Réunis à Bruxelles le 17 mars 2011, les ministres de l’Agriculture de l’UE avaient notamment à l’ordre du jour le projet de réforme de la PAC. En novembre 2010, la Commission avait présenté une communication intitulée "La politique agricole commune à l'horizon 2020 : Alimentation, ressources naturelles et territoire - relever les défis de l'avenir".
Le Conseil Agriculture du 17 mars devait permettre d’aboutir à des conclusions faisant suite aux débats qui ont lieu au cours des derniers mois. Ces débats s’étaient concentrés sur les trois principaux objectifs de la future PAC identifiés par la Commission dans sa communication, à savoir une production alimentaire viable, la gestion durable des ressources naturelles et l'action en faveur du climat et enfin le maintien d'un équilibre territorial et de la diversité des zones rurales.
Les conclusions ont finalement pu être adoptées à la majorité qualifiée, sept des vingt-sept Etats membres s’y étant opposés. Le commissaire Dacian Ciolos, qui a salué les efforts réalisés par la présidence hongroise pour arriver à synthétiser "de façon claire et cohérente" les arguments des différents Etats membres, voit cependant comme un succès cet accord trouvé sur les principes de la future PAC.
Il s’agit en effet selon le commissaire d’une "réforme consistante" de la PAC, et non d’un simple "verdissement" agrémenté de "quelques adaptations". Parvenir à un accord en est d’autant plus saluable à ses yeux, sans compter que ceux qui se sont opposés ne se sont pas dressés contre la proposition dans sa globalité, mais sur certains points précis. Le ministre hongrois de l'Agriculture Sandor Fazekas a abondé dans ce sens, se félicitant du soutien de l'ensemble des Etats européens à près de 90 % des propositions contenues dans le texte.
La balle est maintenant dans le camp de la Commission qui va présenter sur la base de ces conclusions des propositions législatives concrètes à l’automne 2011. L’entrée en vigueur de ces futurs textes est prévue pour 2014. Le commissaire en charge de l’Agriculture a souligné à l’issue de la réunion "la valeur ajoutée" apportée par les conclusions du Conseil, les ministres ayant sur certains points renforcé les propositions initialement faites par la Commission. Il s'agit "d'une bonne base pour discuter autour d'un paquet législatif" dans les prochains mois, s'est ainsi réjoui Dacian Ciolos.
Mais à en croire Romain Schneider, qui représentait le Luxembourg, les négociations qui vont suivre seront longues et ardues, ainsi qu’il l’a annoncé à Marisandra Ozolins. Le ministre de l’Agriculture luxembourgeois s’est montré en effet déçu, confiant à la journaliste du Tageblatt ses regrets quant aux désaccords qui ont marqué le Conseil malgré "les très longues discussions" sur la communication de la Commission. Les conclusions auxquelles ont abouti ces débats, le Luxembourg les a cependant soutenues, comme la majorité des Etats membres.
Dans son article publié dans le Tageblatt daté du 18 mars 2011, la journaliste rapporte que, selon Romain Schneider, les pays les plus "libéraux", comme le Danemark, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède, ont défendu ardemment "un marché ouvert", tandis que les Etats baltes ont aussi fait barrage, avec la Grèce et Malte. D’après le ministre, la pierre d’achoppement résidait pour ce dernier groupe de pays surtout dans la question de la répartition des aides directes dont l’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont jusqu’ici peu bénéficié, au contraire de la Grèce par exemple.
Les conclusions soulignent en fin de compte "la nécessité d’une répartition équilibrée" entre Etats membres qui va réduire progressivement le recours aux références historiques qui servent actuellement à déterminer la répartition des aides directes, au détriment des Etats membres les plus récents. Un compromis qu’il a été dur d’arracher et sur lequel il va falloir encore trouver un accord sur les modalités.
Comme l’a résumé le ministre à la journaliste, les conclusions soulignent par ailleurs que la future PAC va rester une politique communautaire forte et qu’elle devra être dotée de ressources financières proportionnelles à ses objectifs, sans préjuger des décisions sur les prochaines perspectives financières. Un élément qui d’après Romain Schneider n’a pas été pour plaire à ceux qu’ils qualifient de "libéraux".
Romain Schneider a souligné que certains des arguments défendus par le Luxembourg pendant les débats qui ont eu cours ces derniers mois sont bien présents dans le texte. C’est le cas par exemple du principe de simplification de la PAC tant du point de vue réglementaire que sur le plan de sa mise en œuvre sur le terrain, mais aussi du maintien des deux piliers distincts et complémentaires, de la nécessité d’aider les jeunes agriculteurs ou encore une approche simple et efficace du point de vue des coûts des questions environnementales.
Comme l’a indiqué le ministre luxembourgeois à Marisandra Ozolins, les discussions ont achoppé sur la question d’un plafonnement des aides directes aux grandes exploitations. Cette proposition avancée par Dacian Ciolos dans un souci de répondre aux préoccupations des contribuables européens a en effet rencontré une vive opposition de la part de la majorité des Etats membres. Il en allait pour le commissaire de la crédibilité et de l’intelligibilité de la PAC. Mais le texte des conclusions "prend note de l'opposition significative des Etats à l'introduction d'un plafond pour les paiements directs reçus par les grandes fermes individuelles". Le commissaire ne s’est pourtant pas laissé décourager et il a répondu à la presse à l’issue du Conseil qu’il n’entendait pas renoncer à cette idée. Il a donc l'intention de faire à l’automne une proposition qui permettra le maintien ou la hausse de la compétitivité de tous les types d’exploitation par l’intermédiaire d’instruments autres que les paiements directs.