Lors du Conseil Affaires économiques et financières (ECOFIN), tenu à Bruxelles le 9 novembre 2012, le comité de conciliation, mettant autour d'une même table les représentants des Etats membres et ceux du Parlement européen, n'a pas réussi à se mettre d'accord sur le projet de budget 2013. La présidence chypriote de l'UE doit tenter de parvenir à un consensus lors d'une ultime réunion le 13 novembre 2012, au dernier des vingt-et-un jours de conciliation que le traité de Lisbonne prévoit en de pareilles situations de blocage. Si la réunion échouait de nouveau, la Commission européenne devrait proposer un nouveau projet.
En fait, devant l'impossibilité très vite manifeste de se mettre d'accord, les débats du comité de conciliation furent avortés rapidement. "Le degré de maturation n'était cette fois pas encore atteint. Alors nous avons interrompu les négociations", a déclaré le secrétaire d'État chypriote aux Affaires européennes, Andreas Mavroyannis. "Une négociation, qui n'est pas vraiment ouverte à 18.00h, ne peut conduire à un succès à minuit", a commenté le président de la commission des budgets au Parlement européen, Alain Lamassoure.
Le comité de conciliation devait d'abord se prononcer sur le budget rectificatif pour 2012, dont la Commission européenne avait esquissé la teneur dans deux lettres publiées le 23 octobre 2012. Or, à la deuxième de ces lettres, les négociations se sont bloquées.
Les deux parties ont pu s'entendre sur la première rectification, qui prévoit une aide aux victimes italiennes du tremblement de terre d'Emilie-Romagne, soit un montant de 670,9 millions d'euros à ajouter au budget 2012.
La Commission avait par ailleurs établi qu'il manquait neuf milliards d'euros en crédits de paiement pour compenser les dépenses de programmes européens, décidés conjointement par les Etats membres, tels que le septième programme-cadre de recherche, la politique de cohésion (7,17 milliards) et les programmes de développement rural (1,17 milliard d'euros). Cette somme est certes compensée en partie par les 3,08 milliards d'euros d'excédents de recettes engrangées durant l'exercice. L'effet net de ce projet de budget rectificatif pour les contributions des États membres au budget de l'UE devrait ainsi être de 5,9 milliards d'euros.
La Commission pensait pouvoir compter sur l'engagement pris par le Conseil et le Parlement une année plus tôt, lors de la conciliation sur le projet de budget 2012. Cette année-là, alors que le Parlement espérait une hausse des paiements de 5,2 %, l’accord trouvé avec le Conseil se contentait d'une augmentation de l’ordre de 1,86 %. Cette modeste augmentation était toutefois assortie d'une déclaration, selon laquelle le Conseil et le Parlement invitaient la Commission "à demander des crédits de paiement supplémentaires dans un budget rectificatif si les crédits inscrits dans le budget 2012 s'avèrent insuffisants pour couvrir les dépenses".
Un groupe de huit des douze contributeurs nets (Allemagne, France, Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas, Finlande, Danemark et Autriche), déjà opposés au projet de budget pour 2013 de la Commission européenne, s'est opposé à cette rallonge pour le budget de 2012, par laquelle les crédits de paiement se trouveraient en 2012 en hausse de 9,5 % par rapport au budget 2011. Le Danemark et le Royaume-Uni mènent l'opposition à ces crédits supplémentaires, tandis que les pays les plus désavantagés par la non-effectuation de ces paiements sont l'Italie, l'Espagne, la Pologne, la Grèce, l'Allemagne, la République tchèque et la Bulgarie.
Le Conseil a également argué pour sa défense qu'il serait possible de débloquer 15 milliards de crédits non affectés pour 2012 alors que la Commission européenne nie l'existence d'une telle possibilité. "Il n'est pas question de réaffecter des fonds", a averti le commissaire au Budget, Janusz Lewandowski. Il a préféré soumettre une proposition consistant à déduire du total 1,4 milliard d'euros de factures, payables non plus en 2012 mais en 2013.
Or, le projet de budget 2013 pose lui aussi problème. Les opposants au projet de budget rectifié sont aussi ceux qui ne veulent pas entendre d'une hausse importante du budget en 2013. Le 25 juillet 2012, le Conseil avait adopté un projet de budget qui prévoit une augmentation de crédits de paiement de 2,79 % en 2013 par rapport à 2012 (132,7 milliards d'euros, soit 0,99 % du revenu national brut de l'UE). Mais cette offre se situait bien en-dessous de la hausse de 6,82 % (à 137,9 milliards d'euros) proposée par le Parlement et celle de 6,71 % espérée par la Commission. Pour les crédits dits d'engagement, le Conseil défend une augmentation de 1,27 % (à 149,78 milliards d'euros) alors que le Parlement veut une hausse de +2,20 % et la Commission de 2,05 %.
"Tout en reconnaissant que ces mesures sont importantes pour aider l'Europe à sortir de la crise, le Conseil estime que les contraintes budgétaires qui pèsent actuellement sur les États membres doivent être prises en compte", lisait-on dans la note d'information publiée par la présidence chypriote en amont du Conseil Affaires économiques et financières. L'Allemagne a d'ailleurs averti à l'occasion de ce Conseil qu'il est "impossible d'aller au-delà d'une hausse de 2,8 %".
Le 4 octobre 2012, la commission des Budgets du Parlement européen avait adopté sa position sur le budget 2013 de l’Union, laquelle demandait le rétablissement de la proposition de budget de la Commission concernant les paiements. Par son vote du 23 octobre 2012, le Parlement avait rejeté le projet de budget pour 2013 du Conseil. Il arguait justement qu'il fallait doter l'UE en 2013 des moyens suffisants pour éviter les mésaventures du budget 2012.
La présidence chypriote n'a toutefois pas perdu l'espoir de conclure un accord pour l'ultime réunion le 13 novembre 2012. "Je crois que nous avons une bonne chance de trouver un compromis mardi", a en effet déclaré Andreas Mavroyannis. Si ce n'était pas le cas, la Commission européenne devrait reformuler un projet. Et le projet de budget ne pourrait pas être, comme initialement prévu, adopté définitivement par le Conseil européen les 22 et 23 novembre 2012.
La perspective que le projet de budget rectifié ne soit pas adopté dans les termes formulés par le Commission européenne a fait réagir cent personnalités européennes qui redoutent les conséquences néfastes pour le financement du programme ERASMUS. Les cent personnalités européennes mobilisées – parmi elles les Luxembourgerois(es) Liz May, Jean Muller, Patrick Weimerskirch, Joseph Lorent et Ranga Yogeshwar – ont adressé une lettre ouverte aux chefs d'Etat et de gouvernement soulignant que "des milliers de jeunes risquent de passer à côté d'une expérience potentiellement déterminante pour la suite de leur existence", puisque la génération Erasmus "est parvenue à obtenir certains des emplois les plus attrayants".
"'Erasmus pour tous' coûtera moins de 2% du budget total de l'Union. Dans les prochaines semaines, vous, les dirigeants des États membres de l’Union européenne, aurez une occasion unique d’approuver ce nouveau programme et de lui allouer les ressources dont il a besoin. Nos jeunes le méritent. Notre avenir en dépend", ont-ils par ailleurs écrit."Les jeunes ont payé un lourd tribut à la crise. Aujourd'hui plus que jamais, ils ont besoin de notre soutien", a déclaré pour sa part la commissaire européenne chargée de l’éducation, de la culture, du multilinguisme et de la jeunesse, Androulla Vassiliou.