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Parlement européen
Les six eurodéputés luxembourgeois ont tiré le bilan de leur année parlementaire
13-07-2012


En cette fin d’année parlementaire, l’heure est venue de tirer le bilan pour les six eurodéputés luxembourgeois.

C’est ce qu’ils ont fait le 13 juillet 2012 à l’occasion d’une conférence de presse qui fut l’occasion d’esquisser les perspectives de l’année à venir, ainsi que de discuter à bâtons rompus de questions d’actualité et de sujets de fond.

Les six et la crise

Premier sujet sur lesquels les six députés européens ont été invités à se positionner, la crise et le rôle du Parlement européen dans ce contexte.

Pour Georges Bach (PPE et CSV), il y a d’un côté la crise, et de l’autre la question de la confiance des citoyens dans le projet européen, et c’est bien cela qui le préoccupe en tout premier lieu. L’eurodéputé et militant syndicaliste regrette "l’ingérable cacophonie quotidienne des dirigeants européens de premier, second, troisième ou quatrième ordre" qui défait la confiance des citoyens, de l’industrie, des banques et des marchés. Avec pour conséquence que l’investissement dans l’économie réelle est en chute libre. Le Parlement européen a pris dans ce contexte de nombreuses initiatives, mais souvent, c’est le Conseil qui bloque, de sorte que la lutte contre le chômage des jeunes et le décrochage scolaire par exemple peine à être mise en œuvre. Une autre chose qui touche Georges Frank Engel et Georges BachBach depuis le début de son mandat est le fait qu’il est si peu question de l’Europe sociale et d’une politique sociale commune. C'est d’autant plus nécessaire que les citoyens, et notamment les citoyens luxembourgeois craignent de devoir abandonner de nombreux acquis. Une raison de plus pour plaider pour une telle politique sociale commune.  

Frank Engel (PPE et CSV), le plus jeune des députés européens luxembourgeois, est aussi le plus pessimiste : "Nous sommes arrivés à un point où il faut parler d’une UE en crise structurelle". La monnaie commune est construite sur des fondements bancals. Les vices de construction sont connus, mais ils ne sont pas corrigés. Les dirigeants nationaux réagissent par des politiques nationales contre une crise commune, qui devrait être gérée de manière collective, et non pas individuelle, comme actuellement. Une monnaie peut tout à fait fonctionner sans Etat, a expliqué le député dont la sensibilité européenne est particulièrement fédéraliste. Mais elle ne peut pas fonctionner sans politiques budgétaires et économiques communes, car la convergence des économies de la zone euro ne passe pas par le fait pur de l’existence de la monnaie commune.

Robert Goebbels (S&D et LSAP) est convaincu que l’euro est fait pour durer. Aucun Etat membre de ne peut se permettre d’en sortir. Si un des pays en crise du Sud de l’Europe en sortait, sa monnaie serait dévaluée au point qu’il aurait des difficultés à se fournir en marchandises sur les marchés. Le seul pays qui pourrait se permettre de sortir de l’euro serait l’Allemagne. Mais sa nouvelle monnaie subirait une telle réévaluation que son industrie exportatrice, la colonne vertébrale de son succès économique, en serait profondément affectée. Et comme l’Allemagne est par ailleurs un des principaux créanciers des pays de la zone euro, elle verrait ses créances dévaluées d’un coup. L’Allemagne serait donc ébranlée jusque dans ses fondements. L’euro est donc, selon Robert Goebbels, condamné à durer, faute d’alternative.   

Charles Goerens (ALDE et DP) a quant à lui proposé quatre alternatives à la situation actuelle : une nouvelle vision de l’Europe que nous voulons, plus de solidarité en guise d’égoïsme bien compris, une Allemagne plus européenne et une UE moins allemande, et une autre méthode, moins intergouvernementale et plus fédéraliste, avec "moins de gens du type Barroso aux rênes".

Pour Astrid Lulling (PPE et CSV), la crise actuelle est une crise des dettes souveraines, pas de l’euro. Des réformes en profondeur sont donc nécessaires. Pour elle, le semestre européen et son mécanisme de recommandation sont une bonne chose, et elle se félicite "que Bruxelles nous dise ce qu’il faut faire puisque les acteurs politiques nationaux sont ici défaillants". Elle s’est dite "consternée" par la première réaction du Premier ministre aux recommandations, que ce dernier avait en partie critiquées lors d’une conférence de presse le 31 mai 2012. Mais, a-t-elle ajouté, elles ont finalement été adoptées par le Conseil, et il serait bien de les suivre.

Pour Claude Turmes (Verts européens et Déi Gréng), qui approuve les recommandations de la Commission, celle-ci a commis une "bourde sans pareille" en évoquant l'indexation des salaires. Elle s'est rendue coupable d'une "erreur de débutant" et a offert au gouvernement un "paratonnerre" qui lui a permis de détourner le débat des autres Claude Turmespoints qu'elle avait soulignés, la place de "lanterne rouge" en termes de politique climatique, de durabilité improbable de son système de pensions et de fragilité de sa compétitivité. 

Une Union de transfert est par ailleurs pour Claude Turmes le seul moyen pour sortir de la crise et pour affirmer l’UE comme un acteur uni dans le monde. L’artisan du rapport et de l’accord sur la directive sur l’efficacité énergétique a parlé de cette nouvelle mesure comme d’une réforme structurelle importante qui permettra à l’Europe de réduire sa dépendance des importations de gaz et de pétrole surtout. Elle renforcera donc l’Europe économique, la rendra plus riche et créera de nombreux emplois. Mais les clauses de la directive impliquent une politique de réinvestissement dans l’économie verte, l’innovation, la R&D, et il espère donc que c’est à cela que serviront les 10 milliards de capital supplémentaire dont va être dotée la BEI.

Bilan d’une année parlementaire, en deux minutes top chrono

L’exercice demandé ensuite aux parlementaires relevait de la haute voltige : résumer en deux minutes, sablier à l’appui, un an de travail au Parlement européen, tout en annonçant les principaux dossiers qu’ils vont suivre après la rentrée.

Claude Turmes, qui a insisté avant tout sur la directive sur l’efficacité énergétique, un dossier dans lequel il a tenu le rôle essentiel de rapporteur et de négociateur avec le Conseil, a saisi le temps imparti pour déplorer le peu d’avancées qu’il y a eu selon lui ces deux dernières années dans la lutte contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale. De même, en matière de régulation des services financiers, l’eurodéputé a affiché son mécontentement. Il a affirmé enfin sa déception que le gouvernement ne participe pas à la coopération renforcée qui va être lancée pour introduire la taxe sur les transactions financières (TTF), un sujet qui a fait l’objet de vives échanges entre les parlementaires.Charles Goerens

Charles Goerens a pour sa part insisté sur le rapport sur l’avenir de la politique de développement dont il est l’auteur. Le maître mot en est la différenciation, a-t-il rappelé au sujet de ce document qu’il avait présenté à la presse luxembourgeoise le 20 juin dernier.

Robert Goebbels a rappelé le rôle qu’il a joué en matière de roaming, mais il a expliqué travailler essentiellement sur les questions financières, saluant les engagements dont fait, lentement, montre la Commission en faveur d’une réglementation des marchés financiers. Il a joué le rôle de rapporteur fictif sur la directive AIFM, mais aussi sur les ventes à découvert et les CDS, deux dossiers importants qui ont pu aboutir. Il suit maintenant la proposition de la Commission sur les marchés d’instruments financiers (MiFID), le souci étant là encore de réglementer autant que possible les marchés financiers.

Astrid LullingAstrid Lulling, en tant que seule membre luxembourgeoise de la commission Agriculture, a souligné le rôle qu’elle joue pour défendre les intérêts des agriculteurs luxembourgeois notamment dans le dossier sur la réforme de la PAC après 2013. Elle a aussi rappelé avoir initié un débat qui s’est tenu il y a quelques semaines au Parlement européen afin d’attirer l’attention de la Commission sur la situation des producteurs de lait en vue de la levée des quotas prévue pour 2015. Ce fut l’occasion pour l’eurodéputée d’afficher son mécontentement à l’égard de l’attitude de la Commission dans ce dossier. Autre point sur lequel Astrid Lulling est montée au créneau, la défense du siège du secrétariat général du Parlement européen au Luxembourg, qui fait d’après ses dires, l’objet d’une campagne de dénigrement aussi violente que mensongère, notamment autour des travaux d’extension du KAD.

Georges Bach est revenu sur ses activités au sein des commissions Transport et Affaires sociales. Il a notamment pointé l’accord tout juste trouvé sur la refonte du paquet ferroviaire, que le Parlement a adoptée le 3 juillet dernier. S’il se réjouit d’avoir pu contribuer à faire en sorte qu’infrastructures et services ne soient pas séparés, il laisse entendre toutefois de sombres perspectives sur ce dossier dans la mesure où la Commission aura très bientôt l’occasion de revenir à la charge dans le cadre du 4e paquet ferroviaire qu’elle doit esquisser dans la perspective d’une libéralisation du transport de voyageurs. Georges Bach s’est aussi passionné pour la question des droits des voyageurs dans les différents moyens de transport, un sujet sur lequel il a été rapporteur. En ce moment, il est question du paquet "aéroports", a précisé Georges Bach qui est particulièrement attentif aux conséquences que ces trois textes, et notamment celui concernant la libéralisation des services au sol, auront au Luxembourg, sans perdre de vue l’aspect social. Cette question sociale, sujet qui lui tient à cœur, il la traite en suivant de nombreux dossiers et il va par exemple être rapporteur fictif sur le rapport sur le semestre européen à partir de septembre, sans perdre de vue la question des pensions, mais aussi de la directive sur le détachement de travailleurs ou encore des restructurations dans le secteur industriel.

Frank Engel a parlé en premier lieu du rapport sur la situation des droits fondamentaux et de l’Etat de droit en Hongrie dont il a été chargé par la commission LIBE sur les libertés civiles. Il est d’avis que ce ne sera pas le premier rapport de ce genre, et que la Roumanie risque elle aussi de faire objet d’un tel exercice. En passant, il a estimé que "la Hongrie est sur la bonne voie", tandis qu’en Roumanie, "pays à la dérive", il y a eu selon lui "un coup d’Etat constitutionnel qui ne doit pas faire école". Pour ce qui est des grands dossiers qui vont l’occuper prochainement, le jeune parlementaire a notamment évoqué la directive sur la passation des marchés, un dossier sur lequel il est rapporteur fictif et qui va constituer "son plat de résistance" dans les mois à venir.

La taxe sur les transactions financières : sujet de discorde, objet de schizophrénie

Si Claude Turmes a lancé le sujet de la taxe sur les transactions financières, en affichant sa déception quant à la décision du gouvernement luxembourgeois de ne pas participer à la coopération renforcée, il n’a pas manqué de susciter de vives réactions de la part de ses pairs.

Astrid Lulling s’est dite en effet "très heureuse que Jean-Claude Juncker ait enfin dit non" à l’introduction d’une TTF qui n’aurait pas de sens à ses yeux si elle n’est pas introduite à 27. "La place financière luxembourgeoise n’est pas spéculative", s’est insurgée l’eurodéputée en soulignant l’importance des fonds d’investissements domiciliés au Grand-Duché pour les recettes de l’Etat et l’économie du pays. Elle n’a pas hésité à brandir le risque de faillite du Luxembourg si le Grand-Duché devait participer à une TTF sans le Royaume-Uni. "Ce serait se tirer une balle dans le pied", lui a fait écho Frank Engel, qui est tout à fait sur la même ligne que sa collègue.

Charles Goerens a expliqué s’être abstenu sur la taxe sur les transactions financières. Sur le principe, il est pour en effet, mais, sans être mieux informé des conséquences que son introduction pourrait avoir sur le Luxembourg, il préfère ne pas prendre parti. Et il appelle de ses vœux une étude d’impact.

Cette étude d’impact, Claude Turmes est d’avis que le gouvernement luxembourgeois aurait dû la mener, ce qui aurait permis un débat objectif sur le sujet. Astrid Lulling a alors évoqué l’étude d’impact sur les fonds d’investissement menée par l’EFAMA .

Georges Bach lui aussi se dit en faveur d’une telle taxe d’un point de vue idéologique, sans pour autant perdre de vue les conséquences qu’elle pourrait avoir. Mais il a souligné la politique schizophrène du Luxembourg sur ce dossier, relevant au passage que l’on ne pouvait reprocher à d’autres pays de faire pareil sur d’autres dossiers, ce qui a pour conséquence que le pays mène lui aussi une politique de l’Europe à la carte.

Un référendum sur l’Europe dans toute l’Europe ?

La question d’un référendum sur le futur de l’Europe pour entraîner les citoyens à participer au projet européen a déclenché un échange de vues entre les députés.

Frank Engel est pour, mais "pas dans l’atmosphère actuelle", et seulement "si toute l’UE y participe". L’on ne peut pas continuer par ailleurs avec une UE où la moitié des Etats membres fait ce qu’elle veut.

Claude Turmes a exprimé son accord avec la prudence affichée par Frank Engel en ce qui concerne un référendum européen. Ce qui importe, c’est que l’on élabore d’abord une nouvelle vision de l’Europe, dans le cadre d’une Convention qui inclurait les parlements nationaux et le Parlement européen. Une vision de l’avenir de l’Europe est déjà en gestation avec le rapport des quatre, à savoir le rapport coordonné par Herman Van Rompuy auquel participent le président de la Commission José Manuel Barroso, le président de la Banque centrale Mario Draghi et le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker. Et le Parlement européen n’a pas été impliqué dans la rédaction de ce rapport, regrette Claude Turmes.

Pourtant, a relevé Frank Engel, on peut noter beaucoup de points de convergence entre le projet de ce rapport et le rapport du Parlement européen sur la crise, où de nombreuses positions des quatre présidents sont préfigurées. Et pourtant, a-t-il regretté, le Parlement européen n’est pas même cité. "Mais quelque chose se prépare pour septembre", a-t-il annoncé, avec un brin de sous-entendus.      

Robert Goebbels, plus sceptique sur les référendums et convaincu que le simple citoyen est mal outillé pour se prononcer sur des questions institutionnelles dont la résolution est pour cela confiée aux élus politiques, s’estRobert Goebbels demandé sur quoi un tel référendum se prononcerait : "être dans l’UE ou cuisiner sa soupe tout seul ?" ou "savoir vers où on va ?", ce qui lui plairait plus. Il a rappelé les échecs des référendums de 2005 en France et aux Pays-Bas. Il est néanmoins nécessaire selon lui de refonder et de réorganiser l’UE, avec ses 17 membres qui appliquent l’intégralité des traités et les autres 10 qui pratiquent l’Union à la carte. Il verrait tout à fait un référendum au Royaume Uni, qui se prononcerait pour la continuité ou la fin de son adhésion à l’UE. Et il verrait du même bon œil des référendums de ce genre aux Pays-Bas, au Danemark et en Suède, des pays qui ne sont qu’intéressés au marché intérieur, mais en aucun cas selon lui à l’intégration. Sa charge contre la politique du Royaume Uni s’est aussi adressée à sa politique de blocage systématique et vérifiée sur une centaine de cas de la politique étrangère commune pourtant inscrite dans le traité de Lisbonne. Robert Goebbels accepte aussi très mal que les eurodéputés du Royaume Uni puissent se prononcer au Parlement européen sur des questions liées à l’euro.

Charles Goerens est d’accord avec la tenue d’un référendum, à condition que l’on ait réfléchi en amont à la méthode de le conduire. Il devrait en tout cas avoir lieu le même jour partout dans l’UE.