les rapports de force qui s’articulent entre les différents acteurs".

Pour ce qui est d’un syndicalisme européen d’entreprise, tout juste émergent, l’économiste hétérodoxe du réseau Econosphères estime qu’il n’existe qu’au travers de la réponse qu’il essaye de donner à des restructurations. "Un tiers des accords d’entreprise portent sur les restructurations. Donc là où le syndicalisme national en Europe s’est plutôt construit sur des revendications d’ordre salarial ou de temps de travail, le syndicalisme européen d’entreprise se construit par rapport à la gestion des restructurations."

Le chercheur note d’ailleurs que "les restructurations d’aujourd’hui ne sont pas celles d’hier. Elles demandent donc une réponse différente". Si, selon les chiffres de l’observatoire européen des restructurations, depuis 2005, leur nombre est resté stable chaque trimestre, avec entre 350 et 500 cas dans les entreprises sur le sol de l’UE, leurs conséquences, notamment sociales, se sont accentuées.

La restructuration comme "outil stratégique managérial"

Bruno Bauraind a ainsi mis en évidence trois caractéristiques des restructurations actuelles. Premièrement, celles-ci ne sont plus forcément liées à des cycles économiques. "C’est une stratégie managériale constante d’adaptation d’entreprise."

"Dans les années 1960-70, les restructurations étaient plutôt liées à des cycles économiques, ce qui est le cas de la sidérurgie. La restructuration majeure du secteur, via le plan Davignon en 1977, était liée à une crise de surcapacités. Aujourd’hui, cela peut paraître choquant, la restructuration est devenue l’outil d’une politique managériale qui sert à adapter constamment les frontières de l’entreprise à la valeur actionnariale. Il n’y a pas pour autant aucun problème de surproduction en Europe, mais s’il n’y avait pas eu de crise ce n’est pas pour ça qu’il n’y aurait pas eu de restructurations dans la sidérurgie", estime-t-il.

Là où le chercheur note en revanche une différence, c’est en termes de pertes d’emploi depuis 2009. "Dans des secteurs comme la sidérurgie, on voit clairement qu’avant 2009, on avait des restructurations qui parfois augmentaient le périmètre de l’entreprise. Désormais, on a toujours le même nombre de restructurations en moyenne mais par contre on a un déficit net en termes d’emplois."

Restructurations "en cascade" et "fragmentation des collectifs de travail"

La deuxième caractéristique de l’évolution des restructurations serait particulièrement liée à l’évolution de la firme multinationale dans les années 1980. "On assiste à des phénomènes de restructuration en cascade. Certains chercheurs parlent de 'PMisation' de l’entreprise ou de firme réseau, avec notamment un recours accru à la sous-traitance", analyse-t-il.

La restructuration d’une entreprise multinationale va causer "une cascade de conséquences, en termes de coût social et d’emploi, sur des sous-traitants, des petites PME, des fournisseurs, etc." Dans le cas de Ford Genk en Belgique qui a fermé en 2012, le chercheur a souligné qu’en plus de 4 000 emplois directs, selon ses estimations, sur deux années, cette cascade de restructurations coûterait 12 000 emplois dans le bassin d’emploi régional.

L’entreprise réseau et les restructurations en cascade rendent la réponse syndicale de plus en plus difficile. "Dans les PME en Belgique il n’y a pas de délégations syndicales et même dans les tentatives au niveau de la négociation ou des actions syndicales, on constate qu’il n’est pas simple de lier le sort des sous-traitants avec celui de l’entreprise mère."

Cet effet de mise en concurrence ou de fragmentation des collectifs de travail rend difficile une réponse syndicale, déjà à l’échelle de certains sites de production.

L’Etat "n’est désormais plus l’architecte" des restructurations en Europe…

Troisièmement, d’après le chercheur,  l’Etat n’est plus l’architecte des restructurations, contrairement à ce qui se passait précédemment.

"L’exemple des années 1980 dans la sidérurgie est très parlant: suite au plan Davignon de la Commission européenne qui introduisait des quotas de production, il y a eu des nationalisations. Avec une grande différence: l’existence d’un vrai projet industriel derrière ces restructurations, une volonté de conserver un outil industriel et des capacités de production. Il y avait aussi bien sûr l’idée de les rendre plus compétitifs et concurrentiels, mais il y avait un véritable projet industriel derrière", constate-t-il.

"Est-ce que ça a eu un coût social moindre? Je ne suis pas sûr. Mais avec Mittal on a du mal à voir quel est le projet industriel. Je veux bien qu’on m’explique qu’il y a besoin de restructurer cette entreprise parce qu’il y a des surcapacités, des gains de productivité, etc., mais on n’arrive pas à voir quel est l’avenir de ce groupe en Europe", poursuit le chercheur.

Selon le cabinet d’analyse Syndex, s’il devait y avoir une reprise du marché automobile, l’Europe ne serait plus capable, avec les outils de production restants, d’être autosuffisante en termes d’aciers plats. "Donc il faudra importer. Cela n’est pas le problème de Mittal qui peut importer des capacités d’acier d’ailleurs, mais c’est au minimum une incohérence, pour ne pas dire autre chose, si on veut penser une politique industrielle européenne".

… mais l’Etat en Europe est devenu un "gestionnaire a posteriori"

Bruno Bauraind note qu’en Europe, la capacité d’action a priori de l’Etat sur les structures industrielles pour essayer de trouver des alternatives à une restructuration semble avoir disparu au profit d’une gestion a posteriori d’accompagnement. "On a vu des plans alternatifs proposés par les syndicats et avalisés par les autorités en Belgique, mais la question d’une nationalisation n’a jamais été une véritable possibilité d’action politique", insiste-t-il.

Or si l’Etat en Europe n’est plus architecte des restructurations, ce n’est pas le cas ailleurs, avance l’économiste. "Les USA ont nationalisé l’automobile, ça s’est fait à la mode cow-boy, ça a coûté des emplois et causé une pression très forte sur les salaires, mais les trois grandes firmes automobiles ont survécu alors qu’elles étaient en faillite, donc le coût social aurait été encore plus grand sans action."

Quelle réponse l’organisation syndicale peut-elle dès lors apporter aujourd’hui? Dans des entreprises multinationales comme ArcelorMittal, le niveau minimum selon le chercheur est le niveau européen. "Ce qui pose une question: comment construire un syndicalisme européen de terrain dans les entreprises? Donc comment identifier les travailleurs luxembourgeois, belges, français, espagnols ou roumains à des enjeux qui sont européens?"

L’émergence d’un syndicalisme européen chez ArcelorMittal

Selon le chercheur, l’analyse du cas d’ArcelorMittal serait très intéressante de ce point de vue. Depuis 2008-2009, celui-ci note l’émergence d’une délégation syndicale européenne, "une première dans une entreprise multinationale". A côté du conseil d’entreprise européen s’est formé un groupe de dialogue social, qui était composé d’une part du banc patronal, et de l’autre d’une forme de délégation syndicale qui comptait un représentant par pays.

"Pourquoi était-ce déjà une énorme avancée, parce qu’on avait du mal à croire, en particulier en Belgique, qu’un des deux principaux syndicats accepte de se faire représenter par l’autre dans une instance européenne, la question pouvant aussi se poser au Luxembourg."

Cette délégation émanait de la signature en 2009 d’un accord d’anticipation du changement et de gestion des restructurations, qui prévoyait de passer la crise sans licenciements secs et sans fermetures définitives de sites. "Dans la pratique cet accord a été quelque peu piétiné. Pourquoi n’a-t-il pas eu les résultats escomptés ? D’abord parce qu’on se trouve dans un cadre d’absence totale de droit social européen, donc ces accords restent volontaires". En cas de non-respect, aucune possibilité de recours en justice ou ailleurs n’existe.

Le chercheur s’interroge donc: "Ces accords sont-ils un levier pour construire un droit social européen ou bien sont-ils signés en échange d’une relative paix sociale sur les sites? Il y a des effets pervers et des effets positifs. Mais les organisations syndicales doivent continuer à essayer de retrouver une négociation au niveau européen dans les entreprises, qui est nécessaire si on veut développer un syndicalisme européen de terrain".

"Faire des actions au niveau européen, c’est une bonne chose – et ce fut le cas le 7 décembre 2011 chez ArcelorMittal où dans neuf pays, il y a eu des arrêts de production simultanés, ce qui n’était quasiment jamais arrivé dans l’histoire européenne – mais à partir du moment où il n’y a pas de table de négociation européenne, après les actions, chacun retourne à sa table nationale", constate-t-il en effet.

D’après le chercheur, cette émergence syndicale européenne chez ArcelorMittal serait aussi le fruit de la stratégie de la firme. "Entre 2008 et 2010, près de 17 hauts fourneaux sur les 25 que compte l’Europe sont à l’arrêt, mais aucun n’est annoncé comme fermé définitivement. Donc l’effort de restructuration est partagé entre les pays, ce qui a créé une communauté d’intérêts pour les syndicats et qui a permis d’être un levier vers une action syndicale en 2011".

A partir de la première fermeture définitive d’un haut fourneau en octobre 2011, le contexte avait changé. Dès lors on observe un repli des organisations syndicales vers le niveau national en raison de la mise en concurrence, estime Bruno Bauraind. "Était-ce voulu par ArcelorMittal? On ne sait pas, mais en tout cas par sa stratégie de restructuration, il a permis la création d’une solidarité européenne qu’on voit peu dans ces organisations."

Deuxième facteur important selon le chercheur, la question du métier. "Le fait qu’il n’y a qu’un métier, celui de sidérurgiste, a permis d’aller plus loin, en créant de la confiance et en permettant d’avancer."

La question de l'absence de "projet industriel"

Si le syndicalisme européen d’entreprise a besoin pour se développer d’un droit social européen, il a besoin aussi d’un projet industriel européen, note Bruno Bauraind. "Le plan Tajani (du nom du commissaire européen chargé de l’industrie) est intéressant car c’est la première fois depuis 1977 qu’il y a véritablement un plan pour la sidérurgie européenne. Après son ampleur laisse beaucoup de gens sur leur faim".

Le chercheur juge ainsi que le problème de la sidérurgie est avant tout un problème de coordination des  politiques nationales, plus que de directives qui viendraient de la Commission européenne. « Je n’en attends rien en matière de stratégie industrielle parce qu’on connaît les rapports de force au sein de cette institution et que l’Europe, on doit l’accepter ou pas mais alors tant pis, est construite sur le principe de concurrence libre et non faussée et de libre-échange. Je ne pense donc pas que face à l’ampleur du désastre industriel que connaît la sidérurgie que la Commission qui va pouvoir apporter toutes les solutions. Mais une réponse politique, qui n’est pas liée à l’Europe mais à une coordination des politiques nationales dans le cadre de l’Europe, n’a jamais vu le jour. Donc il n’y a pas de politique industrielle européenne mais des politiques de compétitivité", regrette-t-il.

La politique industrielle des Etats européens se contenterait d’essayer d’attirer l’investissement direct étranger sur leur territoire, ce qui a des effets sur la politique fiscale, sur la politique salariale, etc. "La concurrence est plus forte aujourd’hui entre Etats membres car les actions de l’un en la matière poussent les autres à réagir, et donc on assiste à un détricotage des modèles sociaux européens justement parce qu’on n’a pas de politique industrielle européenne ou de coordination des politiques nationales", conclut-il.

Dan Kersch: un timide début de politique industrielle commune

ogbl-kerschLe maire socialiste de la petite commune de Mondercange depuis 2005, Dan Kersch, a pour sa part évoqué l’avis du Comité des Régions sur le plan d’action de la Commission pour une industrie sidérurgique compétitive et durable, dont il est le rapporteur. S’agit-il alors d’un début de politique industrielle européenne? Celui-ci hésite.

"Il faut néanmoins même aviser le fait que la Commission semble avoir compris le rôle déterminant de la sidérurgie pour toute l’économie industrielle en Europe, ce qui auparavant n’était pas le cas. Depuis le plan Davignon on a été confrontés à une politique du laisser-faire économique avec les évolutions néfastes qu’on connaît, tant pour la politique industrielle qu’au niveau du développement social des régions concernées", a-t-il expliqué.

Le rapporteur est revenu sur les points les plus importants de l’avis à ces yeux. Tout d’abord  le fait qu'il exprime clairement que toutes les mesures proposées par le plan ne peuvent être une fin en soi mais qu’elles doivent être impérativement accompagnées d’efforts du secteur industriel en faveur d’investissements et de la création d’emploi sur les sites. "Ce dernier aspect a été négligé par le plan d’action. C’est très bien de parler d’augmenter la compétitivité des entreprises européennes, mais la chose la plus importante est le maintien des sites et des emplois", a-t-il jugé.

Celui-ci  a encore noté sa satisfaction que le Comité ait intégré dans son avis la nécessité de l’implication des communes et des régions dans la politique industrielle en général et dans la politique de développement du secteur de la sidérurgie en particulier, "autre aspect qui a été négligé par la Commission", selon Dan Kersch. "Je suis très fier par ailleurs que le Comité ait réussi a intégrer un point qui reconnaît l’importance du dialogue social."

Jean-Claude Bernardini: une politique industrielle européenne est cruciale

ogbl-bernardiniLe syndicaliste responsable du secteur de la sidérurgie pour l’OGBL, Jean-Claude Bernardini, est de son côté revenu sur la question de la possibilité d’une politique industrielle, dont les organisations syndicales luxembourgeoise, française, et belge ont montré selon lui la possibilité. "Chaque délégation a réussi à élaborer de son côté un plan de survie pour le maintien des sites de production, qui nécessitaient effectivement de l’investissement. Mais ArcelorMittal a investi beaucoup d’argent d’un côté dans la rémunération du capital, de l’autre pour maintenir ses outils, donc cet argent aurait pu être utilisé pour investir dans les outils de production."

Jean-Claude Bernardini note cependant que la tentative de coordination des actions au niveau des trois pays, qui avait pourtant vu des réunions au niveau des ministres de l’Economie, a échoué. "Cela parce qu’a priori la politique industrielle ne le permettait pas, vu qu’elle n’existait pas, et n’existe toujours pas aujourd’hui, même s’il y a un début au niveau européen. Elle n’existait pas non plus au niveau national. Le Luxembourg fait exactement comme la Belgique en cherchant à créer une plus-value en attirant toute une série d’entreprises notamment dans la logistique. Les Belges font la même chose et les Lorrains aussi, mais je ne suis pas sûr que la région pourra survivre juste avec la logistique et sans production."

Le syndicaliste souligne malgré tout certaines différences dans la manière dont cela a été traduit dans les trois  pays. "A Liège cela a été fait avec la collaboration de l’Université de Liège, avec l’aide et le soutien des autorités politiques et tous syndicats confondus. En France ça a donné lieu à un dossier parlementaire qui a conduit au vote d’une législation qui interdit de fermer une entreprise quand elle est rentable. Elle est venue un peu tard, après les fermetures ordonnées par ArcelorMittal,mais enfin elle a le mérite d’exister."

Au Luxembourg la situation était différente assure-t-il, car c’est le syndicat OGBL seul qui a présenté un plan alternatif. "Ce plan a été audité grâce au soutien du ministère de l’Economie, mais on nous a en même temps interdit de publier l’audit, en justifiant d’une série d’éléments confidentiels. Donc à quoi sert un audit qui finalement nous donne raison sur les mesures à prendre et les investissements à réaliser si tout compte fait on ne peut pas l’utiliser. Désormais il faudrait faire pression sur le prochain gouvernement pour mettre en place une série de levier. Il faut s’interroger. Quelle politique industrielle veut-on avec quels moyens, quelle dimension sociale dans la politique industrielle, quel accompagnement, quelles formations, quelles conditions etc.?"

L’importance des normes a également été mise en avant par le syndicaliste, qui estime que les  normes sociales, de sécurité et autres pourraient aussi servir comme moyen d'appliquer un protectionnisme aux frontières. "Il ne faut pas avoir peur, y compris dans une Europe libérale, de parler de protectionnisme", a-t-il martelé. 

Jean-Claude Reding: les politiques économique et sociale passent par la politique industrielle

ogbl-redingLe président de l’OGBL, Jean-Claude Reding, a conclu la table ronde en exprimant son regret de voir une si faible audience pour un tel débat qui évoquait politique européenne, de politique industrielle, du rôle du syndicalisme, qui concernent donc directement l’avenir. "Peut-être justement parce qu’on parle de politique européenne, c’est toujours difficile de motiver les gens à participer à un tel débat."

Jean-Claude Reding est notamment revenu sur la communication de la Commission sur la dimension sociale de l’UEM, déplorant l’absence de mention de la politique industrielle pourtant cruciale à ses yeux. "Finalement, la politique sociale dans ce domaine se réduit à essayer d’accompagner les choses et de, au mieux, veiller à ce qu’il n’y ait pas trop de misère", a-t-il jugé. "Je crois que c’est là une des explications du désenchantement de beaucoup de gens par rapport à ce projet européen, l’absence de propositions concrètes pour avancer, et l’absence de politique industrielle européenne."

Pour le syndicaliste se pose une question d’organisation de la démocratie sociale dans nos sociétés et notre économie. Celui-ci juge en effet que la société souffre d’un manque de démocratie sociale: les salariés et leurs représentants ne disposeraient pas de suffisamment de droits de participation dans les décisions prises en la matière. "Sans droit, il est difficile d’intervenir avec des propositions alternatives. Donc nous avons besoin de changements législatifs qui donnent davantage de droits aux délégués et représentants du personnel."

Revenant sur la logique financière qui a remplacé la logique industrielle, Jean-Claude Reding a également soulevé la question du rôle des pouvoirs publics, jugeant qu’il fallait mettre de plus en plus en avant la question de la nécessité pour eux de jouer un rôle de constructeur et non seulement d’accompagnement d’une politique économique et industrielle. "Aujourd’hui on a toujours une optique économique libérale avec au maximum un accompagnement social. Mais avec ça on n’a aucune vision de comment se construit une économie de l’avenir."

"Quel peut être alors le rôle du syndicalisme? Face au désarroi, peut-on encore changer quelque chose et ne pas être tout le temps sur la défensive? Comment avoir à nouveau une politique plus offensive, comment construire notre avenir? Je crois que nous devons devenir beaucoup plus européens et construire un syndicalisme européen, et cela changera aussi nos habitudes et notre approche. Il faudra abandonner l’esprit de chapelle, l’esprit national et créer une unification bien plus profonde. Cela signifie aussi qu’il faudra dépasser le pluralisme syndical, je suis très clair là-dessus, je ne vois pas comment on peut peser sur la politique européenne avec un pluralisme syndical dans chaque pays", a-t-il conclu.