En 2012, l’invité des Journées sociales du Luxembourg, organisées chaque année par le Luxemburger Wort et l’asbl Les Journées sociales du Luxembourg, fut Philippe Maystadt, ancien ministre belge des Finances et, jusqu’il y a peu encore, président de la BEI. Philippe Maystadt a publié récemment un ouvrage intitulé "L’Europe : le continent perdu ?".
Le sujet qui lui était proposé, c’était la crise dans la zone euro, ses développements et perspectives. Le juriste de formation a choisi de décliner le titre au pluriel et de parler des différentes crises qui se juxtaposent et jouent entre elles dans la zone euro.
La première d’entre elle, c’est la crise financière, qui a commencé aux Etats-Unis et qui est née de l’imprudence des banques outre-Atlantique, les risques s’étant répandus dans le monde par titrisation. Les banquiers européens n’ont pas manqué d’imprudence non plus, et la hausse de l’endettement privé, qui a conduit à d’énormes déséquilibres, comme l’ont montré les cas espagnol et irlandais, est entre temps devenu un endettement public,
La deuxième crise évoquée par Philippe Maystadt suit de près la première, puisqu’il s’agit de la crise de la dette souveraine qui frappe certains pays de la zone euro. Et dans ce contexte, la difficulté est de rompre le lien entre la crise du secteur bancaire et l’endettement souverain, car il y a là un cercle vicieux qu’illustre particulièrement bien l’exemple de l’Espagne, dont les finances publiques souffrent d’avoir aidé les banques en difficulté, lesquelles détiennent une grande partie des obligations espagnoles qui connaissent une forte pression sur les marchés du fait des difficultés des finances publiques… De ce point de vue, les mesures annoncées par la Commission en septembre sont une bonne nouvelle pour Philippe Maystadt.
La troisième crise que distingue Philippe Maystadt, c’est une crise de la productivité, qui croît moins vite dans l’UE qu’aux Etats-Unis. Cette différence, l’ancien président de la BEI l’explique du fait que l’Europe innove moins. Selon lui, la capacité d’innovation est en effet le seul moyen d’augmenter le potentiel de croissance dans les économies avancées. Or, l’UE accuse du retard dans ses investissements en matière de R&D et, plus largement, de "capital intangible".
Pour atteindre l’objectif qu’elle s’est fixée dans le cadre de la stratégie Europe 2020, c’est-à-dire investir, en moyenne, 3 % du PIB dans la R&D, Philippe Maystadt estime, outre le fait qu’il conviendrait d’utiliser le budget de façon plus volontariste, qu’il faut mener des réformes qui ne vont pas forcément peser sur les budgets limités en ces temps de crise. Il s’agit en effet notamment de créer les conditions pour que les entreprises investissent davantage dans la R&D. L’ancien président de la BEI, qui parle d’expérience, met l’accent par exemple sur le fait que l’UE ne dispose pas d’instrument comme le "venture capital" américain, et qu’il existe actuellement trop d’obstacles, à la fois administratifs et fiscaux, à la création de fonds de capital-risque paneuropéens. La Commission a d’ailleurs mis des propositions sur la table dans ce sens (et un accord a même été trouvé en juin entre Conseil et Parlement européen, ndlr), se félicite-t-il, soulignant que cela ne coûte rien. Autre levier d’action qui va bientôt pouvoir se faire sentir, la possibilité de déposer un brevet européen, que l’accord trouvé dans le cadre d’une coopération renforcée va enfin faire réalité.
Enfin, la quatrième crise citée par Philippe Maystadt, c’est une crise de la convergence. Contrairement aux espoirs de ceux qui ont mis en place la monnaie unique, les économies des pays de la zone euro n’ont pas convergé, mais ont même divergé. Dans certains Etats membres, la productivité a chuté entre 2000 et 2007, et la Grèce en est le pire exemple. Pour Philippe Maystadt, il y a un lien entre la détérioration de la compétitivité et les difficultés que rencontrent les pays où elle a chuté, à savoir l’Espagne, l’Italie, le Portugal et la Grèce. Et il y a dans ces écarts de compétitivité un problème de fonctionnement fondamental de la zone euro.
Face à ces quatre crises qui s’enchevêtrent, que faire ? Philippe Maystadt distingue trois grands objectifs.
Premièrement, il convient de rétablir la confiance, car sans confiance il n’y a ni consommation des ménages, ni investissements. L’ancien président de la BEI constate que les autorités européennes s’attachent à cet objectif, comme en témoignent les décisions prises par la BCE pour faciliter au secteur bancaire l’accès aux liquidités, ce qui était nécessaire selon lui, mais aussi les décisions annoncées plus récemment pour acheter des obligations à condition que les autorités politiques prennent un certain nombre de mesures, ce qui va permettre de réduire les écarts entre les taux d’intérêt et va donc limiter les difficultés à transmettre la politique monétaire liées aux divergences entre Etats. Autre exemple de cet effort pour restaurer la confiance, le progrès considérable que représente aux yeux de Philippe Maystadt la mise en œuvre du six-pack et des deux règlements qui vont le compléter, des innovations qui vont éviter un scénario à la Grecque à l’avenir. Ces textes élargissent en effet la surveillance en prenant en considération non seulement les budgets, mais aussi les déséquilibres économiques. Ils renforcent aussi la surveillance grâce à un mécanisme de sanctions plus progressif et plus crédible du fait de l’introduction de la majorité qualifiée inversée qui a un effet psychologique très différent selon l’ancien ministre belge. La preuve, glisse-t-il, c’est que les quatre pays qui ont eu des avertissements dans le cadre de cette nouvelle procédure en décembre 2011 ont entre temps fait le nécessaire pour corriger le tir. Enfin, Philippe Maystadt salue à la fois le pacte budgétaire, qui élève au rang de traité des règles de discipline budgétaire déjà existantes, et le traité établissant l’ESM, qui crée un mécanisme de solidarité à la condition de respecter le pacte budgétaire. Cet ensemble de mesures, que va venir compléter l’Union bancaire qu’il faudra un peu plus de temps pour mettre en place, devrait rétablir la confiance, augure Philippe Maystadt.
L’ancien président de la BEI insiste cependant aussi sur la nécessité de relancer l’économie à court terme. Et il évoque dans ce contexte le pacte de croissance sur lequel se sont entendus les chefs d’Etat et de gouvernement en juin dernier. Ce paquet de 120 milliards d’euros ne mérite ni excès d’honneur, ni excès de mépris, tempère Philippe Maystadt, qui est conscient que cette somme n’est pas immense, mais qui calcule aussi qu’elle représente 1 % du PIB et peut générer 180 à 200 milliards d’investissements.
Dans tous les cas, "ça vaut le coup de le mettre en œuvre rapidement le pacte de croissance", indique-t-il, convaincu qu’il est que la reprise viendra par l’investissement. La procédure qui permettra de relever le capital de la BEI devrait aboutir fin 2012.
Quant à la possibilité de réallouer des fonds structurels non utilisés de façon à soutenir l’emploi des jeunes et les PME, Philippe Maystadt a invité les DG concernées de la Commission européennes à accepter de modifier les procédures pour que cela devienne réalité. Dans son livre, Philippe Maystadt ne mâchait pas ses mots pour dénoncer une "bureaucratisation" de la Commission, qu’il illustre entre autres avec l’exemple du blocage sur les mesures destinées à soutenir d’urgence la croissance en Grèce qui n’avait toujours pas été mises en œuvre en décembre 2011 "notamment en raison de divergences de vue entre la DG Ecfin et la DG Regio sur les modalités d’utilisation des fonds structurels". "Dans son message sur l’état de l’Union de septembre 2011, le président de la Commission avait annoncé que 500 millions étaient affectés à la constitution d’un fonds de garantie pour les crédits aux PME grecques", rappelle Philippe Maystadt, soulignant qu’à à la date à laquelle il écrivait ce fonds n’était toujours pas en place. "La DG Regio veut mettre tellement de conditions (traditionnellement exigées par la Cour des comptes pour l’utilisation des fonds structurels) que la DG Ecfin estime à juste titre que le mécanisme devient trop compliqué et ingérable par les banques intermédiaires", racontait l’ancien président de la BEI pages 117-118 de son ouvrage "L'Europe : le continent perdu ?".
A plus long terme, Philippe Maystadt plaide pour une augmentation du potentiel de croissance par la mise en place de mesures structurelles. Et il rappelle que la stratégie Europe 2020 offre un cadre à un tel projet. Reste à la mettre en œuvre !
Son premier pilier met l’accent sur l’innovation, la R&D et la formation, ce qui va de pair dans la mesure où les emplois de l’avenir vont requérir toujours plus de qualifications supérieures. L’objectif d’arriver à ce que 40 % des 30-34 ans soient diplômés de l’enseignement supérieur en 2020 va demander un effort considérable, souligne-t-il, insistant sur le fait que sa remarque vaut aussi pour l’Allemagne.
Le deuxième pilier de la stratégie, qui mise sur une croissance durable, va nécessiter de rechercher des accords internationaux et d’arriver à parler d’une seule voix, au risque de ne pas arriver à atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui est sans doute un peu trop ambitieux.
Le troisième pilier de la stratégie importe tout autant que les autres, a insisté Philippe Maystadt, c’est celui de l’inclusion sociale, qu’il juge essentielle pour garder la spécificité du modèle européen. Pour ce qui est de réduire le nombre de personnes confrontées au risque de pauvreté et d’exclusion sociale. Philippe Maystadt note déjà des améliorations, en Pologne par exemple, mais il souligne aussi que l’indicateur utilisé, certes important, n’est pas suffisant pour apprécier la cohésion sociale. Et il met en garde contre le creusement des inégalités qui n’est pas conforme à la vision qu’il a de l’Europe.
Pour mettre en œuvre la stratégie Europe 2020, Philippe Maystadt juge nécessaire un engagement réel des gouvernements. Mais ils doivent, pour y arriver, avoir le soutien de la population. Et à cette fin, l’ancien président de la BEI juge nécessaire un débat démocratique en Europe. Car si la génération de l’après-guerre voyait dans la construction européenne une œuvre de paix, d’ailleurs magnifiquement réussie, c’est désormais chose acquise pour les jeunes générations, et il faut donc ouvrir le dialogue avec elles pour montrer la nécessité d’aller plus loin dans l’intégration européenne afin de faire face aux défis qui se posent. Sans perdre de vue que tout ne doit pas se régler au niveau européen.
Philippe Maystadt était ensuite invité à dialoguer avec cinq élèves du lycée Aline Mayrisch qui avait préparé leurs questions après avoir lu l’ouvrage de l’ancien président de la BEI.
Jeff lui a ainsi demandé quels étaient, à ses yeux, les atouts de la jeunesse d’aujourd’hui par rapport à la génération de l’après-guerre. "Sa jeunesse !", a lancé dans un souffle Philippe Maystadt en insistant ensuite sur son ouverture sur le monde. "Il faut que votre génération ait le courage de se donner les qualifications nécessaires", a-t-il toutefois recommandé aux jeunes lycéens, en pointant le fait que trop de jeunes choisissent d’étudier des disciplines alléchantes mais sans perspectives plutôt que de se décider pour des disciplines qui peuvent sembler plus dures, comme les sciences, l’ingénierie, qui sont pourtant prometteuses.
Yannis lui a pour sa part demandé comment remédier au manque de jeunes hautement qualifiés. Philippe Maystadt est revenu sur l’objectif fixé dans le cadre de la stratégie Europe 2020, qui est d’avoir en moyenne 40 % de diplômés de l’enseignement supérieur chez les 30-34 ans en 2020, un chiffre que les Etats-Unis ont déjà atteint par exemple. L’ancien président de la BEI relève que dans certains pays, on prend les choses au sérieux, mais que des efforts importants seront nécessaires en Italie ou en Allemagne par exemple. Au-delà des chiffres, il a mis l’accent sur l’aspect qualitatif de la formation des jeunes. La Commission essaie d’ailleurs de compléter les indicateurs actuels par des éléments qualitatifs, ce qui n’est pas simple, mais qui permet, d’après les premiers résultats de ces efforts, de constater que l’UE affiche de ce point de vue du retard par rapport à la Corée du Sud, au Canada ou encore au Japon. Philippe Maystadt a souligné aussi l’opportunité qu’il y aurait à développer des synergies entre les universités européennes de manière à promouvoir les échanges et les coopérations car, regrette-t-il, l’Espace européen de la Recherche n’est pas encore réalité.
Mais, à l’entendre parler tant des diplômés, Yannis a aussi voulu savoir s’il y aurait une Europe pour les moins qualifiés. Philippe Maystadt part du principe que les emplois qualifiés seront moins nombreux à l’avenir, mais ils ne vont pas disparaître. Pour autant, l’ancien président de la BEI se dit convaincu qu’il ne faut pas déclarer trop vite quelqu’un incapable d’acquérir des qualifications supplémentaires. Il cite l’exemple de certains pays où le taux d’emploi a augmenté grâce aux efforts de formation complémentaire des femmes. Et il appelle donc à miser sur les compléments de formation, quel que soit le niveau de qualification de base.
Kaspar, conscient des nombreux avantages des systèmes de sécurité sociale qui existent en Europe, se demande si l’Europe va encore pouvoir se le permettre, et si oui, comment. Pour Philippe Maystadt, il convient de maintenir un système de solidarité qui protège contre certains accidents de la vie, un modèle qui correspond aux valeurs européennes. Mais il est conscient que le maintien de ce modèle va impliquer des adaptations : déjà, il faut de la croissance, une croissance certes différente de celle du passé, pour pouvoir assurer le financement du système, mais ce n’est pas tout. Il va falloir aussi des réformes pour favoriser la création d’emplois (et donc augmenter le nombre de cotisants) et, sur le plan des dépenses, il va falloir revoir certaines prestations. Philippe Maystadt est par ailleurs d’avis que le financement ne peut être fondé que sur le travail et il suggère donc de s’appuyer sur d’autres types de revenus. Et, dit-il, dans la plupart des Etats membres, il va falloir augmenter progressivement l’âge moyen de départ à la retraite en tenant compte de la pénibilité de certains métiers.
Magda a souligné que tout était toujours fondé sur la croissance, mais, a-t-elle fait remarqué, la croissance implique aussi de l’endettement, ce qui risque de conduire à un cercle vicieux. "Pouvons-nous continuer ainsi ?", s’est demandé la jeune lycéenne. Philippe Maystadt a expliqué que nous avons besoin d’une croissance radicalement différente : elle doit être soutenable et ne peut être fondée sur une consommation excessive des ressources naturelles. Et les fruits de la croissance doivent être par ailleurs répartis plus équitablement, a insisté l’ancien ministre belge qui déplore que la croissance des dernières années se soit accompagnée d’un creusement des inégalités.
Hugo s’est pour sa part interrogé sur les limites à la solidarité, faisant écho à des préoccupations régulièrement exprimées dans les médias allemands. Philippe Maystadt a précisé que l’idée de l’aide à la Grèce n’était en rien de la soutenir éternellement sans condition, comme en témoignent d’ailleurs les discussions difficiles qui sont en cours à Athènes. Et, puis au-delà de ce cas très spécifique, il a expliqué qu’il faut de la solidarité dans l’UE et dans la zone euro, et qu’elle n’est pas à sens unique comme en témoigne le fait que la croissance allemande a été tirée vers le haut par des exportations qui se sont majoritairement faites dans le marché unique. Mais cette solidarité, il convient de bien l’organiser, estime Philippe Maystadt qui constate certains progrès dans ce sens. Il y a des automatismes dans les systèmes fédéraux dans la zone euro n’est pas dotée, et le budget de l’UE est si dérisoire qu’il ne peut jouer un rôle de stabilisateur. Mais l’ESM, instrument à la disposition des pays en difficulté qui jouent le jeu de l’Union monétaire, est un pas dans la bonne direction, dans la mesure où il représente une forme d’organisation de la solidarité impliquant que tout le monde en respecte les règles.
Les lycéens ont conclu en formulant leur vision d’une Europe qui a à la fois des racines, l’héritage de la solidarité et de la paix, et des ailes qui seraient le potentiel de la jeunesse d’une part, et celui de la démocratie représentative d’autre part.
Jean-Claude Juncker a conclu la soirée, faisant écho par ses remarques à l’analyse livrée par Philippe Maystadt.
Ainsi, le Premier ministre luxembourgeois partage-t-il son analyse d’une crise de la zone euro qui est en fait l’intersection de différentes crises, et il estime qu’elles sont sans doute plus que quatre d’ailleurs.
Se souvenant du temps où les deux ministres rêvaient au traité de Maastricht, Jean-Claude Juncker a rappelé qu’ils rêvaient tous deux, avec Pierre Bérégovoy et Jacques Delors, de faire de la coordination des politiques économiques un enjeu majeur de l’UEM. Mais l’Allemagne, pourtant pas avare de leçon, et les Pays-Bas n’ont, alors, pas voulu de leur projet… "Nous avons eu tort de ne pas avoir fait participer l’opinion publique, car les opinions auraient compris, et donc les parlements les auraient suivies", regrette Jean-Claude Juncker qui, méfiant à l’égard du terme de compétitivité, se dit plutôt un "fanatique de la convergence", et qui estime que le fait que les sous-économies de la zone euro n’aient cessé de diverger depuis l’introduction de la monnaie unique explique en grande partie la situation actuelle. Car si nous sommes aujourd’hui l’épicentre d’une crise mondiale, les fondamentaux de l’économie de la zone euro sont parmi les meilleurs, et ce n’est finalement qu’après l’éclatement de la crise que les finances publiques ont dérapé pour être à un niveau qui reste acceptable. Le problème de la Grèce, de l’Espagne, du Portugal, de l’Irlande, et du Luxembourg aussi d’ailleurs, c’est un problème de compétitivité, et c’est de là que découlent les problèmes budgétaires, analyse le Premier ministre luxembourgeois.
Cette crise assez sommaire, si elle s’inscrit dans un contexte de globalisation mal maîtrisée, elle est aussi liée au fait que nous ne reconnaissons plus l’Europe, que les Européens ont cessé de s’aimer, qu’ils se retranchent dans des mansardes obscures sans rien connaître les uns des autres, déplore Jean-Claude Juncker. "Que savent les Luxembourgeois des Lapons, que connaissent les Siciliens des Luxembourgeois ?", s’est-il exclamé, en soulignant que pourtant, on s’essaie à faire les mêmes règles pour tous.
Les Allemands ont peur, et il ne faut pas s’en moquer, a expliqué Jean-Claude Juncker qui sait que les craintes exprimées ne sont pas l’expression de leur égoïsme, mais le fruit d’une expérience historique que les autres ne connaissent pas. En revanche, les Allemands ne savent rien de la Grèce, et les médias ont dit des choses horribles sur ce pays, foulant au pied sa dignité. Quant aux Grecs, ils n’ont pas vu que l’Etat grec n’existe pas, ne fonctionne pas. "Je plains les Grecs qui ont de faibles revenus", a poursuivi Jean-Claude Juncker, "mais je sais aussi qu’il y a cinq pays de la zone euro où le salaire minimum est plus faible qu’en Grèce". "Qui suis-je pour expliquer à ces gens plus pauvres encore d’Espagne, de Chypre, de Malte ou de Slovénie qu’il leur faut faire des sacrifices supplémentaires pour aider la Grèce ?", s’est-il encore interrogé. Autant d’exemples illustrant les situations complexes des différents pays de la zone euro dont les Européens ne savent pas grand-chose.
"Je plaide pour la volonté de mieux savoir, de mieux connaître les territoires, leurs spécificités, leurs enjeux", a lancé en conclusion le président de l’Eurogroupe.
Pour ce qui est des "racines et des ailes" de l’Europe évoquée par les jeunes lycéens, Jean-Claude Juncker a mis en garde contre les vieux démons de la guerre, qui ne dorment pas et peuvent se réveiller très vite, comme l’a montré l’exemple du Kosovo, à 1h30 d’avion de Luxembourg. Le jour où les Européens ne sauront plus raconter l’expérience de la guerre, il faudra raconter une autre histoire, et pour cela, choisir où nous voulons aller. Car, a-t-il rappelé, nous sommes le continent le moins grand, et nous sommes en perte de vitesse démographique. L’Europe doit donc se ressaisir pour exister, maintenir son modèle social, faire de la solidarité un régulateur mondial, prône-t-il. Car le risque existe que d’autres modèles gagnent dans ce contexte où l’enjeu relève, selon Jean-Claude Juncker, de l’ordre civilisationnel. Or, ce qui fait la force de l’Europe, c’est bien l’euro et son modèle social. Il faut donc "compléter ce que nous avons et en être fier", affirme Jean-Claude Juncker qui fait état d’un besoin urgent de plus d’Europe.