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Jean-Claude Juncker, invité de Chamber aktuell, répond à ceux qui dénoncent le déficit démocratique de la coordination des politiques budgétaires que "c’est l’affaire des parlements nationaux que d’utiliser les droits que leur donnent les traités"
06-02-2013


Pour son émission hebdomadaire Chamber Aktuell, la Chambre des députés a reçu le 4 février 2013 le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker. Parmi les nombreux sujets d’actualité abordés, la rédaction est revenue sur la question du rôle des parlements nationaux dans le cadre du semestre européen et, plus largement, de la réforme de la gouvernance économique qui est à l’œuvre au niveau de l’UE et de la zone euro.

Pour aborder la question, l’équipe de la Chambre présente un reportage retraçant le voyage à Bruxelles effectué la semaine précédente par une délégation de cinq députés luxembourgeois qui ont participé à la semaine interparlementaire organisée au Parlement européen du 28 au 30 janvier 2013.

Une centaine de députés provenant de 26 assemblées de l’UE s’étaient retrouvés avec les eurodéputés afin de préparer notamment la réponse commune que les parlements vont apporter aux clauses de l’article 13 du traité dit budgétaire (TSCG) qui prévoit une intensification de la coopération entre le Parlement européen et les parlements nationaux. L’importance de la dimension démocratique du semestre européen et la coordination des politiques sociales ont fait partie des grands sujets abordés pendant ces deux journées.

Dans les rangs des représentants des parlements nationaux, on trouvait, côté luxembourgeois, François Bausch (déi gréng), Alex Bodry (LSAP), Gast Gibéryen (ADR), Robert Negri (LSAP) et Michel Wolter (CSV).

"C’est l’affaire des parlements nationaux que d’utiliser les droits que leur donnent les traités", estime Jean-Claude Juncker qui appelle de ses vœux "un débat européen plus vivant au Luxembourg"

Dans le reportage, Gast Gibéryen, pointe notamment "le grand déficit démocratique" qu’il voit aller croissant dans l’UE au fil du temps. "De traité en traité, les parlements nationaux sont dépossédés de leurs pouvoirs et ont toujours moins leur mot à dire", dénonce le député qui évoque le grand pouvoir de la Commission, pourtant non élue, ou encore le fait que le Conseil décide derrière des portes closes, le Parlement européen et les parlements nationaux n’intervenant selon lui que pour ratifier ce qui est décidé au plus haut niveau de façon non transparente.

Interrogé sur le rôle des parlements nationaux dans le cadre de la coordination budgétaire mise en place avec le semestre européen et le TSCG, l’eurodéputé Frank Engel (PPE) confie pour sa part au micro de Chamber Aktuell son étonnement devant le fait que les parlements nationaux soient prêts à accepter de se contenter à l’avenir de voter un budget qui correspond aux conditions fixées au niveau européen sans qu’ils n’aient pu participer aux décisions qui les ont définies. "Si j’étais parlementaire national, j’y opposerai un refus catégorique", affirme-t-il.

Pour Alex Bodry, il est "évident qu’est en train de s’opérer un déplacement de pouvoir en matière budgétaire des parlements vers l’exécutif", ce qu’il ne considère pas être dans l’intérêt du Luxembourg. Il  insiste donc sur la nécessité de se doter des capacités, au sein des parlements nationaux, afin de pouvoir être impliqué dans les décisions et de les influencer.

Lorsque, pour résumer ces critiques, Monique Faber demande à Jean-Claude Juncker s’il n’estime pas que trop de pouvoirs sont donnés à des organes non élus, le Premier ministre ne manque pas de rétorquer que les réunions du Conseil des ministres ne sont pas des conseils de "putschistes", mais bien des réunions dans lesquels se retrouvent des membres de gouvernement, qui, en règle générale, ont été élus. Ces membres de gouvernement peuvent par ailleurs être soumis au vote de confiance de leur parlement national, souligne Jean-Claude Juncker. A ses yeux, il n’est donc "pas tout à fait correct de faire comme si l’Europe se trouvait victime d’un démantèlement démocratique rampant".Jean-Claude Juncker était l'invité du Chamber aktuell du 4 février 2013. Source : www.chd.lu

Le Premier ministre, qui parle d’expérience, estime aussi qu’il est de plus en plus question du rôle des parlements nationaux en Europe, ce qui n’était pas du tout le cas auparavant. "C’est l’affaire des parlements nationaux que d’utiliser les droits que leur donnent les traités", juge Jean-Claude Juncker, qui pense qu’il leur revient aussi de "dire à leur gouvernement jusqu’où il peut aller et jusqu’où il ne peut pas aller". "Aucun ministre ne peut refuser de venir devant son parlement s’il est invité à y discuter de questions européennes", ajoute le Premier ministre pour qui cela devrait d’ailleurs "arriver bien plus souvent". Il saisit l’occasion pour appeler de ses vœux "un débat européen plus vivant au Luxembourg", car il est d’avis qu’il démontrera que les droits des parlements nationaux, et notamment leur droit souverain, ne sont pas dénigrés. "Les gouvernements s’engagent à respecter certaines limites sur la base des traités", affirme Jean-Claude Juncker. Et il rappelle que la Chambre a accepté, en votant en faveur du traité de Maastricht, les règles contraignantes qu’il fixe en matière de finances publiques et qu’il convient de respecter.

Monique Faber souligne la complexité des procédures mises en place afin de renforcer la coordination des politiques économiques et budgétaires, et elle se demande si une démocratie n’aurait pas besoin peut-être de règles plus simples et plus intelligibles pour les citoyens.

"La politique budgétaire est une affaire difficile", lui répond Jean-Claude Juncker qui ajoute que, multipliée par 27 ou 17, elle nécessite un cadre réglementaire qui doit tenir compte d’un grand nombre de paramètres. Et l’Europe est "un continent compliqué". Lorsque les gens se plaignent de ne pas comprendre qui décide de quoi en Europe, ce qu’il dit comprendre, il explique que les parlements, les gouvernements sont toujours impliqués, et qu’il y a parfois des zones d’ombre qu’il faut supprimer. Mais il ne perd pas de vue que beaucoup de gens ne savent pas non plus comment sont prises les décisions au niveau national…

"Lorsqu’on appelle de ses vœux une Union sociale, (…) il faut savoir que cela impliquerait de renoncer à certaines compétences", prévient Jean-Claude Juncker

Dernier grand sujet abordé dans le reportage, la question de la dimension sociale qui, selon Alex Bodry, "doit être renforcée dans les politiques européennes", en érigeant notamment à côté du pacte budgétaire un pacte social. Un élément que ne dément pas Roger Negri qui est d’ailleurs intervenu lors de la session interparlementaire portant sur la coordination des politiques sociales pour plaider pour qu’on s’appuie sur l’économie solidaire afin de mettre en œuvre la garantie jeunesse.

Jean-Claude Juncker rappelle qu’il plaide depuis de longues années pour qu’il y ait dans l’UE un socle minimal de droits pour les travailleurs car il ne trouve pas normal que le champ social soit laissé vierge pendant que l’Europe se dote d’un marché unique et d’une monnaie unique. "Mais il faut faire très attention en la matière", met en garde le Premier ministre.

"Monsieur Bodry et la Chambre seraient-ils d’accord si l’Europe devait décider du montant du salaire minimum luxembourgeois, du montant des pensions luxembourgeoises ?", demande Jean-Claude Juncker en appelant à nouveau à la prudence. Car lorsqu’on appelle de ses vœux une Union sociale, au même titre que l’Union budgétaire qui est en train de se construire, il faut savoir que cela impliquerait de renoncer à certaines compétences, prévient-il. Et si l’on veut que l’UE soit en mesure de fonctionner, l’unanimité ne peut être requise partout, poursuit-il. Ce qui signifierait que le Luxembourg ne pourrait pas faire usage de son droit de veto quand il en irait de ses intérêts sociaux.