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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Justice, liberté, sécurité et immigration - Traités et Affaires institutionnelles
Viviane Reding a tiré un bilan de la révolution juridique qu’aura permis le traité de Lisbonne, et lancé un plaidoyer aux accents fédéralistes pour un nouveau traité qui doit être "un saut quantique dans le renforcement de la légitimité démocratique"
24-05-2013


Le 24 mai 2013, Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne en charge de la Justice et des Droits fondamentaux, était invitée à tenir une conférence sur l’avenir de l’Europe par l’association The Bridge Forum Dialogue.Viviane Reding à Luxembourg le 24 mai 2013

L’occasion pour la commissaire de faire un bilan de sa vision, et de la méthode d’action qu’elle a privilégiée dans l’objectif de "placer les citoyens au cœur du projet européen", ainsi qu’elle avait intitulé son discours. Cet objectif fixé par le traité de Lisbonne et la Charte des Droits fondamentaux a constitué "un saut quantique" à ses yeux. Et pour le remplir, elle est allée chercher auprès de Robert Schuman et de Jean Monnet les clefs de la réussite : à savoir d’une part la nécessité d’avancer concrètement pour créer de facto la solidarité, et d’autre part la détermination.

La commissaire s’est concentrée dans son action des trois dernières années sur deux piliers, à savoir les droits des citoyens et la justice pour la croissance. "13 règlements et 11 directives plus tard, la construction a pris forme", constate-t-elle en soulignant l’impact de ces politiques sur la vie quotidienne des citoyens.

Premier grand chantier : la Justice pour les citoyens, longtemps "Cendrillon du droit européen"

La justice pour les citoyens a été longtemps "la Cendrillon du droit européen", estime Viviane Reding, qui relève que ce domaine a été exclu pendant plus de cinquante ans de la méthode communautaire pour être livré à la méthode intergouvernementale. Ce que le traité de Lisbonne a permis de changer fondamentalement en donnant les moyens d’ancrer la justice dans la méthode communautaire, constitue à ses yeux une véritable révolution.

Pour faire de cette vision d’une justice pour les citoyens une réalité, la commissaire a commencé par se soucier de rendre le quotidien transfrontalier des citoyens plus aisé et d’offrir une plus grande sécurité juridique.

Ainsi, par exemple, devant le blocage au Conseil de textes visant à offrir aux couples internationaux la possibilité de choisir quel droit appliquer pour leur divorce, elle a fait avancer le projet par le biais d’une coopération renforcée qui implique à ce jour 14 Etats membres.

Autre cheval de bataille de la commissaire, le démantèlement des nombreuses entraves qui limitent la libre circulation des citoyens. La Commission a ainsi proposé un règlement visant à abolir toutes les exigences bureaucratiques inutiles pour reconnaître un document public dans un autre Etat membre. De même Viviane Reding a-t-elle évoqué les efforts faits pour faciliter les procédures de transferts de voitures ou encore la reconnaissance transfrontalière de décisions de justice.

En matière de droits procéduraux en matière de procédures pénales, Viviane Reding s’est félicitée d’avoir pu intervenir pour la première fois au niveau européen en permettant à tout citoyen de l’UE de bénéficier des mêmes droits minimaux partout sur le territoire de l’Union. Ce qui s’est traduit notamment par le paquet sur le droit des victimes.

Et la commissaire ne compte pas s’en tenir là, ainsi qu’elle l’a annoncé récemment en proposant 12 nouvelles actions concrètes pour rendre la vie quotidienne des citoyens plus facile.

Au-delà de ces avancées qui touchent à la vie quotidienne de nombreux citoyens, Viviane Reding a aussi pris à cœur la mission de protéger leurs droits qui lui incombe en vertu de la Charte des droits fondamentaux. Et elle a rappelé l’engagement de la Commission à respecter la Charte dans toutes ses politiques. Toute politique est donc soumise à un examen au regard de la Charte, ce qui a été capital sur des sujets comme les scanners corporels ou les règles applicables en matière d’asile.

Viviane Reding a aussi rappelé les mesures prises par la Commission pour faire respecter l’Etat de droit et les droits fondamentaux, que ce soit lorsque des groupes de Roms ont été expulsés de France sans que les garanties procédurales en vigueur n'aient été respectées, ou lorsque la Cour constitutionnelle roumaine s’est trouvée menacée. Sans oublier les interventions répétées de la Commission en réponse aux changements récurrents apportés à la Constitution hongroise. Autant d’actions qui font de la Commission la gardienne de l’Etat de droit.

Second grand chantier : la "Justice pour la croissance"

Le second grand chantier de la Commission a été de répondre à la crise en développant une “Justice pour la croissance”, ainsi que l’a expliqué Viviane Reding à son auditoire.

La leçon tirée de la crise, c’est en effet qu’il faut une vision globale pour une "Union économique et monétaire véritable et approfondie", pour reprendre le titre du projet présenté en novembre 2012 par José Manuel Barroso. Et Viviane Reding a souligné dans son intervention combien l’UE avait su prendre des mesures sans précédent en un temps record pour faire face à la crise : Union bancaire, coordination des politiques budgétaires et économiques, sanctions automatiques en cas de manquement d’un Etat membre, sont autant d’éléments cités par la commissaire pour illustrer cette action.

Mais la commissaire a aussi retenu de l’épreuve que constitue la crise que la justice peut jouer un rôle important en soutenant la croissance, et ce notamment quand les dysfonctionnements du système de droit civil et commercial représentent un frein aux investissements. Elle s’est donc mise à l’ouvrage pour contribuer à l’accomplissement du marché intérieur, abolissant en décembre 2012 la coûteuse procédure d’exequatur, ou encore proposant une approche juridique innovante en matière de droit commercial. Viviane Reding a aussi évoqué ses propositions en matière de faillite, ou encore la réforme de la protection des données qui est actuellement discutée. Sans perdre de vue sa proposition visant à accroître la participation des femmes dans la décision économique.

Partant du constat que des décisions de justice prévisibles, rapides et applicables ont un impact déterminant pour attirer les entreprises et les investissements, Viviane Reding a aussi expliqué avoir impulsé l’idée de réaliser un Tableau de bord de la Justice, dont la première édition a été présentée en mars 2013. Un outil qui vise à promouvoir des systèmes juridiques efficaces et indépendants en Europe, à comparer les systèmes des différents Etats membres, mais qui peut aussi servir de système d’alerte et pourrait devenir la première étape d’un nouveau mécanisme d’Etat de droit.

Vers un nouveau traité qui doit être "un saut quantique dans le renforcement de la légitimité démocratique d’une union politique solide"

En clair, en trois ans, Viviane Reding estime qu’on est passé de l’intergouvernementalisme et de la fragmentation à une véritable politique européenne en matière de justice. "Les fondations ont été coulées et elles sont assez solides pour permettre de construire un continent de justice", juge la commissaire. La vision du traité de Lisbonne a rendu possible cette révolution, et la crise, en décillant les décideurs, a permis d’accélérer le pas.

Mais ce faisant, il est aussi devenu évident qu’un certain nombre de mesures ont pu être prises dans le cadre des traités actuels, quand d’autres n’ont été possibles que dans le cadre intergouvernemental. Et, pour Viviane Reding, l’indispensable communautarisation de ces règles nécessite désormais des changements de traité. Aux yeux de la commissaire, qui a développé dès septembre 2011 une vision pour des "Etats-Unis d’Europe", la crise actuelle a montré qu’une Europe fédérale est plus nécessaire que jamais. Et les changements que le TSCG prévoit d’ores et déjà d’apporter aux traités ne doivent pas s’en tenir à combler les lacunes des droits européens selon la commissaire qui plaide pour "un saut quantique dans le renforcement de la légitimité démocratique d’une union politique solide".

"Je rejette pleinement l’idée que l’Union devrait se limiter à son marché intérieur, ainsi que l’esquisse actuellement le gouvernement britannique", a lancé Viviane Reding qui veut aussi aller "bien au-delà d’un intergouvernementalisme à l’échelle de la zone euro". C’est donc avec satisfaction qu’elle a entendu le président français, François Hollande, plaider il y a peu la cause de la méthode communautaire et d’un achèvement d’une Union politique dans les deux ans. Elle s’est dite aussi heureuse de voir fonctionner à nouveau le moteur franco-allemand, formulant l’espoir que les Etats membres vont soutenir la Commission dans ses efforts pour aboutir à une Union politique allant au-delà d’une simple communauté économique.

Pour Viviane Reding, ces changements doivent faire l’objet d’un vaste débat public tel que celui qu’elle a amorcé dans le cadre de l’Année européenne des citoyens. Ce qu’elle a d’ores et déjà retenu des débats auxquels elle a participé dans ce cadre à travers l’Europe, c’est que les citoyens veulent une Europe plus unie et des politiques plus fortes à l’échelle du continent. Un message qu’elle voit comme une confirmation des résultats des enquêtes Eurobaromètre selon lesquels les citoyens ont plus confiance dans la Commission européenne que dans leurs gouvernements nationaux. Mais la commissaire ne perd pas non plus de vue que ces sondages témoignent aussi d’une érosion globale de la confiance dans les institutions tant nationales qu’européennes. Or, sans confiance, la démocratie est en danger, estime Viviane Reding qui entend regagner la confiance en posant les fondations d’un débat pan-européen à l’occasion d’élections européennes qu’elle souhaite plus transparentes. C’est désormais aux leaders politiques d’ouvrir le débat en mettant sur la table leurs propositions. La Commission a pour sa part apporté sa contribution avec le projet d’Union économique et monétaire, et elle va continuer à le faire cette année en soumettant des propositions de mécanismes pour l’Etat de droit, puis début 2014 en mettant sur la table des éléments qui pourront servir de base à un nouveau traité.