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Protection des consommateurs - Santé
Trois ans après leur adoption, les nouvelles règles européennes d'étiquetage des denrées alimentaires, censées le rendre plus clair et lisible, entrent en vigueur
11-12-2014


tracabiliteTrois ans après leur adoption, les nouvelles règles européennes d'étiquetage des denrées alimentaires entreront en vigueur le 13 décembre 2014. Le règlement 1169/2011 doit aider les consommateurs de l'UE à manger plus sainement et les personnes souffrant d'intolérances alimentaires à être mieux protégées, a annoncé le 11 décembre la Commission européenne.

Elle avait laissé aux entreprises du secteur alimentaire trois ans pour se conformer aux nouvelles dispositions "afin de passer sans heurts au nouveau système d'étiquetage des denrées alimentaires préemballées et non préemballées", note la Commission dans son communiqué. Des denrées alimentaires mises sur le marché ou étiquetées avant le 13 décembre 2014 pourront être mises sur le marché jusqu'à épuisement des stocks.

Quant à la déclaration nutritionnelle, les entreprises disposeront de deux années supplémentaires pour appliquer les règles. Ainsi, les mousses au chocolat ou saucissons pourront par contre rester en vente sans étiquetage nutritionnel (valeur énergétique, teneur en sel, sucre, matières grasse, acides gras saturés, glucides, protéines). L'affichage de ces données ne deviendra obligatoire qu'au 13 décembre 2016.

Le contexte

Le règlement avait été adopté en juillet 2011 suite à un compromis avec le Parlement européen. Un accord politique avait déjà été atteint en décembre 2010 lors du Conseil EPSCO.

Sous pression de l'industrie agroalimentaire, le principe d'une signalisation à la manière des "feux tricolores", qui consiste à caractériser en rouge, orange ou vert la teneur en sucres ou graisses, n’a pas été retenu, ce qui avait été regretté par les Verts et les de consommateurs européennes, désireux de lutter contre l'obésité. L’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC) avait pour sa part critiqué que le Conseil ait "subordonné les intérêts de la majorité de la population à ceux de l’industrie", en considérant que ""l’objectif visé, à savoir résoudre le problème du surpoids et de l’obésité tout en offrant au consommateur une indication simple et compréhensible des valeurs nutritives, a été "sacrifié en faveur des intérêts mercantiles de l’industrie alimentaire".

Le Bureau européen des consommateurs (BEUC) avait critiqué qu’il n’y ait pas d’information nutritionnelle sur la face de l’emballage, mais seulement au dos. L’ancien commissaire à la protection des consommateurs, John Dalli, avait lui aussi reconnu que le texte aurait pu aller plus loin sur les mêmes points et regretté que les boissons alcoolisées ne soient pas concernées par la nouvelle réglementation. Selon l’accord politique, la Commission devrait "toutefois examiner dans un délai de cinq ans à compter de l'entrée en vigueur du nouveau règlement si cette exemption est toujours justifiée".

Les nouvelles règles en détail

  • une présentation harmonisée et plus claire de 14 allergènes, tels que le soja, les fruits à coque, le gluten ou le lactose, y compris pour les produits non préemballés (comme dans les restaurants) ;

  • l’indication obligatoire de l’origine, introduite en 2000 seulement pour la viande porcine suite à la crise de la vache folle, sera étendue aux viandes porcine, ovine, caprine et la viande de volaille fraîches (l’origine étant défini comme le pays d’élevage et le pays d'abattage et non pas le pays de naissance, ce qui conteste le Parlement européen comme on peut lire plus en bas) ;

  • les informations spécifiques concernant l’origine végétale des huiles et graisses raffinées (s'agit-il d'huile de palme, de tournesol ou autre) ;

  • les indications claires "viande reconstituée" ou "poisson reconstitué";

  • la signalisation claire des produits décongelés ;

  • des exigences identiques en matière d'étiquetage pour la vente en ligne, la vente à distance et la vente en magasin ;

  • le renforcement des règles visant à empêcher les pratiques trompeuses ;

  • l'indication des ingrédients de substitution pour les succédanés alimentaires et

  • une meilleure lisibilité des informations (taille de police minimale pour les informations obligatoires).

L’indication "pays de naissance" est seulement obligatoire pour la viande bovine, ce que le Parlement européen a tenté en vain de changer

Pour rappel, depuis 2002, les organisations qui commercialisent de la viande bovine, européenne ou importée, doivent indiquer le pays de naissance, le pays d’élevage et le pays d'abattage des animaux. Selon le règlement d’exécution 1337/2013, publié le 13 décembre 2013 au Journal officiel, ces règles seront également valables à partir du 1er avril 2015 pour l’étiquette des viandes fraîches, réfrigérées et congelées des animaux des espèces porcine, ovine, caprine et des volailles, mais à l’exception du pays de naissance. Par ailleurs, le règlement permet de considérer comme lieu d’élevage, le dernier pays dans lequel un porc fut élevé pendant quatre mois d’affilée, un poulet pendant un mois et un mouton ou une chèvre pendant six mois de suite. Il prévoit que pour les viandes en provenance de pays tiers, la mention "hors UE" puisse suffire pour le lieu d’élevage. Les exploitants prouvant aux autorités compétentes que les viandes proviennent d’animaux nés, élevés et abattus dans un seul Etat membre ou pays tiers pourraient indiquer le pays d’"origine".

Le Parlement européen avait alors invité la Commission européenne à revenir sur ce règlement d’exécution, dans une résolution adopté en février 2014 en séance plénière qui suivait l’avis de sa commission environnement. "Les consommateurs souhaitent avoir une vue d'ensemble de la chaîne d'approvisionnement de la viande. C'est pourquoi je demande que les lieux de naissance, d'élevage et d'abattage apparaissent sur l'étiquette", avait alors affirmé la rapporteure du texte, la britannique Glenis Willmott (S&D). Mais le Conseil Agriculture avait rejeté en juin 2014 la position du Parlement européen, certains Etats jugeant qu’il était allé trop loin. Le Luxembourg avait alors estimé que la résolution parlementaire n'était pas fondée en droit et que l'acte d'exécution de la Commission devrait être maintenu en l'espèce.

Un rapport de la Commission avait conclu que si les consommateurs sont intéressés par une indication de l’origine de la viande, ils ne sont pas disposés à payer les hausses de prix inhérentes à cet étiquetage car plus l'indication sera précise, plus les coûts seront élevés.

Le problème de définition des nanomatériaux manufacturés

Le règlement de 2011 prévoit que tous les ingrédients présents sous la forme de nanomatériaux doivent être clairement indiqués dans la liste des ingrédients et les noms de ces ingrédients doivent être suivis par le mot "nano" entre parenthèses. Il s’agit de minuscules structures d'à peine un milliardième de mètre (nanomètre). Susceptibles de figurer par exemple dans des desserts chocolatés, charcuteries ou soupes, ces matériaux minuscules sont soupçonnés de pouvoir nuire à la santé humaine.

Or, en décembre 2013, la Commission européenne avait proposé dans règlement délégué de préciser la définition d’un nanomatériau manufacturé : "on entend tout matériau fabriqué intentionnellement, contenant des particules, dans un état non lié ou comme un agrégat ou sous forme d'agglomérat et où, 50 % ou plus des particules dans la répartition numérique par taille présentent une dimension entre 1 nanomètre (nm) et 100 nm". Elle avait en plus prévu une exemption générale pour les additifs alimentaires, justifiant ce choix par le fait que "l'indication de tels additifs alimentaires sur la liste des ingrédients suivis du mot 'nano' entre crochets risque de jeter la confusion parmi les consommateurs, car elle peut laisser entendre que ces additifs sont nouveaux, alors qu'en réalité, ils sont utilisés sous cette forme dans les denrées alimentaires depuis des décennies".

Le Parlement européen avait rejeté cet acte délégué en mars 2014, en qualifiant cette justification d’ "erronée et hors de propos", puisque le règlement "ne prévoit aucune distinction entre les nanomatériaux existants et les nouveaux nanomatériaux, mais requiert explicitement l'étiquetage de la totalité des ingrédients présents sous la forme de nanomatériaux". En novembre 2014, le Parlement européen a proposé un moratoire sur l'utilisation des nanomatériaux dans les aliments, en vertu du principe de précaution. Les députés estiment que des aliments dont le processus de production exige une évaluation des risques - incluant les nanomatériaux - ne devraient pas être autorisés avant d'être approuvés par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Pour rappel : En réponse aux cas de fraude alimentaire, parmi lesquels la commercialisation de viande de cheval comme du bœuf, les eurodéputés avait également adopté en janvier 2014 une résolution pour amener l’Union à revoir le fonctionnement de la chaîne alimentaire, renforcer les contrôles et réviser la législation en matière d’étiquetage.