Dans un arrêt rendu le 20 septembre 2016 dans l’affaire T‑51/15, le Tribunal de l’Union européenne a annulé une décision de la Commission refusant à l’association Pesticide Action Network Europe (PAN Europe), qui se consacre notamment à la lutte contre les substances perturbant le système endocrinien, l’accès à 17 documents relatifs aux perturbateurs endocriniens.
La Commission, qui avait autorisé l’accès, total ou partiel, à un certain nombre des documents que souhaitait consulter l’association, arguait que la divulgation de ces documents aurait risqué de porter gravement atteinte au processus décisionnel. La Commission estimait que "la divulgation prématurée de ses réflexions internes à un moment où la question restait encore ouverte et faisait l’objet d’une importante évaluation interne porterait gravement atteinte à son processus décisionnel, alors qu’elle devrait rester libre d’explorer toutes les options possibles dans ce domaine sensible, sans subir de pressions externes".Elle estimait notamment que "le risque d’une ingérence de parties externes et de pressions abusives n’était pas hypothétique, étant donné que la divulgation demandée portait sur le sujet sensible des perturbateurs endocriniens, qui avait reçu beaucoup d’attention provenant de l’extérieur, de la part d’organisations et de représentants d’intérêts". Selon elle, "une divulgation prématurée au public des documents susmentionnés porterait également atteinte à sa marge de manœuvre et diminuerait fortement sa capacité à contribuer à obtenir des compromis en interne".
PAN Europe, qui était soutenu par la Suède dans cette affaire, affirmait au contraire que la divulgation d’informations concernant la fixation des critères scientifiques relatifs aux perturbateurs endocriniens pouvait servir le débat démocratique.
Dans son arrêt, le tribunal reconnaît que "la protection du processus décisionnel contre une pression extérieure ciblée peut être de nature à constituer un motif légitime pour restreindre l’accès à des documents relatifs à ce processus décisionnel". Pour autant, dans cette affaire, les juges notent que "la Commission se borne à affirmer, dans la décision attaquée, que le sujet des perturbateurs endocriniens est sensible et que celui-ci a reçu beaucoup d’attention provenant de l’extérieur, de la part d’organisations et de représentants d’intérêts" et constatent que "de telles indications générales, vagues et imprécises, d’une part, ne permettent pas d’établir qu’il existerait, en l’espèce, une réelle pression extérieure dans le cadre du processus décisionnel en cause et, d’autre part, ne s’appuient sur aucun élément tangible permettant de les justifier".
"Ces indications ne sont donc pas suffisamment concrètes et étayées pour établir la réalité d’une pression et d’une ingérence extérieure, ni, a fortiori, qu’un risque d’affecter substantiellement le processus décisionnel était raisonnablement prévisible, si les documents demandés avaient été divulgués", affirment les juges qui rappellent que "la circonstance qu’un sujet est sensible et est suivi avec intérêt ne saurait constituer, en elle-même, une raison objective suffisante de craindre une atteinte grave au processus décisionnel, sauf à remettre en cause le principe même de la transparence voulu par le traité FUE".
De la même manière, le Tribunal constate que "la Commission se borne, dans la décision attaquée, à avancer des affirmations générales, vagues et imprécises et n’apporte aucun élément permettant d’établir que, en l’espèce, la divulgation des documents induirait une moindre marge de manœuvre pour elle et une plus grande difficulté à obtenir un compromis au sein de ses services". Le Tribunal affirme plus largement que "la circonstance que la marge de manœuvre et la capacité à obtenir un compromis interne seraient réduites ne saurait caractériser un risque suffisamment grave et raisonnablement prévisible pour justifier" une dérogation aux règles de transparence.
En conséquence, le Tribunal a annulé la décision attaquée.
PAN Europe a réagi dès le lendemain par voie de communiqué, saluant cette victoire comme "un bol d’air frais pour la démocratie européenne" qui va "accroître la transparence pour les Européens".
"Les arguments avancés par la Commission selon lesquels des documents seraient de "nature préliminaire" ou "à usage interne" ne peuvent plus servir pour refuser leur accès aux citoyens", se relève l’ONG qui se réjouit du fait que pour bloquer l’accès à des documents, la Commission devra avancer des arguments précis et spécifiques, ce qui "place la barre très haut" et permettra "d’éviter qu’elle n’use et n’abuse" de la possibilité qu’elle a de refuser l’accès aux documents.
Selon PAN Europe, la Commission, mais aussi d’autres institutions comme l’EFSA, auraient tendance à recourir de plus en plus souvent au droit à la "protection du processus décisionnel" pour refuser l'accès à des documents, ce qui n’était pas d'usage il y a encore quelques années. "L'attitude des institutions de l'UE en matière de transparence se dégrade et les (législateurs) préfèrent ignorer la loi et agir à huis clos, en gardant les citoyens européens à distance des décisions publiques", dénonce par conséquent PAN Europe.