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Economie, finances et monnaie
Un rapport sur le "pilotage économique européen" que Nicolas Sarkozy entend transmettre à Herman Van Rompuy fait la part belle à l’idée de créer un Trésor européen pour la gestion de la dette des Etats membres de la zone euro
La proposition émise par Jean-Claude Juncker et Giulio Tremonti fait son chemin
07-01-2011


Le 6 janvier 2011, Nicolas Sarkozy s’est vu remettre des mains de l’eurodéputée Constance Le Grip et de l’ancien ministre et député du Val-de-Marne Henri Plagnol un rapport intitulé "Un chemin pour un pilotage économique européen". Constance Le Grip et Henri Plagnol, les auteurs du rapport intitulé "Un chemin pour un pilotage économique européen" © Présidence de la République française - C. Alix

Selon un communiqué de l’Elysée, le Président français souhaite que ce rapport, qu’il entend transmettre à Herman Van Rompuy, "serve à renforcer le dialogue entre les différentes institutions européennes et nationales, exécutives et parlementaires, sur ces sujets aussi essentiels pour la stabilité de l'Europe et de la zone euro".

Les deux parlementaires s’étaient vus confier par le président français la mission de recenser les attentes des différents parlements nationaux et européen de l’UE en matière de renforcement de la gouvernance économique en Europe en juin dernier. Henri Plagnol avait ainsi rencontré Jean-Claude Juncker à Luxembourg le 14 octobre dernier.

S'appuyant sur de nombreuses consultations d'élus et d'experts rencontrés dans de nombreux Etats-membres, les auteurs ont présenté au président Sarkozy une quinzaine de propositions pour renforcer la gouvernance économique en Europe, qui rejoignent les décisions prises lors des derniers Conseils européens.

Un certain nombre de propositions à court terme font échos aux décisions récentes des chefs d’Etat et de gouvernement

"A court terme, il est nécessaire de tirer tous les enseignements de la crise et notamment de mettre en place les conditions d'une meilleure coordination des politiques budgétaires, le respect des conditions du Pacte de stabilité par les Etats étant le corollaire indispensable de l'Union monétaire", expliquent Constance Le Grip et Henri Plagnol.

Les deux auteurs proposent ainsi, en ce qui concerne la réforme du Pacte de stabilité, des sanctions qui "ne doivent pas être automatiques mais donner lieu à une approbation à une majorité qualifiée du Conseil des ministres des finances, les positions étant rendues publiques". Ils appellent par ailleurs à "privilégier les sanctions politiques pouvant aller jusqu’à la suspension des droits de vote" par rapport à des sanctions financières qu’ils jugent Constance Le Grip et Henri plagnol sont venus présenter à l'Elysée leur rapport sur le pilotage éceonomique européen le 6 janvier 2011 © Présidence de la République française - C. Alix"difficilement applicables".

Aux yeux des auteurs du rapport, "la discipline budgétaire ne peut être légitimement et efficacement exercée que par les parlements nationaux", et ils plaident donc, dans le cadre de la mise en œuvre du semestre européen, pour que les parlements nationaux définissent "souverainement en fonction de leurs traditions et de leur calendrier budgétaire, les conditions dans lesquelles doit avoir lieu le débat parlementaire".

Constance Le Grip et Henri Plagnol recommandent par ailleurs aux Etats membres de la zone euro "d’introduire dans leur droit interne une obligation constitutionnelle de maîtrise de leur déficit et de leur dette pour respecter leurs obligations consécutives à l’appartenance à l’Union monétaire".

Au-delà, les auteurs du rapport proposent d'aller plus loin par l'approfondissement du marché intérieur, la mise en place d'une stratégie commerciale fondée sur la réciprocité ou encore la refonte du budget européen.

Ils considèrent qu'aucune sortie de crise durable ne se fera sans un approfondissement de la convergence, notamment franco-allemande. Ils suggèrent à cet égard de mettre en place un "calendrier de convergence sociale et fiscale impliquant les deux parlements" ainsi qu'une nouvelle impulsion à la coopération industrielle entre les deux pays.

Pour renforcer la cohésion de la zone euro, les auteurs appellent à "affirmer la spécificité de l’Eurogroupe"

Mais ils accordent aussi une place importante à l’Eurogroupe dans leur vision.

"Etant donné la diversité de l’Union à 27, avec des écarts de compétitivité très importants et des modèles sociaux différents, il est impossible d’avancer d’un même pas à l’échelle de l’Union", expliquent en effet les deux rapporteurs qui en concluent que "le réalisme impose de progresser par petits pas successifs et par cercles concentriques".

Dans leur esprit, "le premier cercle, c’est le couple franco-allemand, sans lequel rien ne sera possible" et l’UE dans son ensemble apparaît comme le "troisième cercle" au sein duquel "le processus de convergence économique et sociale ne peut être que beaucoup plus lent et doit s’effectuer en respectant strictement les droits des Etats".

Dans ce contexte, la zone euro est considérée comme "le deuxième cercle". Si les auteurs ne jugent "ni souhaitable ni possible d’institutionnaliser trop l’Eurogroupe", ils appellent cependant, "de façon pragmatique", à ce que les chefs d’Etats et de Gouvernement conviennent de "se réunir une fois par trimestre pour traiter des intérêts vitaux de l’Union monétaire et de la coordination des politiques économiques". "La crise grave que traverse la zone euro ne sera résolue que si les marchés sont convaincus du caractère irréversible de la monnaie unique et ont en face d’eux un gouvernement économique de la zone euro à même de prendre des orientations claires et convaincantes", estiment en effet Constance Le Grip et Henri Plagnol.

"La portée politique" de la création d’une Agence de la dette européenne émettant des euro-obligations serait selon les auteurs "considérable en achevant de rendre irréversible la création de l’euro"

Parmi les propositions à long terme que font les deux auteurs dans ce cadre, apparaît de façon plus surprenante l’idée de "créer un Trésor européen pour la gestion de la dette des Etats membres de la zone euro". On se souvient en effet qu’en décembre dernier, le président Sarkozy avait manifesté, à l’occasion d’une rencontre avec Angela Merkel, son opposition à l’idée émise par Jean-Claude Juncker de créer une Agence européenne de la dette qui pourrait émettre des euro-obligations. "Je ne suis pas persuadé que les citoyens français et allemands seraient très heureux que Mme Merkel et moi-même nous acceptions de mutualiser la dette de toute l'Europe, alors même qu'il n'y a pas assez d'harmonisation", avait alors déclaré Nicolas Sarkozy.

Or, aux yeux des auteurs du rapport que Nicolas Sarkozy entend remettre à Herman Van Rompuy, cette "Agence européenne de la dette européenne", comme ils nomment aussi ce "Trésor européen", serait "un signal puissant pour les marchés en même temps qu’une incitation forte à l’autodiscipline en matière budgétaire".

"Nous proposons d’examiner l’opportunité de créer à moyen terme un organe chargé de gérer en commun la dette des États de la zone euro, prolongement logique de la mise en place de la monnaie unique", expliquent les auteurs du rapport, car "cela permettrait notamment de créer un marché plus large de la dette au bénéfice des États participants et surtout de réduire les écarts de taux d’intérêts sur les obligations à l’intérieur de la zone euro".

"Naturellement l’existence de cette institution nouvelle, Agence européenne de la dette ou Trésor européen, n’est envisageable, que dans le respect de conditions strictes garantissant sa crédibilité et la solidité des émissions, si l’on veut que l’Allemagne y adhère", ne manquent-ils pas de préciser. Ainsi, selon leur proposition, les émissions du Trésor européen seraient dans un premier temps réservées aux Etats vertueux ou limitées au montant de la dette autorisée par les engagements du Pacte de stabilité. Et d’ajouter que le projet ne pourra être envisagé "qu’à condition que les mesures de renforcement de la discipline budgétaire soient rentrées en application et effectives".

A terme, poursuivent les auteurs du rapport, "le développement des euro-obligations permettrait de doter l’Union d’une capacité d’emprunts bénéficiant de la meilleure signature". Et ils citent alors explicitement la thèse proposée en décembre 2010 par Jean-Claude Juncker et Giulio Tremonti, estimant que "la portée politique d’une telle initiative serait considérable en achevant de rendre irréversible la création de l’euro".

S’ils soulignent que cette proposition se heurte à l’heure actuelle au refus de l’Allemagne, les auteurs suggèrent, "pour lever le tabou des euro-obligations", de "confier à l’Eurogroupe le soin de parvenir à un consensus sur les conditions préalables à l’émission d’euro-obligations qui permettraient de doter l’Union d’une réelle capacité d’emprunt contribuant à l’indispensable relance économique par l’investissement".

En parallèle, le fonds européen de stabilité financière avec des moyens renforcés, serait, selon les auteurs du rapport, transformé en un véritable fonds monétaire européen capable d’accompagner les Etats en difficulté dans leurs efforts d’ajustement structurels.