Le scandale sur la surveillance de masse des communications électroniques des citoyens européens notamment par les services de renseignement américains continue d'animer le Parlement européen. Sa commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) se penchait le 9 janvier 2014 sur le projet de rapport concernant les implications des révélations d’Edward Snowden, l’ancien consultant des services de renseignement extérieur des USA, la National security agency (NSA) sur les activités d’écoute et de surveillance massive des communications électroniques dans l’Union européenne notamment par cette agence.
Ce document, qui est ouvert au dépôt d’amendements jusqu’au 22 janvier, se veut relativement sévère sur les pratiques révélées par le lanceur d’alerte. Présenté par le député S&D Claude Moares, le projet met en évidence que les activités de la NSA, mais aussi de son équivalent britannique (GCHQ) notamment, apparaissent illégales et ont profondément mis à mal la confiance entre des pays se considérant traditionnellement comme des alliés. Le rapport met aussi en évidence une collecte de données à une échelle jamais encore vue réalisée de manière indiscriminée, mettant en doute l’argumentaire de lutte contre le terrorisme avancé par les autorités américaines pour se justifier.
Lors du débat en commission, la question de l’audition de l’ancien collaborateur de la NSA, réfugié en Russie depuis ses révélations, a fait l’objet d’un nouveau vote lors duquel les députés se sont prononcés très largement en sa faveur. La commission LIBE a ainsi autorisé, par 36 voix pour, 2 contre et 1 abstention cette audition qui devrait se dérouler par vidéoconférence interactive, Edward Snowden, poursuivi par les USA qui réclament son extradition, ne pouvant se rendre à Strasbourg ou à Bruxelles.
La vidéoconférence interactive était la condition posée par les députés du PPE, qui ne souhaitait pas offrir une tribune au jeune lanceur d’alerte sans possibilité de débat contradictoire. La possibilité d’une vidéo préenregistrée, afin d’éviter de permettre la localisation précise du témoin, avait en effet été évoquée. Toutes les conditions seront désormais réunies pour "garantir la sécurité" d’Edward Snowden, qui encourt 30 ans de prison aux États-Unis pour violation de l'Espionnage Act et vol de documents appartenant à l'État, s’est félicitée l'eurodéputé PPE française, Véronique Mathieu Houillon, citée par l’AFP.
L’invitation a été transmise à Edward Snowden et ses avocats, qui doit encore marquer son accord ou non. En cas de réponse favorable, une série de questions lui sera transmise et un calendrier pour l’audition sera défini. Si un accord est trouvé, l'audition, ouverte à tous les eurodéputés, pourrait se dérouler devant la commission LIBE d'ici "fin février", a encore précisé Véronique Mathieu Houillon.
De son côté, l’eurodéputé vert allemand Jan Philipp Albrecht s’est satisfait du vote en commission. "De cette manière le Parlement envoie un signal important quant au rôle du témoin central dans le scandale de la NSA. Compte tenu des activités des services secrets européens, de nombreuses questions restent ouvertes. Malheureusement, il est actuellement peu probable que Snowden s'engage dans une audition en direct par vidéo, compte tenu de son séjour incertain en Russie. De ce fait il est d’autant plus important que le Parlement européen se prononce en faveur d'une protection des témoins et que les États membres permettent, à travers l'octroi de permis de séjour, une audition sûre" de l’ex-consultant a assuré l’eurodéputé.
Celui-ci déplore néanmoins le peu de probabilité pour l’audition de se dérouler avant le vote final du rapport en commission LIBE, prévu le 23 janvier.
En revanche, le groupe CRE s’est opposé à l’audition d’Edward Snowden. Suite au vote de la commission, l'eurodéputé conservateur britannique Timothy Kirkhope, a estimé que l'invitation offerte au consultant américain était "hautement irresponsable" et portait atteinte à "la crédibilité du Parlement". Le groupe CRE préfère tout de même que le consultant "soit questionné et mis au défi plutôt que lui soit donnée une tribune libre". "Au moins, si Snowden veut témoigner, il va maintenant avoir à sortir de l'ombre et risquer que sa localisation soit découverte", a ajouté Timothy Kirkhope, selon des propos rapportés par l’Agence Europe.
Dans un article du quotidien britannique Guardian, l’eurodéputée britannique Sarah Ludford (ALDE) a dénoncé la position des conservateurs. "Ignorer Snowden est absurde. La question de savoir si les services de renseignement sont hors de contrôle mérite un examen sérieux en Europe comme aux Etats-Unis. Le refus des conservateurs est totalement en décalage avec l'opinion majoritaire sur les deux continents, y compris celle des républicains aux États-Unis et celle du parti de centre-droite d’Angela Merkel en Allemagne. Mais leur ligne est conséquente avec le refus obstiné de conservateurs à Westminster de clarifier et de renforcer les garanties par rapport à l'espionnage mené par le GCHQ."