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Dans le débat sur l'octroi du statut d'économie de marché à la Chine, les eurodéputés CSV demandent l'adoption de mesures anti-dumping plus fortes et plus rapides
19-02-2016


Georges Bach, Viviane Reding et Frank EngelLe 19 février 2016, les trois eurodéputés luxembourgeois du parti chrétien-social CSV, membres du groupe PPE au Parlement européen, ont tenu une conférence de presse au sujet du débat sur l'éventuelle attribution du statut d'économie de marché à la Chine. Cette conférence de presse intervenait au lendemain d'un débat public organisé à Esch-Belval sur l'avenir de l'industrie sidérurgique luxembourgeoise.

Si tous les eurodéputés CSV sont intervenus sur ce sujet, c'est parce qu'ils sont tous trois, dans leurs activités parlementaires respectives, amenés à suivre de près la question. Le statut provisoire de la Chine échoit le 11 décembre 2016 et la Commission européenne entend faire des propositions à ce sujet à l'automne. Ainsi, les eurodéputés luxembourgeois du groupe PPE s'attendent à être très occupés par cette question durant l'année en cours, a déclaré en introduction l'eurodéputée Viviane Reding. Cette dernière, en tant que membre de la Commission parlementaire du commerce international, compétente sur le fonds, suivra de très près le dossier.

Viviane Reding attend une position plus claire du gouvernement luxembourgeois

L'octroi de statut changerait les méthodes de calcul des mesures anti-dumping applicables à la Chine. Viviane Reding compte sur l'adoption d'une réforme ambitieuse des mesures anti-dumping qui puissent servir de "contre-poids" à un tel octroi. C'est d'ailleurs l'une des trois options envisagées par la Commission européenne dans la consultation publique en ligne qu'elle a lancée à ce sujet le 10 février 2016.

Pour Viviane Reding, les mesures anti-dumping actuelles sont "beaucoup trop lentes", entre la date du dépôt de la plainte et celle de l'application de la sanction, et "pas assez fortes". L'eurodéputée pense qu'il faudrait tendre vers la sévérité des sanctions américaines, qui, par exemple, dans le cas des sacs plastiques chinois, furent dix fois plus importantes que les mesures prises par l'UE. "Nous ne voulons pas fermer le marché, mais le laisser ouvert avec des règles fortes. (…) Si on veut que le commerce mondial fonctionne, ce ne sera pas par une ultra-libéralisation mais avec des règles claires pour tous", pense-t-elle.

Viviane Reding espère ainsi que le Parlement européen gardera la "ligne dure" qui est la sienne sur la proposition de réforme du système anti-dumping qui est sur la table depuis le 10 avril 2013. Le parlement européen avait en effet adopté en février 2014 une position plus ferme que la Commission.

Les eurodéputés y demandaient notamment l'augmentation des taxes contre les importations subventionnées ou faisant l'objet de dumping et exigeaient des enquêtes plus rapides (en demandant que les enquêtes antidumping et antisubventions soient limitées à neuf mois et que les droits provisoires soient imposés dès six mois après l'ouverture de l'enquête). Ils avaient également demandé la prise en compte du dumping social et environnemental et, a souligné Viviane Reding, que les syndicats, et non la seule industrie, puissent désormais déposer une plainte contre le dumping.

Viviane RedingNéanmoins, la réforme est bloquée au Conseil, où les 28 Etats membres n'ont pas encore réussi à se mettre d'accord. Selon Viviane Reding, trois groupes s'y distinguent par leur prise de position : le groupe des Etats membres qui souhaitent un renforcement des mesures anti-dumping, dans lequel figurent la France, l'Italie, la Pologne et les pays du Sud, le second groupe (Royaume-Uni, Pays-Bas et  pays du Nord) opposés aux mesures anti-dumping, et un troisième groupe d'Etats membres indécis où l'on retrouverait l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg.

Viviane Reding fait remarquer que la composition du groupe des Etats membres favorables à la réforme au Conseil n'est pas la même que celle des Etats membres qui ont, par une lettre datée du 5 février 2016, demandé à la Commission européenne l'adoption d'un paquet de mesures visant à moderniser les instruments de défense commercial. La Belgique, l'Allemagne, le Royaume-Uni et le Luxembourg, signataires de cette lettre, sont dans son collimateur.

"On voit clairement qu'il y a une contradiction avec ce que disent publiquement les ministres ou ce qu'ils écrivent dans une lettre. Il y a des gouvernements qui disent qu'ils veulent une réforme mais qu'ils l'empêchent quand ils sont dans les réunions du Conseil", a déclaré l'eurodéputée. La posture attentiste du Luxembourg au Conseil avantagerait ceux qui ne veulent pas de réforme. "La dernière chose à faire est de mettre la tête dans le sable", juge  Viviane Reding. Cette dernière souligne que le CSV entend, durant tout le processus, œuvrer ainsi à la transparence en dévoilant les positions que les ministres prennent dans ces réunions du Conseil "plus ou moins secrètes", "en particulier quand elle est en contradiction avec leur position dans leur pays".

Le CSV estime que les conséquences sociales pour l'UE obligent à prendre une position ferme vis-à-vis de la Chine

Frank Engel a pour sa part déploré que la lettre ait été publiée trois mois après la dernière réunion du Conseil durant laquelle fut traitée le projet de réforme, en date du 21 novembre 2015, et après la présidence luxembourgeoise de l'UE qui aurait pu en faire une priorité.  Vice-président de la  Délégation pour les relations avec la République populaire de Chine, Frank Engel s'intéresse au cadre économique et politique plus vaste dans lequel intervient cette dispute. Il rappelle que la Chine compte depuis des années sur une croissance annuelle à deux chiffres pour nourrir la demande, mais qu'elle est entrée dans une période de récession, qui l'a conduite à connaître une "surcapacité substantielle" dans le secteur sidérurgique.  

La Chine entend ainsi répondre au défi de donner de l'emploi aux millions de paysans qui quittent la campagne pour trouver du travail dans les régions industrielles, sans quoi elle serait à la merci de troubles sociaux qu'elle redoute. Malgré cela, remarque Frank Engel, elle n'a pas eu d'autre choix que de réduire de 100-150 millions de tonnes, sa production annuelle d'acier qui atteignait presque le milliard de tonnes. Pour autant, estime l'eurodéputé PPE, il ne faut pas craindre de prendre une position claire vis-à-vis de la Chine, même si elle est en période d'incertitude économique et craint des troubles sociaux. Il faut trouver un équilibre entre les contraintes pour la Chine et celles qui pèsent sur l'Europe. Il faut donc abandonner les "agenouillements prophylactiques", et se positionner sans craindre d'être perçus comme antichinois.

Il ne faudrait pas se focaliser sur les conséquences sociales auxquelles devrait faire face à l'avenir la Chine, et oublier les conséquences sociales qui seraient elles aussi très importantes, dans une UE qui serait dépourvus de nouveaux moyens de se protéger contre le dumping chinois, a souligné pour sa part, l'eurodéputé Georges Bach, qui suit les conséquences en termes sociaux et d'emploi, de l'octroi du statut d'économie de marché à la Chine.

Georges Bach a rappelé que, depuis 2011, 85 000 emplois ont été supprimés dans l'industrie sidérurgique de l'UE. Comme ces suppressions se sont opérées à travers des arrêts provisoires d'usines, des mises au chômage partiel et la fermeture de sites, la situation n'a pas sauté aux yeux, mais elle n'en est pas moins "assez alarmante". Toutefois, il reste 360 000 emplois de sidérurgistes dans l'UE, répartis sur 500 sites dans 24 Etats membres, qui seraient directement menacés par l'octroi de ce statut. Mais il faudrait aussi y ajouter tous les emplois indirects ainsi que les emplois des secteurs de la chimie, de la céramique, de la fabrication de vélos notamment, qui pourraient faire les frais d'une telle décision.

Georges Bach évoque les chiffres présentés par la Commission européenne qui envisage, au cas où le statut d'économie de marché était octroyé à la Chine, que 77 000 à 210 000 emplois  seraient touchés. Mais, pour le Parlement européen, c'est un scénario optimiste. Les eurodéputés réservent leur confiance aux projections d'une étude de l' Economic policy institute, qui prévoit, à moyens de protection commerciale inchangés, que la nouvelle situation coûterait à l'UE 1 à 2 % de son PIB. Tout le secteur sidérurgique serait mis à terre et 1,7 à 3, 5 millions d'emplois seraient touchés. Au Luxembourg, ce sont 8 à 10 000 emplois au total, dont 4000 emplois de sidérurgistes, qui seraient menacés.