Le 6 février 2012, l’eurodéputé libéral Charles Goerens convoquait la presse pour faire le point sur deux sujets qui lui tiennent à cœur : le pacte budgétaire sur lequel 25 chefs d’État et de gouvernement se sont entendus le 30 janvier dernier et qu’ils s’apprêtent à signer en mars prochain, et la Hongrie, qui est actuellement très critiquée pour plusieurs de ses initiatives législatives.
Pour Charles Goerens, qui a rappelé le contenu du traité international sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’UEM dans ses grandes lignes, ce texte n’offre "fondamentalement rien de nouveau", si ce n’est que les règles budgétaires devront désormais être inscrites dans les constitutions des États membres.
Pour ce qui est des règles elles-mêmes, une bonne partie d’entre elles étaient déjà inscrites dans le traité de Maastricht (pour les 60 % de dette publique et les 3 % de déficit à ne pas dépasser), mais aussi dans le pacte de croissance et de stabilité qui prévoyait des programmes de stabilité et était déjà doté d’un volet répressif via la procédure de déficit excessif. C’est sans compter aussi le pacte Euro plus, qui n’avait certes pas de caractère contraignant, mais surtout le paquet sur la gouvernance économique, le six-pack, qui prévoyait la des sanctions financières dans le cadre de la procédure de déficit excessif, et ce en introduisant le vote à la majorité qualifiée inversée.
Le fait que ce pacte n’apporte donc que si peu de nouveauté soulève aux yeux de Charles Goerens de nombreuses questions.
Valait-il vraiment la peine de créer une Europe à géométrie variable ? C’est ce que se demande l’eurodéputé qui distingue un marché unique à 27, un traité à 25, un Eurogroupe à 17, le groupe des 12 pays qui ratifieront les premiers le traité, puis ceux qui les rejoindront peu à peu… Autant de configurations possibles qui, loin de renforcer la crédibilité de l’Europe, risque d’en affaiblir la lisibilité.
Ce traité est un pas de plus pour sortir d’un cadre institutionnel unique, regrette encore Charles Goerens, qui estime qu’on aurait pu faire beaucoup de progrès en matière de gouvernance ne serait-ce qu’en appliquant le six-pack. En établissant un cadre réglementaire toujours plus complexe, dans lequel les nouvelles dispositions du traité se recoupent en partie avec le droit secondaire existant, c’est la foi de l’UE dans ses propres règles qui semble mise en doute, regrette-t-il. L’eurodéputé se demande aussi comment ce traité sera intégré dans les traités dans cinq ans, comme c’est prévu, pour peu que les 25 signataires l’aient bien ratifié : il craint que les deux États membres qui s’y sont opposés ne puissent faire obstruction, voire ne fassent du chantage.
Autre problème pointé par Charles Goerens, celui de la croissance, qui n’est en rien résolu par ce traité. Les marges de manœuvre budgétaires nécessaires ne peuvent être décidées par un traité, mais elles s’obtiennent au fil des ans, rappelle Charles Goerens qui s’indigne encore du fait que le pacte de stabilité ait été violé à de si nombreuses reprises sans sanction. Selon lui, il faut pleinement utiliser les moyens existants, et notamment les fonds structurels, soit en laissant à disposition des États membres les fonds disponibles, soit en les réaffectant. Il suggère pour sa part de mobiliser ces ressources pour financer des projets innovants qui s’inscriraient dans le cadre de la stratégie Europe 2020.
En bref, beaucoup de temps a été perdu dans cette "opération politique" qui a surtout servi les intérêts de politique intérieure de la chancelière allemande et qui a abouti à un traité que Charles Goerens juge "superflu".
Pour ce qui est de la situation en Hongrie, Charles Goerens a expliqué que, si la liberté de la presse avait été aussi menacée qu’aujourd’hui il y a dix, ans, lorsque la Hongrie était encore candidate à l’adhésion, si l’indépendance de sa banque centrale avait été aussi attaquée qu’aujourd’hui, ce pays serait resté à la porte de l’UE.
Maintenant que la Hongrie est membre de l’UE, Charles Goerens ressent qu’il y a une lacune en termes de réactions politiques, mais aussi dans le dispositif juridique. Car si la Commission veille au respect du droit de l’UE, et des droits fondamentaux, elle ne peut le faire que sur la base de textes européens existants, comme la directive sur les médias par exemple. Mais il n’y a pas de texte européen sur la liberté de la presse, explique l’eurodéputé...
Charles Goerens aimerait mandater l’Agence européenne des Droits fondamentaux (FRA), basée à Vienne, pour qu’elle éclaire la situation hongroise. Il entend d’ailleurs lancer une initiative en ce sens au Parlement européen.