Au lendemain d’une première journée qui a permis de discuter de la lutte contre le chômage des jeunes et de l’aide au PME, mais aussi de trouver un accord sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 et de clore le semestre européen 2013, le Conseil européen des 27 et 28 juin 2013 avait à l’ordre du jour Union économique et monétaire et élargissement.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont fait le point sur les progrès réalisés depuis décembre dernier sur les travaux visant à renforcer l’architecture de l’UEM.
L’occasion de rappeler que "la priorité absolue est, à court terme, d’achever l’union bancaire", et donc de mettre l’accent sur ce qui est en train d’être mis en place, à savoir les nouvelles règles relatives aux exigences de fonds propres pour les banques (CRR/CRD) et le nouveau mécanisme de surveillance unique (MSU), l’examen de la qualité des actifs, suivi d'un test de résistance, qui va être mené dans le cadre de l’établissement du MSU, ou encore l’accord trouvé au sein de l’Eurogroupe sur les principales caractéristiques du cadre opérationnel pour la recapitalisation directe des banques par le Mécanisme européen de stabilité (ESM ou MES).
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont aussi salué l'accord intervenu la veille en Ecofin sur le projet de directive établissant un cadre pour le redressement et la résolution des défaillances des banques en appelant Conseil et Parlement à engager des négociations en vue de l'adoption de la directive avant la fin de l'année. Ils ont également exprimé le souhait que la proposition relative aux systèmes de garantie des dépôts soit adoptée avant la fin de l'année. Dans ce contexte, le Conseil européen "attend avec intérêt la proposition de la Commission établissant un mécanisme de résolution unique, l'objectif étant qu'un accord intervienne au sein du Conseil avant la fin de l'année, de manière à ce que la proposition puisse être adoptée avant la fin de la législature actuelle". Les conclusions précisent aussi que la Commission compte adopter, à l'été 2013, des règles révisées en matière d'aides d'État en faveur du secteur financier afin de garantir l'égalité de traitement dans les décisions de résolution faisant intervenir un soutien des pouvoirs publics.
Pour ce qui est de la mise en place d’un cadre plus efficace de coordination des politiques économiques, les chefs d’Etat et de gouvernement, qui se réfèrent à ce sujet à l’article 11 du TSCG, indiquent que la Commission va présenter à l’automne une proposition relative à la coordination préalable des grandes réformes de politique économique, un document qui va s’inscrire dans le prolongement des ses propositions du 20 mars 2013. Les conclusions font état de "convergences sur les principes fondamentaux qui sous-tendent les concepts de contrats arrêtés d'un commun accord et de mécanismes de solidarité associés", mais elles annoncent aussi que "les travaux en la matière devront néanmoins se poursuivre dans les prochains mois", notamment du fait des propositions à venir.
"Il convient de renforcer la dimension sociale de l'UEM", prônent les chefs d’Etat et de gouvernement dans leurs conclusions. "Dans un premier temps, il importe d'assurer un meilleur suivi et de mieux tenir compte de la situation qui existe au sein de l'UEM, tant dans le domaine social que sur le marché de l'emploi, notamment par le recours à des indicateurs appropriés en matière sociale et d'emploi dans le cadre du Semestre européen", y est-il précisé, tandis qu’une "meilleure coordination des politiques sociales et de l'emploi, tout en respectant pleinement les compétences nationales" est elle aussi jugée importante. "Les partenaires sociaux et le dialogue social, y compris au niveau national, ont également un rôle essentiel à jouer", estiment les chefs d’Etat et de gouvernement qui annoncent que la Commission présentera sous peu une communication sur la dimension sociale de l'UEM.
En termes de calendrier, les chefs d’Etat et de gouvernement prévoient de revenir sur ces questions en octobre 2013, moment auquel ils se pencheront notamment sur les indicateurs et les domaines d'action à prendre en considération dans le cadre d'un renforcement de la coordination des politiques économiques ainsi que sur la dimension sociale de l'UEM. Ces discussions se poursuivront en décembre 2013, l'objectif étant de prendre des décisions sur ces questions, notamment sur les principales caractéristiques des arrangements contractuels et des mécanismes de solidarité associés.
Après une recommandation en ce sens formulée par la Commission et la BCE, puis validée par les ministres des Finances de la zone euro, les chefs d’Etat et de gouvernement ont donné à leur tour leur feu vert à l’adhésion de la Lettonie à l’euro pour le 1er janvier 2014.
En ce qui concerne l'élargissement, le Conseil européen a fait siennes les conclusions et les recommandations du Conseil Affaires générales du 25 juin 2013 : par conséquent, les chefs d’Etat et de gouvernement ont décidé d'ouvrir des négociations d'adhésion avec la Serbie. La première conférence intergouvernementale aura lieu en janvier 2014 au plus tard. Avant la tenue de cette conférence, le cadre de négociation sera adopté par le Conseil et confirmé par le Conseil européen lors de sa réunion habituelle consacrée à l'élargissement.
De même, les décisions autorisant l'ouverture de négociations en vue de la conclusion d'un accord de stabilisation et d'association entre l'Union européenne et le Kosovo ont été adoptées.
C’est à l’issue de la deuxième journée du Conseil européen que le Premier ministre Jean-Claude Juncker, qui représentait le Luxembourg dans ces discussions, a fait par aux rédactions présentes à Bruxelles de ses commentaires sur un sommet qui n’avait selon lui "rien de dramatique". Comme il l’a souligné en effet, beaucoup de décisions importantes qui y ont été discutées, notamment en ce qui concerne l’UEM, avaient fait l’objet d’accords au niveau du Conseil des ministres, comme par exemple la question de la résolution bancaire.
S’il a tenu à saluer les décisions prises la veille dans le cadre de la lutte contre le chômage des jeunes, et notamment "la décision de mobiliser dès les années 2014 et 2015 les 6 milliards du prochain cadre financier pluriannuel destinées à la lutte contre le chômage des jeunes", Jean-Claude Juncker a tenu à souligner que cette décision "n’a pu être prise que grâce à l’accord intervenu [la veille] entre le Conseil et le Parlement européen sur le futur cadre financier pluriannuel". "Sans cet accord, ces fonds n’auraient pas été disponibles", a en effet rappelé le Premier ministre.
Jean-Claude Juncker a toutefois mis en garde contre "l’illusion que le seul montant de 6 milliards pourrait suffire à lui seul pour lutter efficacement contre le problème massif du chômage auquel nous nous voyons confrontés actuellement". Il a bien insisté de ce fait sur la nécessité "d’ajouter à cette somme des moyens budgétaires supplémentaires au niveaux nationaux". Sans compter que la croissance et l’emploi sont indispensables pour pouvoir espérer agir. En d’autres termes, ce qui a été décidé est "une aide, rien de plus".
L’eurodéputé Claude Turmes a salué la décision des chefs d’Etat et de gouvernement de prévoir six milliards d’euros pour la mise en place d’une garantie pour les jeunes que son groupe politique, les Verts, appelle de ses vœux depuis longtemps. Mais il insiste sur la nécessité d’un contrôle renforcé des moyens ainsi débloqués par la Commission européenne, car il importe selon lui qu’ils servent à financer des domaines d’avenir, comme les technologies vertes, plutôt que la construction de nouvelles autoroutes. La garantie jeunesse ne doit pas servir d’alibi, met en garde le parlementaire qui juge important de s’attaquer aux causes structurelles du chômage des jeunes. Il plaide ainsi pour des programmes d’investissement et d’aide au crédit, un domaine dans lequel la BEI joue un rôle déterminant.
Lors de sa conférence de presse, Jean-Claude Juncker n’a pas caché sa déception en ce qui concerne l’approfondissement de l’UEM. "Je suis quelque peu déçu que les ambitions que nous avions voici un an ont été revues à la baisse", a-t-il en effet expliqué devant la presse. De même, alors que, selon lui, la plupart des 27 "croient que le pire de la crise est derrière nous", il a appelé pour sa part à la plus grande vigilance. "J’aurais souhaité plus de dynamique en ce qui concerne l’approfondissement de l’Union économique et monétaire", a-t-il confié aux journalistes.
Le Premier ministre luxembourgeois a par ailleurs déploré que les éléments qui concernent la dimension sociale de l’Union économique et monétaire soient "quasi inexistants". "Je suis d’avis qu’il faudra à l’avenir se pencher un peu plus sur les questions de politique sociale, mais j’ai l’impression que la volonté de ce faire est très mince," a-t-il regretté.
Mais Jean-Claude Juncker a toutefois salué les "progrès énormes" qui ont été accomplis au niveau de l’Ecofin en ce qui concerne l’Union bancaire. Des progrès qui vont permettre "de briser le lien entre la dette bancaire et la dette souveraine, ce qui n’était pas une mince affaire."